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Société - Social

À Bir Hassan, le drame des Syriens qui veulent désespérément fuir le bourbier libanais

Un réfugié qui voulait être relocalisé avec sa fille malade s’immole devant les locaux du HCR.

À Bir Hassan, le drame des Syriens qui veulent désespérément fuir le bourbier libanais

Une des entrées du siège du HCR.

« Nous sommes en train de mourir à petit feu au Liban. Sauvez-nous ! » lance Khaled el-Youssef d’une voix trahissant un profond désespoir. Ce quadragénaire fait partie d’un groupe d’une cinquantaine de sans-abri syriens, installés à même le trottoir devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Bir Hassan. Leur calvaire dure depuis près de dix mois. Depuis qu’ils se sont retrouvés à la rue parce qu’ils étaient incapables de payer leur loyer. « Depuis dix mois, nous venons chaque jour frapper à la porte du Haut-Commissariat. Nous n’avons pas arrêté d’appeler au secours, mais personne ne se soucie de nous », confie Khaled à notre journaliste sur place, Mohammad Yassine. « Depuis une trentaine de jours, nous avons apporté nos matelas et nos quelques affaires pour dormir ici, dans l’espoir que quelqu’un s’intéresse à notre cause », ajoute-t-il, montrant un trottoir où sont entassés quelques matelas de fortune. En vain. La présence du groupe passait inaperçue. Il a fallu qu’un des compatriotes de Khaled – un quinquagénaire qui n’arrivait plus à acheter les médicaments dont sa fille malade a besoin et qui voulait quitter le Liban avec elle – s’immole par le feu devant le siège du HCR, hier dans la matinée, pour que le voile se lève sur ce drame.

Pour mémoire

Après le suicide de deux Libanais, que faut-il encore pour réveiller la conscience du pouvoir ?

L’identité du malheureux qui s’est transformé en torche vivante après s’être aspergé d’essence n’a pas été révélée. Même ses compatriotes ignorent son nom. Les agents de sécurité du HCR et des passants ont accouru pour le secourir, mais le mal était déjà fait. Brûlé au premier et au second degrés, il a d’abord été traité à l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri, avant d’être transféré à l’hôpital al-Salam de Tripoli, selon notre publication sœur L’Orient Today. Ses jours ne semblent pas être en danger, selon un des secouristes de la Défense civile qui l’a transporté. L’histoire de cet homme résume la tragédie d’un grand nombre de réfugiés syriens qui se trouvent aujourd’hui pris entre l’enclume de la crise économique et financière au Liban et le marteau d’une situation tout aussi précaire en Syrie où certains ont peur pour leur vie, sous le régime du président Bachar el-Assad. L’homme qui s’est immolé voulait présenter une demande d’asile auprès du HCR pour pouvoir quitter le Liban.

« Il n’a jamais réussi à franchir le seuil du bâtiment. Comme nous tous d’ailleurs », raconte Khaled. « Beaucoup pensent à se suicider mais nous essayons de les dissuader et de leur donner de l’espoir », ajoute ce quinquagénaire, qui se montre très virulent à l’égard de l’agence onusienne et des Forces de sécurité intérieure. « Lorsque nous avions sollicité le HCR il y a quelques mois, la seule réponse que nous avions était que nous pouvions les appeler à n’importe quel moment sur la ligne verte mise à notre disposition. Le problème est qu’ils ne répondent jamais », fulmine Khaled, avant de raconter que les FSI ont à leur tour essayé de les déloger. « Ils nous ont même pris la bâche en nylon dont nous nous servions pour nous abriter de la pluie », gronde-t-il. Toutefois, lui et ses compatriotes, dont des femmes et des enfants, comptent bien rester dans la rue jusqu’à ce que leur situation soit réglée.

« Nos moyens sont limités »
Le HCR n’a pas tardé à publier un communiqué dans lequel il confirme que l’homme qui s’est immolé était enregistré auprès de l’agence. « Le HCR est en contact étroit avec la famille (de la victime) et les équipes médicales afin de faire le suivi de sa situation. Les efforts se concentrent en ce moment sur l’aide médicale nécessaire », ajoute le Haut-Commissariat, qui appelle à préserver l’anonymat de cet homme.

À L’Orient-Le Jour, le chargé de communication du HCR, Omar Elnaeim, affirme comprendre parfaitement « la frustration et la colère des réfugiés syriens », et se dit consterné par « la tragédie » d’hier, d’autant, précise-t-il, que « 80 % des réfugiés syriens au Liban vivent désormais sous le seuil de la pauvreté, alors que cette proportion était de 55 % l’an dernier ». Confrontée à des besoins énormes, l’agence onusienne a du mal à y répondre faute de fonds. « Ces personnes ont parfaitement le droit de protester et leurs revendications sont tout à fait légitimes, mais il faut comprendre que nos moyens sont limités », commente Omar Elnaeim, précisant que les fonds qui parviennent aujourd’hui au HCR suffisent à peine pour distribuer des aides à 31 % seulement des réfugiés, « ce qui est trop peu ».

Devant le siège du HCR, des réfugiés syriens ont brandi hier des pancartes avec des inscriptions détaillant leur extrême pauvreté. Photos Mohammad Yassine

Compte tenu des limites de financement de ses activités, le HCR, souligne-t-il, « se concentre sur des projets déterminés ». « Pour le moment, la priorité est aux aides liées à l’arrivée de l’hiver, ce qui implique la distribution de couvertures, de l’argent et des produits alimentaires », poursuit-il en mettant l’accent sur le fait que la situation actuelle au Liban est « la pire pour les réfugiés, notamment avec la crise aiguë que traverse le pays ».

Selon les explications du chargé de communication de l’agence onusienne, les Syriens qui organisent le sit-in devant son siège veulent tous être relocalisés. Il s’agit d’une autre revendication difficilement réalisable en raison des restrictions imposées par les pays d’accueil. « Seulement 1 % des réfugiés sont relocalisés. Cela ne dépend pas de nous, mais du pays d’accueil qui détermine les quotas », relève Omar Elnaeim, avant d’indiquer que son bureau explique toujours cette situation aux réfugiés qui veulent quitter le Liban.

Plusieurs suicides et cas d’immolation ont été enregistrés ces derniers mois au Liban, en lien avec la crise sociale et économique qui s’est aggravée depuis un an et qui affecte sévèrement les réfugiés. Le Liban affirme accueillir 1,5 million de réfugiés syriens, dont près d’un million sont officiellement inscrits auprès de l’ONU, vivant majoritairement dans le grand dénuement. Leurs conditions de vie se sont détériorées davantage au cours de l’année écoulée. Le gouvernement libanais ne cesse d’appeler au rapatriement dans leur pays des Syriens vivant au Liban, malgré les mises en garde d’ONG et d’agences internationales pour qui les conditions sécuritaires et économiques sont encore loin d’être optimales pour envisager un retour massif en Syrie.

« Nous sommes en train de mourir à petit feu au Liban. Sauvez-nous ! » lance Khaled el-Youssef d’une voix trahissant un profond désespoir. Ce quadragénaire fait partie d’un groupe d’une cinquantaine de sans-abri syriens, installés à même le trottoir devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Bir Hassan. Leur calvaire dure depuis...

commentaires (4)

Oui, ils sont une charge, mais la plupart n'ont pas demandé à s'exiler loin de leurs terres, nous connaissons assez la barbarie de leurs dirigeants pour comprendre leurs réticences à rentrer en Syrie,; je ne souhaite a personne d'être dans ce dilemme.

Christine KHALIL

23 h 40, le 06 novembre 2020

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Commentaires (4)

  • Oui, ils sont une charge, mais la plupart n'ont pas demandé à s'exiler loin de leurs terres, nous connaissons assez la barbarie de leurs dirigeants pour comprendre leurs réticences à rentrer en Syrie,; je ne souhaite a personne d'être dans ce dilemme.

    Christine KHALIL

    23 h 40, le 06 novembre 2020

  • Qu'ils rentrent chez eux! Le Liban et les Libanais ne supportent plus le poids et les coûts qui en découlent.

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 34, le 06 novembre 2020

  • C’est bien malheureux d’être réfugié dans un pays autre que le sien. Il faut absolument qu’ils rentrent tout de suite chez eux en Syrie puisqu’il n’y a plus la guerre civile. Ils doivent aller manifester devant l’ambassade de LEUR pays en invectivant LEUR ambassadeur pour contraindre LEUR gouvernement à les loger dans LEUR pays

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 13, le 06 novembre 2020

  • Les malheureux réfugiés devraient être rapatriés chez eux

    Bardawil dany

    10 h 09, le 06 novembre 2020

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