La polémique suscitée mercredi soir par des images de centaines de sacs de farine stockés sous les gradins de la Cité sportive à Beyrouth dans des conditions insalubres, alors que cette denrée était initialement destinée aux sinistrés de l'explosion du 4 août au port de Beyrouth, continuait d'enfler jeudi, la société civile se mobilisant devant la justice, et le ministre sortant de l'Economie se défendant de toute responsabilité.
Mercredi après-midi, la municipalité de Ghobeyri, dans la banlieue sud de Beyrouth, a annoncé que sa police a découvert des milliers de tonnes de farine stockées dans la Cité sportive. La farine, envoyée par l'État irakien aux Libanais, était entreposée sous les gradins et exposée à l'eau, à l'humidité et à l'air, alors que de fortes pluies s'abattent depuis trois jours sur le Liban. Le directeur général des édifices sportifs, Riad Cheikha, avait de son côté précisé que la farine "est stockée à la demande du ministère de l'Économie pour une durée de quinze jours le temps qu'elle soit distribuée", avant une nouvelle augmentation du prix du paquet de pain. En mai puis en juillet, Raoul Nehmé avait déjà augmenté le prix du paquet de pain et diminué son poids, pour plafonner le paquet de 900 grammes à 2.000 livres et celui de 400 grammes à 1.000 livres.
Cette polémique a enflammé les internautes et indigné la population. Le ministre sortant de l'Economie a expliqué hier qu'"environ 7.000 tonnes de farine ont été entreposées à titre provisoire avec l'aide de l'armée libanaise à la Cité sportive, afin d'être distribuées sur plusieurs étapes aux boulangeries", a-t-il écrit sur Twitter, assurant que "toutes les mesures préventives possibles pour conserver la farine ont été prises". L'aide initiale comportait 10.000 tonnes de farine, selon Raoul Nehmé, mais 3.000 tonnes avaient déjà été distribuées.
"Aucune erreur"
Des explications qui n'ont pas eu l'effet escompté. Car jeudi, un groupe de la société civile qui se fait appeler "Le peuple réclame la réforme du système" a demandé, par le biais de ses avocats, l'ouverture d'une note d'information auprès du parquet général financier concernant cette affaire. La demande de ce collectif vise "tous les ministres, directeurs, employés et fonctionnaires qui s'avéreraient impliqués pour négligence professionnelle et responsables de la destruction de milliers de tonnes de farine irakienne offerte au gouvernement libanais pour être distribuée aux Libanais nécessiteux". Sur le terrain, un groupe de contestataires a organisé un sit-in devant le siège du ministère de l'Economie à Beyrouth afin de crier sa colère contre le ministre.
Se défendant une nouvelle fois de toute mauvaise gestion, Raoul Nehmé a affirmé, lors d'une conférence de presse, qu'il n'y avait eu "aucune erreur pour que des responsabilités soient déterminées". Il a déclaré que "les photos qui circulent montrent des quantités de farine qui ont été endommagées lors de leur transport". Le ministre a ensuite assuré "ne pas avoir été informé de fuites d'eau au sein de la Cité sportive". "Les quantités désormais avariées n'excèdent pas les deux à trois tonnes sur un total de 7.000. Les sacs ont été placés sur des socles et recouverts de bâches afin de les protéger de l'eau", a-t-il précisé. Des mesures qui n'ont visiblement pas suffi.
"Démolir les silos de blé"
Le 4 août dernier, la gigantesque double explosion qui a ravagé le port de Beyrouth, tué 204 personnes et blessés 6.500 autres, à la suite d'un incendie dans un énorme stock de nitrate d'ammonium, avait anéanti presque complètement le bâtiment des silos à grains situé dans le port. A la suite de ce drame, le Programme alimentaire mondial (PAM) avait envoyé 12.000 tonnes de farine, permettant alors au paquet de pain de passer à 1 kg, sans modifier le prix, du 22 septembre au 22 novembre.
Commentant l'état des silos à grain dans le port lors de sa conférence de presse, le ministre sortant de l'Economie s'est prononcé en faveur de leur destruction pour des raisons de sécurité, affirmant que des "dommages structurels" ont été recensés. "Il n'y a pas d'autre solution que de détruire les silos le plus tôt possible, pour éviter tout problème", a jugé Raoul Nehmé. "Il s'est avéré qu'une telle opération de destruction ne comporte pas de danger, après un suivi effectué par des experts", a-t-il assuré. Le ministre a précisé que l'armée "encadrera cette opération". Il n'a toutefois pas donné de date précise pour la destruction des silos.
commentaires (9)
Il faut lui offrir ces tonnes de blé cachés ici et là à ce ministre pour qu’il nourrisse sa famille et ses amis et proches avec. Peut être n’aurait il plus faim enfin puisqu’ils continuent tous à être affamés malgré le pillage de tout ce qui se trouvent sur le chemin ne suffit plus. D’abord le thé et maintenant la farine.
Sissi zayyat
12 h 41, le 06 novembre 2020