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Démolitions en tous genres

Rarement élection présidentielle US aura été suivie de bout en bout avec une telle anxiété, tant en effet l’issue promet d’être déterminante : pour les États-Unis eux-mêmes bien sûr, mais forcément aussi pour une très substantielle partie de la planète.


Chez lui comme à travers le monde, Donald Trump s’est fait une règle de bouleverser précisément toutes les règles du jeu, galvanisant, à coups d’outrances, ses fidèles, mais ne faisant en définitive que creuser encore les lignes de fracture quadrillant la société américaine. Les tensions entre militants antiracistes et ultranationalistes ont d’ailleurs atteint un tel degré que des affrontements violents sont à craindre en plusieurs points du pays dès l’annonce des résultats du scrutin. Inimaginable perspective en vérité que celle-là, s’agissant de la patrie du mythique rêve américain, de la première superpuissance mondiale, d’un colosse yankee rompu à toutes sortes de guerres lointaines, mais dont les pieds d’argile viendraient à patauger cette fois dans du sang exclusivement américain !


Sur la scène internationale, de même, Trump n’a cessé de faire scandale. D’une même chiquenaude, il a envoyé valser le traité nucléaire avec l’Iran et l’accord de Paris sur le climat, et c’est tout juste s’il n’a pas fait voler en éclats l’OTAN ; par contre, il a bel et bien retiré l’Amérique de ces deux organes onusiens à vocation culturelle ou humanitaire que sont l’Unesco et l’Unrwa ; et il a parachevé son injuste action contre les réfugiés de Palestine en balayant lestement des décennies de tradition diplomatique américaine pour faire cadeau à Netanyahu de Jérusalem-Est et de larges pans de Cisjordanie, en sus du Golan syrien.


C’est dire la place qu’occupent le Proche et le Moyen-Orient dans tout ce désordre mondial en quête de rangement. Quel que soit le pensionnaire de la Maison-Blanche, voilà qui implique nécessairement un règlement, négocié ou éventuellement imposé, avec l’incontournable Iran. Que les mollahs de Téhéran se plaisent à jouer les indifférents n’y changera rien : il est clair que dans diverses capitales de la région, les gouvernements ont vécu, ces derniers mois, au rythme du folklore électoral américain, escomptant le meilleur – et redoutant le pire – du scrutin d’hier. Dans nul Machintrucstan cependant, dans le plus fruste des campements bédouins, on n’eût jamais pu égaler les dirigeants libanais en veule attentisme, en lâche soumission au verdict des urnes, aux caprices du sort...


Voilà en effet un infortuné pays, le nôtre, accablé de tous les maux à la fois : une pandémie galopante, cravachée qu’elle est par le manque quasi total de coordination entre ministères de la Santé et de l’Intérieur, comme par l’indiscipline insensée des citoyens ; une crise socio-économique et financière d’une ampleur absolument sans précédent, fruit de longues années de mal-gérance et de corruption effrénée ; une aversion viscérale, organique, insurmontable, de la faune au pouvoir pour toute réforme structurelle susceptible d’attirer les assistances étrangères et d’éviter ainsi l’effondrement total ; et pour couronner le tout, la survivance de ces criminelles manœuvres retardant la formation d’un gouvernement : tout se passant comme si du résultat de la présidentielle américaine dépendait l’octroi à l’une ou l’autre des factions en présence de tel ou tel de ces mêmes ministères où elles se sont tristement illustrées pourtant, à force d’incompétence ou de rapines.


Pourtant athée, Voltaire priait Dieu de le garder de ses amis car ses ennemis, il pouvait s’en charger tout seul. Nombreux sont nos ennemis alentour ; mais on s’applique si bien à détruire le Liban de l’intérieur même qu’il n’est nul besoin, après tout, de démolisseurs d’importation.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Rarement élection présidentielle US aura été suivie de bout en bout avec une telle anxiété, tant en effet l’issue promet d’être déterminante : pour les États-Unis eux-mêmes bien sûr, mais forcément aussi pour une très substantielle partie de la planète.Chez lui comme à travers le monde, Donald Trump s’est fait une règle de bouleverser précisément toutes les règles du...