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Société - Commentaire

Plus de droits pour les employées de maison, c’est moins d’avantages pour leurs employeurs

Qu’on l’admette ou non, les employées de maison constituent le maillon le plus vulnérable de la longue chaîne du travail domestique.

Plus de droits pour les employées de maison, c’est moins d’avantages pour leurs employeurs

Au printemps dernier, devant l’ambassade d’Éthiopie à Beyrouth, le désespoir des travailleuses domestiques qui n’aspirent plus qu’à rentrer chez elles. Photo A.-M.H.

C’était le moment où jamais. L’occasion en or pour accorder des droits aux travailleuses et travailleurs domestiques migrants. Une période creuse, plombée par la crise économique et financière, par la pandémie de Covid-19 aussi, et qui a mis au plus bas le secteur du travail domestique au Liban. Une période qui voit les départs se multiplier, à raison de plusieurs avions par semaine, car le pays, soumis à une pénurie de dollars, n’est désormais plus intéressant pour la main-d’œuvre migrante.

Le nouveau contrat de travail des employées de maison étrangères (profession majoritairement féminine) adopté en août dernier par la ministre du Travail, Lamia Yammine, ne verra pas le jour, pour l’instant du moins. Son application a été provisoirement suspendue par le Conseil d’État à la mi-octobre après un recours en invalidation présenté par le syndicat des bureaux de recrutement de travailleuses domestiques migrantes. Officiellement, parce que ce contrat entraîne des dommages avérés aux bureaux de placement. Et aussi, semble-t-il, pour une question de prérogatives de la ministre du Travail, ce nouveau contrat de travail s’apparentant à une loi. Sans vouloir entrer dans les détails de cette suspension qui demeurent secrets, le temps que la justice tranche d’ici à quelques mois au moins, force est de constater quelques points-clés.

Droits et devoirs de part et d’autre

Ne nous leurrons pas. Plus de droits pour les employées de maison implique nécessairement moins d’avantages pour les employeurs. C’est forcément accepter que la travailleuse domestique soit maître de ses décisions, de ses mouvements. Qu’elle soit considérée comme un être libre, libre de rester ou de partir, avec le droit d’être en possession de son passeport, de recevoir un salaire décent et non amputé à la fin du mois, de bénéficier d’heures de repos et de sortir le dimanche où bon lui semble, d’être protégée par la justice en cas d’abus ou de violations de son contrat, de se mettre à l’abri lorsqu’elle se sent en danger, de bénéficier de soins médicaux en cas de nécessité, de travailler de son plein gré sans y être forcée ou menacée. La liste est si longue. L’important étant qu’au sein de chaque ménage, travailleuses domestiques et employeurs bénéficient chacun de droits et de devoirs, comme dans n’importe quelle profession.

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Le Liban n’est pas prêt à céder sur ces « avantages », car chacun y trouve son compte. Les employeurs, car ils ont les pouvoirs absolus sur des personnes vulnérables venues d’Asie du Sud ou d’Afrique, souvent pour des salaires de misère. Les bureaux de recrutement, car jusqu’en 2019, le secteur qui comptait encore quelques 150 000 travailleuses étrangères enregistrées (éthiopiennes, philippines, sri lankaises, bangladaises, camerounaises…) rapportait de l’or. Les autorités, vu la manne financière que le travail domestique représentait pour les caisses de l’État avant l’effondrement de la monnaie nationale. Sans oublier que derrière chaque responsable, quel qu’il soit, se cache un patron potentiel.

Ce qui conforte le pays du Cèdre dans son entêtement, c’est qu’il n’a signé aucune convention internationale et n’a adopté aucune loi locale sur le travail domestique. À titre d’exemple, il n’a pas adopté la Convention 189 de l’Organisation internationale du travail (2011) sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Son Code du travail ne couvre toujours pas le travail domestique. Il ne se sent donc contraint par aucune législation. Et pourtant, le contrat unifié actuel signé chez le notaire par l’employeur et l’employée aurait constitué une avancée s’il avait été appliqué, malgré son caractère succinct. En revanche, le Liban s’est bien doté en 2011 d’une loi sur le trafic humain dont auraient pu bénéficier les travailleuses domestiques, dans certaines situations. Mais là aussi, son application laisse à désirer.

Les belles histoires existent, les bons employeurs aussi

La restructuration du secteur est indispensable. Elle implique la modernisation de la législation, le contrat de travail unifié des employées de maison n’étant idéalement qu’un pas vers un amendement du Code du travail. Mais cette procédure reste caduque sans la mise en place par le ministère du Travail de mécanismes d’application des législations, de protection des travailleuses domestiques, et d’arbitrage en cas de litige avec leur employeur. Sans compter qu’une justice indépendante doit être prête à sanctionner les employeurs abusifs, même proches du pouvoir. Il ne resterait plus qu’à œuvrer à changer les mentalités, par le biais d’un travail national de sensibilisation, de longue haleine. Qu’on le veuille ou non, les employées de maison constituent le maillon le plus vulnérable de la longue chaîne du travail domestique. Même si les belles histoires existent et les bons employeurs aussi. Faut-il rappeler que ces personnes ont quitté leur pays et leur famille pour vivre chez un employeur recommandé par des bureaux de recrutement exerçant sans le moindre contrôle ? Faut-il aussi rappeler que la situation de ces travailleuses est d’autant plus délicate qu’elles ne parlent pas l’arabe et qu’elles ne disposent d’aucun recours en cas d’abus ?

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Le Liban a le devoir de mettre le doigt sur la plaie. D’empêcher les abus contre les travailleuses domestiques. D’empêcher le travail forcé et les pratiques esclavagistes d’un autre âge, encore trop fréquentes aux quatre coins du pays. Au lieu d’accuser à tort les organisations de défense des droits de l’homme de salir la réputation du Liban et de bloquer les réformes pour des questions de prérogatives, il ferait mieux de se pencher sur les raisons des trop fréquents « suicides » de travailleuses domestiques. Cela commencerait par l’adoption du contrat de travail unifié, concocté durant un an par un comité initié par le ministère du Travail (d’abord l’ancien ministre Camille Abousleiman, puis l’actuelle ministre sortante Lamia Yammine) sous la direction de l’OIT, avec la participation d’organisations de défense des droits de l’homme et d’acteurs de la société civile, parmi lesquels L’Orient-Le Jour. Sans aucun doute, le processus sera long et semé d’embûches. Immanquablement, il redorera le blason d’un État en plein effritement. Ce n’est qu’alors que les travailleuses domestiques migrantes reprendront le chemin du Liban, et que des Libanaises pourraient s’intéresser, aussi, à la profession.

C’était le moment où jamais. L’occasion en or pour accorder des droits aux travailleuses et travailleurs domestiques migrants. Une période creuse, plombée par la crise économique et financière, par la pandémie de Covid-19 aussi, et qui a mis au plus bas le secteur du travail domestique au Liban. Une période qui voit les départs se multiplier, à raison de plusieurs avions par...

commentaires (2)

C’EST BEAU LA JUSTICE AU LIBAN BRAVO MESSIEURS LES JUGES POUR QUE QUELQUES PERSONNES QUI ONT DES BUREAUX DE TRAFIC ( il faut dire le mot ) DE FEMMES POUR LE TRAVAILLE DE MAISON ON ARRETTE UN DÉCRET QUI DONNE UN MINIMUM DE DROIT HUMAIN À 150000 PERSONNES ÉTRANGÈRES LA VÉRITÉ RIEN NE M’ETTONNE PLUS DE CE QU’ON APPELLE LA JUSTICE AU LIBAN QUAND LA PRÉFÉRÉE DE AOUN GHADA PEUT PEUT COLLECTER 100 SIGNATURES DE JUGES ( oui de juges) POUR DIRE QU’AVOIR UN AVOCAT PENDANT L’INTERROGATOIRE D’UN INDIVIDU NUIT À LA JUSTICE ALORS QU’ELLE SAIT TRÈS BIEN QUE LE JUGE DONNE SA PEINE SUR DES AVEUX SIGNÉS PAR LA FORCE ET LA MENACE DURANT L’INTERROGATOIRE OU PERSONNE NE PEUT ÊTRE PRÉSENT JOLI JUSTICE

LA VERITE

12 h 42, le 03 novembre 2020

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Commentaires (2)

  • C’EST BEAU LA JUSTICE AU LIBAN BRAVO MESSIEURS LES JUGES POUR QUE QUELQUES PERSONNES QUI ONT DES BUREAUX DE TRAFIC ( il faut dire le mot ) DE FEMMES POUR LE TRAVAILLE DE MAISON ON ARRETTE UN DÉCRET QUI DONNE UN MINIMUM DE DROIT HUMAIN À 150000 PERSONNES ÉTRANGÈRES LA VÉRITÉ RIEN NE M’ETTONNE PLUS DE CE QU’ON APPELLE LA JUSTICE AU LIBAN QUAND LA PRÉFÉRÉE DE AOUN GHADA PEUT PEUT COLLECTER 100 SIGNATURES DE JUGES ( oui de juges) POUR DIRE QU’AVOIR UN AVOCAT PENDANT L’INTERROGATOIRE D’UN INDIVIDU NUIT À LA JUSTICE ALORS QU’ELLE SAIT TRÈS BIEN QUE LE JUGE DONNE SA PEINE SUR DES AVEUX SIGNÉS PAR LA FORCE ET LA MENACE DURANT L’INTERROGATOIRE OU PERSONNE NE PEUT ÊTRE PRÉSENT JOLI JUSTICE

    LA VERITE

    12 h 42, le 03 novembre 2020

  • C'est une honte (une de plus) pour notre pays de ne pas appliquer immédiatement ce nouveau contrat. Le traitement des travailleurs et travailleuse domestiques est inacceptable et le monde nous considère comme des esclavagistes.

    karim souki

    06 h 10, le 03 novembre 2020

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