Dans un bref communiqué publié hier, la Banque du Liban (BDL) a annoncé avoir transmis au gouvernement tous les documents et informations requis par les cabinets d’audit KPMG, chargé du volet purement comptable de l’audit de la BDL, et Oliver Wyman, spécialiste des banques centrales, puisqu’ils ne vont pas à l’encontre des lois libanaises.
Le communiqué omet cependant de mentionner Alvarez & Marsal, alors que cette société, mandatée en même temps que les deux autres pour effectuer un audit exhaustif des comptes de la BDL, est chargée du volet le plus critique de cette opération, à savoir l’audit juricomptable (forensic audit) qui a vocation à retracer l’historique des transactions examinées.
Le sujet revient d’ailleurs dans le débat public depuis que l’État et les trois cabinets ont signé le contrat d’engagement le 1er septembre. Selon les informations ayant circulé jusqu’à présent, Alvarez & Marsal aurait adressé, mi-septembre, une première demande d’informations à laquelle la BDL a en principe répondu, un mois plus tard environ ; puis une seconde, avec une date limite pour la réponse fixée à mardi prochain.
Moitié des documents transmis
Il n’est pas clair, dans ce contexte, si la BDL a refusé de transmettre l’ensemble des documents demandés par Alvarez & Marsal en se réfugiant derrière la loi libanaise sur le secret bancaire ou juste une partie d’entre eux. Selon une source proche du dossier, la BDL aurait transféré environ la moitié des documents demandés par cet auditeur.
La loi sur le secret bancaire est considérée par de nombreux experts et certains responsables, à l’image du ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, comme le principal obstacle à la mission des auditeurs. Hier, le député Ibrahim Kanaan, qui préside la commission parlementaire des Finances et du Budget, a jugé « irréalisable dans sa forme actuelle » le contrat signé par le gouvernement libanais avec Alvarez & Marsal.
Dans son contrat, la société doit examiner l’évolution des comptes de la BDL depuis 2016, l’année où les premières opérations des ingénieries financières très controversées avaient été lancées. L’audit de la BDL occupe une position importante dans la liste des réformes urgentes que le Liban, en crise depuis plus d’un an, doit lancer pour prétendre à une aide internationale. Il s’agit aussi d’un pilier de la feuille de route française que le président français Emmanuel Macron a proposée à la classe politique libanaise lors de son passage à Beyrouth début septembre.
Rien ne permet pour l’instant de savoir si Alvarez & Marsal va se contenter des documents à sa disposition ou va jeter l’éponge, mais une source de la BDL, citée par le Daily Star, a indiqué mardi que le cabinet était « contrarié » par cette décision. Le contrat entre Alvarez & Marsal et l’État libanais prévoit que l’auditeur soit rémunéré 2,1 millions de dollars (plus 220 000 dollars de frais divers éventuels) payables en trois fois, s’il mène à bien sa mission. Un acompte de 840 000 dollars a en principe déjà été versé. Une somme sur laquelle Alvarez & Marsal ne conservera que 150 000 dollars s’il ne parvient pas à effectivement démarrer l’audit.