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Société - Santé publique

« Nous n’en pouvons plus ! » : le cri d’alarme des hôpitaux du Liban

Ce ne sont plus les seuls hôpitaux universitaires qui ne recevront plus des patients à partir d’aujourd’hui, mais tous les hôpitaux privés, indique le président du syndicat des hôpitaux privés, Sleiman Haroun.

« Nous n’en pouvons plus ! » : le cri d’alarme des hôpitaux du Liban

Le président du syndicat des hôpitaux a affirmé avoir arraché aux fournisseurs que les médicaments et fournitures hospitalières liés à des « cas vitaux » (life saving) soient déchargés de l’obligation imposée par la BDL. Photo Nabil Ismaïl

« Ce n’est pas que nous ne voulons pas. C’est que nous n’en pouvons plus. » Ce cri lancé hier par le directeur général du Centre hospitalier universitaire (CHU) Notre-Dame du Secours, le Pr Wissam Khoury, pourrait être celui de tous les directeurs d’hôpitaux. La circulaire 573 de la Banque du Liban, contraignant les fournisseurs de produits hospitaliers à payer 85 % de leurs achats en livres et le reste en devises, a mis à genoux par un effet domino tous les hôpitaux et semé le désarroi dans les rangs de la population, touchée dans l’un de ses droits les plus essentiels : le droit à la santé.

Le président du syndicat des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, l’a confié hier à L’Orient-Le Jour, ce ne sont plus les seuls hôpitaux universitaires qui ne recevront plus des patients à partir d’aujourd’hui, mais tous les hôpitaux privés. Si les admissions hospitalières ne sont plus systématiques, ce n’est pas une question de place qui se pose, mais une question de fonds. Les hôpitaux doivent désormais payer comptant aux fournisseurs, via les banques, le prix des médicaments et du matériel hospitalier, prothèses et autres articles médicaux entrant dans leurs soins, qu’ils soit chirurgicaux ou thérapeutiques (radiothérapie, chimiothérapie, antibiotiques, etc.).

C’est en effet sur les hôpitaux qu’est retombée, par ricochet, l’obligation de payer ces fournitures médicales et leurs médicaments, les fournisseurs ayant rejeté l’exigence de la BDL sur les banques et ces dernières les ayant répercutées sur les hôpitaux.

Dès vendredi, les six CHU du Liban avaient alors annoncé dans un communiqué commun qu’ils n’étaient plus capables de recevoir des patients et qu’ils comptaient suspendre les traitements et interventions chirurgicales à partir d’aujourd’hui, en raison des pénuries au niveau du matériel médical et des médicaments, ainsi que des contraintes financières imposées par la BDL.

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L’Association des banques avait réagi à l’ultimatum des six hôpitaux en affirmant, dans un communiqué, que les banques sont prêtes à assurer les liquidités en livres aux hôpitaux, en contrepartie de chèques ou de cartes bancaires.

« Cette mesure est aussi inadmissible qu’impraticable », a tonné hier Sleiman Haroun, dans une émission télévisée où le ton est monté. M. Haroun a signalé aux fournisseurs et à la BDL que les montants des transactions hospitalières se chiffrent quotidiennement, aux taux actuels de la livre, en centaines de millions de livres, et que leur transport des banques aux hôpitaux pose un problème de fréquence et de sécurité insoluble pour les employés chargés de transporter ces fonds. « Il y a bien des sociétés spécialisées dans le transport de l’argent », avait affirmé un membre de l’ABL, ce que M. Haroun avait accueilli par une fin de non-recevoir, affirmant que les hôpitaux refusent catégoriquement d’aller sur ce terrain-là, d’autant que l’État libanais leur doit déjà, en impayés, quelque 1 500 milliards de livres.

Le président du syndicat des hôpitaux a toutefois affirmé avoir « arraché aux fournisseurs que les médicaments et fournitures hospitalières liés à des “cas vitaux” (life saving) soient déchargés de l’obligation imposée par la BDL. Par “cas vitaux”, les fournisseurs entendent les cas où l’hospitalisation est une affaire de vie ou de mort à court terme. C’est par exemple le cas des dialyses, précise M. Haroun, qui se poursuivront, alors que les chimiothérapies, où la mort n’est pas un risque “à court terme” , seront ajournées ». Une décision criminelle à laquelle personne ne peut se résigner, n’hésite pas à dire tout de suite, indigné, le président du syndicat des hôpitaux.

Deux propositions de règlement
Deux propositions émanant de deux sources différentes étaient avancées hier soir pour régler ce problème de liquidités et permettre à nouveau aux établissements hospitaliers de fonctionner normalement. Ainsi, le syndicat des hôpitaux propose que des comptes parallèles en « livres fraîches » soit créés où les nouvelles transactions prévues par la circulaire de la BDL seraient effectuées ; l’argent frais proposé par les banques aux hôpitaux irait ainsi directement des banques à la BDL, sans passer par les établissements de soins, par le biais d’un jeu d’écriture fiable et vérifiable.

Le gouverneur de la BDL est à la recherche de liquidités en livres et il n’a songé à les chercher que dans les hôpitaux privés, s’indigne encore en substance M. Haroun, pour qui s’attaquer aux établissements de soins est « une solution de facilité » . « La défense de la livre ne doit pas passer par la ruine des hôpitaux, le droit à la santé des Libanais et la qualité des soins hospitaliers, que ces pressions monétaires vont dégrader de semaine en semaine, si elles persistent », soutient encore M. Haroun.La seconde proposition émane d’un groupe de médecins qui, outrés par ce qu’ils considèrent comme de la « rapacité » de la part des fournisseurs, proposent que le ministère de la Santé importe directement les médicaments et les fournitures, conformément à une liste de besoins établie par les hôpitaux privés. Une solution qui, d’évidence, se heurte aux intérêts privés d’une vingtaine de grands importateurs (sur les 130 officiellement enregistrés) qui refusent de céder sur leurs marges de bénéfices.

En attendant que cette nouvelle mesure comptable conçue « en amateur » par le gouverneur de la BDL, selon le Dr Georges Ghanem, directeur de l’hôpital Rizk, soit réglée, les restrictions à l’admission est de facto entrée en vigueur dans tous les hôpitaux, depuis quelques jours, révèle M. Haroun. « Malheureusement, si rien ne change, nous nous dirigeons rapidement vers une étape où il nous faudra choisir qui sauver. Certes, nous n’y sommes pas encore, mais ce qui est impensable aujourd’hui pourrait se produire », affirme pour sa part le Pr Wissam Khoury, du CHU de l’USEK. « Mais les accidentés, les appendicites, la lithotritie, les radiothérapies, les examens de laboratoire ? Nous continuerons à accomplir notre devoir de santé, assure l’administrateur de l’hôpital Notre-Dame des Secours. Nous le ferons sur nos fonds propres, mais ils ne sont pas inépuisables. Combien de temps pourrons-nous tenir ? Pas longtemps. Ne l’oubliez pas, j’ai mille employés à payer. » « Notre département Covid-19 est plein, ajoute le Pr Khoury, et savez-vous ce que paie l’État par jour pour un patient corona ? 200 000 LL alors qu’il nous aura coûté 930 000 LL. Cette proportion passe à 425 000 LL contre 1 400 000 LL quand le patient est aux soins intensifs. » Et de rappeler que l’État, qui avait décidé de régler une partie des arriérés dus aux hôpitaux, soit 360 milliards de livres, n’a toujours pas mis cette décision à exécution.

De son côté, la Banque du Liban a confirmé lundi dernier qu’elle ne reviendrait pas sur la circulaire n° 573 du 9 octobre contraignant les importateurs de blé, de carburant, de médicaments et de matériel médical à fournir 85 % de la facture en livres et en liquide. Salma Assi, présidente du syndicat des importateurs, indiquait vendredi à L’Orient-Le Jour que certains hôpitaux, désormais dans l’incapacité de payer le matériel nécessaire pour soigner leurs patients, pourraient ne plus avoir d’autre choix que de fermer leurs portes. « Seules 10 % des personnes hospitalisées payent directement », les 90 % restantes sont prises en charge par les compagnies d’assurances ou la CNSS, qui ne remboursent pas en liquide mais par chèques ou transferts bancaires, au mieux au bout de plusieurs mois pour les assureurs.

« Ce n’est pas que nous ne voulons pas. C’est que nous n’en pouvons plus. » Ce cri lancé hier par le directeur général du Centre hospitalier universitaire (CHU) Notre-Dame du Secours, le Pr Wissam Khoury, pourrait être celui de tous les directeurs d’hôpitaux. La circulaire 573 de la Banque du Liban, contraignant les fournisseurs de produits hospitaliers à payer 85 %...

commentaires (4)

Il est bon de sortir des lois et leurs contraires. Il faut que ces intelligents nous expliquent comment le citoyen paie lorsqu’il n’a plus de carte bancaire puisque plus d’argent sur son compte siffle par les voleurs, que les chèques sont refusés par les hôpitaux et les vendeurs pendant que les vendus jouissant de l’argent du peuple sortent des lois pour les asphyxier et les faire tourner en bourriques. Qu’attend on de ces pourris encore en leur laissant le temps d’arriver à leur fin. Un gouvernement a leur image et un semblant de pays où il n’y a plus qu’eux qui profitent de leurs postes et se la coulent douce en attendant les sous pour les siphonner.

Sissi zayyat

18 h 23, le 26 octobre 2020

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Commentaires (4)

  • Il est bon de sortir des lois et leurs contraires. Il faut que ces intelligents nous expliquent comment le citoyen paie lorsqu’il n’a plus de carte bancaire puisque plus d’argent sur son compte siffle par les voleurs, que les chèques sont refusés par les hôpitaux et les vendeurs pendant que les vendus jouissant de l’argent du peuple sortent des lois pour les asphyxier et les faire tourner en bourriques. Qu’attend on de ces pourris encore en leur laissant le temps d’arriver à leur fin. Un gouvernement a leur image et un semblant de pays où il n’y a plus qu’eux qui profitent de leurs postes et se la coulent douce en attendant les sous pour les siphonner.

    Sissi zayyat

    18 h 23, le 26 octobre 2020

  • Le Liban est devenu pire que l'Afrique

    Eleni Caridopoulou

    17 h 15, le 26 octobre 2020

  • "... la Banque du Liban a confirmé lundi dernier qu’elle ne reviendrait pas sur la circulaire n° 573 du 9 octobre contraignant les importateurs de blé, de carburant, de médicaments et de matériel médical à fournir 85 % de la facture en livres et en liquide ..." -> Excellente décision! Ça va sûrement faire diminuer la masse monétaire en circulation. Les importateurs de médicaments et de matériel médical vont donc exiger de se faire payer en liquide par les hôpitaux, qui vont demander aux compagnies d’assurances de les payer en liquide, qui vont donc se retourner vers les assurés pour être payé en liquide, qui vont se retourner vers les banques pour retirer leur argent en liquide, qui vont aller vers la banque du,Liban pour... euh... ah ben non ça ne marche pas... mais alors? Quoi faire? Favoriser les paiements par chèque et par carte bancaire? Bon sang, mais c’est bien sûr! Oh mais zut! Il y a la circulaire 573 sur laquelle elle ne veut pas revenir... zut zut zut. On fait quoi alors?

    Gros Gnon

    04 h 32, le 26 octobre 2020

  • Il ne vous reste plus qu’à aller vous faire soigner gratuitement en Russie

    Karam Mireille

    01 h 01, le 26 octobre 2020

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