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Moyen-Orient - Éclairage

Qui était le mufti de Damas Adnane el-Afiouni tué lors d’un attentat ?

Le dignitaire s’était rangé aux côtés du régime dès le début de la révolution en 2011.

Qui était le mufti de Damas Adnane el-Afiouni tué lors d’un attentat ?

Le mufti de Damas, Adnane al-Afiouni, et derrière lui Bachar el-Assad, lors de le prière de l'Adha, le 12 septembre 2016, à Daraya, reconquise par le régime. Archives AFP

C’est le premier jour de l’Adha de l’année 2016. Bachar el-Assad, entouré d’une flopée d’officiels du régime, s’agenouille dans la mosquée Saad ibn Mouaz de Daraya, ville emblématique de la révolution située dans la banlieue de Damas et reprise par l’armée loyaliste dix jours plus tôt. En face d’eux, le mufti de la province de Damas, Adnane el-Afiouni, qui déclare alors que Daraya doit être un exemple pour « la réconciliation entre tous les Syriens et l’abandon des combats ».

« Aux yeux de beaucoup de Syriens, il est devenu un “archi-collabo” du régime car cette prière dans cette ville totalement détruite et vidée de ses habitants a été perçue comme quelque chose d’abominable », explique Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie, chargé de recherches CNRS-Irenam à Aix-en-Provence. Quatre ans plus tard, ce fidèle serviteur du régime Assad, qui avait joué un rôle de premier plan dans les accords entre pouvoir et rebelles pour faire cesser les attaques dans la province, a été tué jeudi soir dans l’explosion d’une bombe placée à bord d’un véhicule dans la ville de Qoudsaya. Des centaines de participants ainsi que le ministre des Affaires religieuses assistaient hier à ses funérailles qui ont eu lieu à la mosquée des Omeyyades. Né en 1954 à Qaboun dans la banlieue de Damas, Adnane el-Afiouni a d’abord été employé de banque avant d’embrasser la religion. « Il a été un disciple du cheikh Ahmad Kaftaro, mufti de la République entre 1964 à 2004, et donc évidemment aussi un fidèle allié du régime baassiste et de la famille Assad », rappelle Thomas Pierret. Le mufti était l’une des figures de l’institution créée par son maître, l’académie Kaftaro, dans laquelle il enseignait. Adnane el-Afiouni avait pris fait et cause pour le régime dès le début du soulèvement, période d’incertitude où d’autres clercs ne s’engageaient pas aussi facilement aux côtés d’Assad et sa politique de répression, notamment pour des questions morales, rappelle le chercheur. Afiouni avait alors décrit la révolution syrienne comme un soulèvement de « destruction, de chaos et de terrorisme », reprenant mot pour mot le discours du régime. « On ne peut pas vraiment parler d’ambition parce que c’est quelqu’un qui avait déjà beaucoup en 2011, mais il a suivi la doctrine classique en théologie politique, qui interdit de se révolter contre le pouvoir », poursuit Thomas Pierret. Après une tournée en Égypte et au Liban, il avait, début 2013, accepté la fonction de mufti de Damas. Il avait pris la tête de la délégation lors des pourparlers en vue de l’évacuation de Daraya et avait également favorisé les tractations dans la Ghouta orientale. De nombreux membres de la délégation de réconciliation étaient des cheikhs et des imams de mosquée nommés par le ministère gouvernemental des Awqaf (Affaires religieuses). La stratégie du régime était de créer, à travers eux, un pont avec les groupes armés dissidents et de parvenir à réhabiliter certains religieux qui s’étaient rangés du côté de la révolution en garantissant qu’ils ne seraient pas poursuivis pour leur choix.

Cible de choix
En mai 2019, le mufti prenait la direction du Centre islamique al-Cham dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme, de Damas, qui forme des imams et des prédicateurs, traite des sciences islamiques, de la surveillance et du traitement des idées extrémistes, ainsi que de la lutte contre l’idéologie extrémiste. Quatre mois plus tard, il avait émis une fatwa contre l’immigration des Syriens en Europe, la considérant comme « juridiquement invalide » et appelant les réfugiés à rentrer au plus vite afin de « participer activement à la reconstruction du pays ». Moins controversé que le mufti de la République, Ahmad Badreddine Hassoun, Adnane el-Afiouni avait su garder une certaine crédibilité religieuse, même parmi certains de ses détracteurs. Personnage trop utile pour le régime, le fait d’être en revanche considéré comme un traître par l’opposition faisait de lui une cible de choix. « Étant donné son prestige, assassiner ce genre de figure, c’est priver le régime de certains atouts », estime Thomas Pierret.

Plusieurs heures avant l’attentat, le mufti avait participé à un forum sur la médiation et la réconciliation à l’hôtel Sheraton, à Damas, au cours duquel il avait fait part de son expérience dans le domaine. Selon SANA, il aurait été tué dans son propre véhicule, alors que d’autres sources affirment qu’il s’agissait en réalité de la voiture du président du Comité de négociations. Quelques heures avant l’attentat, le Parlement syrien avait approuvé l’annulation du décret législatif n° 22 et ainsi dissous le Comité des réconciliations au sein duquel le mufti avait tenu un rôle important. Un ministère de la Réconciliation avait été créé en 2012 pour faciliter ce qui a tout d’une « reddition » des groupes rebelles dans les zones récupérées par l’État et avait été remplacé par ce comité en 2018. Le Parlement a jugé jeudi qu’une telle instance n’avait plus de rôle à jouer. Le timing de cette décision et le fait que la bombe ait été posée sous une voiture qui pouvait ne pas être la sienne laissent à penser que le mufti de Damas n’était peut-être pas la cible visée au départ dans cet attentat. Les attaques sont devenues très rares dans et autour de la capitale, bastion du régime, depuis que les forces gouvernementales ont chassé les rebelles et les jihadistes de leurs derniers fiefs en 2018.

C’est le premier jour de l’Adha de l’année 2016. Bachar el-Assad, entouré d’une flopée d’officiels du régime, s’agenouille dans la mosquée Saad ibn Mouaz de Daraya, ville emblématique de la révolution située dans la banlieue de Damas et reprise par l’armée loyaliste dix jours plus tôt. En face d’eux, le mufti de la province de Damas, Adnane el-Afiouni, qui déclare alors...

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