Mardi soir, les Libanais étaient sous le coup de « la bombe politique » lancée par le chef du courant du Futur Saad Hariri. Alors que le dossier de la formation du gouvernement semblait remisé dans un tiroir et après quelques jours de stagnation totale, Saad Hariri a annoncé dans un communiqué, sans préparation médiatique préalable, qu’il acceptait d’octroyer le portefeuille des Finances à une personnalité chiite qui serait choisie par le Premier ministre désigné. Hariri a ainsi créé la surprise et ouvert une brèche dans le mur auquel s’étaient heurtées les tractations pour la formation d’un nouveau gouvernement. En annonçant qu’il accepte de « boire la coupe empoisonnée » dans l’intérêt du Liban et des Libanais en confiant le portefeuille des Finances à la communauté chiite (comme l’exige le tandem Amal-Hezbollah), Saad Hariri a incontestablement relancé les négociations et fait souffler un vent d’espoir sur le pays. La première réaction dans les milieux politiques et médiatiques était donc positive et, immédiatement, des rumeurs soi-disant sérieuses ont commencé à circuler sur l’imminence de la formation du gouvernement.
Mais en y regardant de plus près, le long communiqué de Saad Hariri apparaît truffé de pièges politiques qui suffiraient à dissiper l’optimisme en suscitant de nouvelles polémiques, là où le pays a besoin d’un minimum de calme et de sérénité. Par exemple, M. Hariri se présente comme celui qui forme véritablement le gouvernement à la place du président du Conseil désigné Moustapha Adib. L’utilisation d’une formulation personnalisée, dans le communiqué, montre ainsi qu’il s’arroge le droit d’accepter ou de refuser la demande des deux formations chiites. C’est comme s’il confirmait indirectement un des reproches adressés à M. Adib d’être pratiquement sous l’influence de ceux qui l’ont désigné, en particulier les quatre anciens Premiers ministres sunnites, dont Saad Hariri. Ensuite, tout en acceptant de donner le portefeuille des Finances à une personnalité chiite, l’ancien Premier ministre s’est indirectement accordé le droit de la choisir, sachant que ce point ne peut que déplaire à Amal et le Hezbollah qui estiment avoir le droit de choisir les ministres chiites du gouvernement, ou, en tout cas, de présenter une liste de noms parmi lesquels M. Adib pourrait faire son choix.
De même, cette procédure ouvre la voie à d’autres exigences du même type, notamment de la part des parties chrétiennes, sachant que de toute façon le président de la République, selon la Constitution, participe au processus de formation du gouvernement, puisqu’il doit apposer sa signature sur le décret final. Ce qui vaut pour Saad Hariri pourrait donc être revendiqué par d’autres parties, et si l’on parvient à surmonter l’obstacle du portefeuille des Finances, d’autres pourraient ainsi surgir et compliquer la naissance du gouvernement.
Enfin, dans son long communiqué, Saad Hariri a pris soin de se distinguer des trois autres anciens Premiers ministres (Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati), en assurant que son initiative est « personnelle » et qu’elle n’engage pas les autres. D’ailleurs ces derniers se sont empressés de déclarer, après la publication du communiqué, qu’ils n’étaient pas d’accord avec la position de M. Hariri et qu’ils continuaient de refuser l’octroi du portefeuille des Finances à une personnalité chiite. Certains ont immédiatement interprété cette démarche comme une distribution des rôles entre Saad Hariri et les autres anciens présidents du Conseil et surtout comme une volonté chez M. Hariri d’apparaître devant les Libanais (et les Français) comme le véritable sauveur, celui qui sait se sacrifier lorsqu’il le faut pour sauver le pays d’une dérive incontrôlable.
De toute façon, le rejet par les trois anciens présidents du Conseil de l’initiative de Saad Hariri, qu’il soit exprimé en accord avec lui ou pas, montre aussi que ce dernier ne parle pas au nom de la communauté sunnite et que ses positions sont contestées par ses prédécesseurs. Cette attitude des trois anciens présidents du Conseil est-elle de nature à entraver l’initiative de Saad Hariri ? Pour l’instant, la priorité est à guetter la réaction du tandem chiite qui s’est bien gardé mardi soir de commenter officiellement l’initiative Hariri. Des milieux proches des deux formations ont formulé des critiques et rappelé que celles-ci n’accepteront pas de ne pas choisir elles-mêmes les ministres chiites du prochain gouvernement.
Mais au-delà des positions médiatiques, des proches d’Amal et du Hezbollah estiment que la position de Saad Hariri est à prendre plutôt positivement. Selon ces milieux, les exigences qu’il a formulées dans le communiqué seraient plus destinées à la consommation populaire qu’à être appliquées à la lettre. Le premier pas a donc été accompli et les proches d’Amal et du Hezbollah sont convaincus que c’est grâce au président français, Emmanuel Macron, que M. Hariri a adopté cette position. Pour eux, l’ancien Premier ministre n’a pas l’appui des Américains, ni celui des Saoudiens. C’est pourquoi, en dépit d’une formulation qui cherche à lui donner le beau rôle, il ne peut qu’appuyer l’initiative française et faire en sorte qu’elle réussisse. C’est d’ailleurs aussi le cas d’Amal et du Hezbollah qui estiment aussi qu’il faut appuyer l’initiative française parce qu’elle reconnaît leur rôle dans le pays. Enfin, le chef de l’État et le Courant patriotique libre appuient eux aussi l’initiative française et espèrent son succès. Mais ils ne veulent pas céder leurs prérogatives à une partie politique interne, quelle qu’elle soit, et la laisser se poser en vainqueur. Finalement, s’il est vrai que la plupart des parties veulent la réussite de l’initiative française, elles ne parviennent pas à surmonter leurs considérations internes. Et comme l’a dit une personnalité qui suit le dossier : pourquoi voulez-vous que les parties internes laissent l’avantage à l’une d’entre elles, alors qu’elles peuvent traiter directement avec la France ?...
Entre les petits calculs et les grands enjeux, le gouvernement de Moustapha Adib pourrait donc attendre encore un peu avant de voir le jour.
commentaires (7)
Les Saoudiens ont garanti la livre en pleine guerre 2006 ensuite avancé trois milliards de dollars pour notre armée supporte sur son sol 250.000 Libanais qui y travaillent honnêtement ,enrichi le secteur immobilier du pays ,pulverise le record de rentabilite de notre tourisme alors foutez la paix aux saoudiens car les dégâts économiques causés par le renvoi des Libanais chez eux sera cent fois supérieurs aux crises que nous traversons actuellement !Du respect pour ces gens là et que du respect SVP § Les wahhabites n'ont pas tue 650.000 Syriens en Syrie et pousse dix millions a l exode §
PROFIL BAS
21 h 23, le 24 septembre 2020