Quatre militaires, deux soldats et deux sous-officiers, ont été tués dimanche tard dans la soirée lors d'une descente de l'armée à Beddaoui, près de Tripoli, au Liban-Nord, au domicile d'un jihadiste en cavale, Khaled el-Tellaoui, qui a été abattu lundi dans la matinée. Khaled el-Tellaoui était impliqué dans le crime de Kaftoun, dans le Koura, qui avait fait trois morts le 21 août dernier.
"Lors d'une perquisition par une patrouille des services de renseignement de l'armée du domicile d'un terroriste recherché dans le secteur de Jabal Beddaoui, dans le caza de Minié, les militaires (deux soldats et deux sous-officiers) ont été la cible de tirs à l'arme automatique et d'un jet de grenade. Trois d'entre eux ont été tués et un quatrième gravement blessé", indiquait un communiqué militaire publié dans la nuit de dimanche à lundi. "Les forces armées sont à la poursuite des tireurs afin de les arrêter", ajoutait le texte. Dans un communiqué publié quelques heures plus tard, l'armée a indiqué que le militaire gravement blessé a succombé à ses blessures. Selon ce communiqué, l'armée a entamé dès 3h30 du matin la traque de la cellule de Khaled el-Tellaoui, composée de quatre hommes, dans un secteur situé à cinq kilomètres au sud-est de Beddaoui. Le chef de la cellule terroriste Khaled el-Tellaoui y a été abattu après un échange de tirs, selon l'armée. Un deuxième membre de ce groupe a été arrêté, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). La troupe a brièvement coupé dans la matinée plusieurs routes entre les caza de Denniyé, Zghorta et Tripoli, et mené plusieurs descentes à la recherche des deux autres membres du groupe encore en fuite après avoir échappé à l'armée au niveau d'un barrage dans la localité de Aachach. Plus tard dans la soirée, la troupe a réussi à arrêter dans le village de Rachiine (Zghorta) l'un d'eux, Abdel Razzak Walid al-Rezz.
Avant que les dépouilles des quatre militaires ne soient remises à leur famille, l'armée a organisé dans l'après-midi des funérailles devant l'hôpital gouvernemental de Qobbé, à Tripoli. Les cercueils des victimes ont été portés en procession solennelle devant une foule de leurs proches et collègues. Le convoi transportant les dépouilles jusqu'aux villages d'où sont originaires les quatre militaires, au Akkar, s'est arrêté à Abdé où les cercueils ont été portés à bout de bras dans la localité, en présence de centaines de personnes et sous des tirs nourris en l'air.
"Résurgence du danger du terrorisme"
La mort du sergent Louay Melhem, de l'adjudant Nohad Moustapha et des deux caporaux Charbel Jbeili et Anthony Takla a suscité de nombreuses réactions.
"Une nouvelle fois, les héros de l'armée libanaise paient de leur sang le prix de leur combat contre le terrorisme et pour la préservation de la sécurité et la paix de la société", a déclaré le président Michel Aoun, lui-même ancien chef de l'armée, selon des propos rapportés par la présidence. "Pour ces martyrs qui sont tombés, nous devons nous élever au-dessus des égoïsmes et donner une chance à notre pays de se relever, et à notre peuple de faire bloc autour de l'Etat et des institutions", a-t-il conclu. Dans ce contexte, le chef de l'Etat s'est entretenu avec le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, des circonstances de l'opération.
"Faut-il d'autres martyrs pour que l'on se rende compte que le Liban est encore confronté au danger terroriste et à ses diables qui commencent à se réveiller ?", s'est interrogé pour sa part le président du Parlement, Nabih Berry, qui a présenté ses condoléances au chef de l'armée.
Le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a salué "le prix de l'honneur, du sacrifice et de la fidélité payé par l'armée libanaise pour protéger le Liban, la paix civile et la stabilité sécuritaire", en référence à la devise de la troupe "Honneur, sacrifice et fidélité". "Il ne faut pas avoir peur pour le pays puisqu'il est protégé par une telle armée", a-t-il ajouté. Le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, a lui aussi salué la troupe. "L'institution militaire n'épargne aucun sacrifice pour le pays. J'ai été triste d'apprendre la mort de ces martyrs hier face aux terroristes lâches qui veulent terroriser la société par leur extrémisme et leurs crimes. Ils ont trouvé sur leur route notre armée", a-t-il écrit sur Twitter. "Cette agression contre l'armée libanaise est une agression contre tous les Libanais et les Libanaises", a de son côté écrit sur Twitter la ministre sortante de la Défense, Zeina Acar.
L'ancien Premier ministre Saad Hariri a lui aussi contacté le général Joseph Aoun et lui a présenté ses condoléances. "L'armée reste la ligne de défense de la sécurité du Liban, a dit M. Hariri. Et Akkar reste le symbole du sacrifice pour la patrie et sa stabilité".
"Le sergent Louay Melhem et les soldats Charbel Jbeily, Anthony Takla et Nohad Moustapha... Sans martyrs, il n'y aurait plus de pays", a pour sa part écrit le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, sur Twitter. De son côté, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a rendu hommage aux quatre militaires tués et mis en garde contre "une résurgence du danger du terrorisme". "Certains le financent, l'arment et l'alimentent", a écrit M. Bassil sur Twitter.
Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a déploré un "crime honteux" contre l'armée et mis en garde contre le danger que représentent les "cellules terroristes dormantes" qu'il faut "définitivement annihiler".
"Nous rendons hommage aux martyrs de l'armée libanaise qui ont perdu la vie dans une opération anti-terroriste au nord de Tripoli", a enfin écrit le coordinateur spécial de l'ONU au Liban, Jan Kubis.
"La victoire de la justice sur l'injustice"
Le 5 septembre dernier, l'armée libanaise avait annoncé avoir démantelé une cellule terroriste du groupe État islamique qui préparait des attaques au Liban, dont les membres avaient reçu des formations militaires et avaient stocké des armes et des munitions de guerre qui ont été saisies. Les interrogatoires de ces individus avaient permis d'apprendre que l'émir de cette cellule est le terroriste Khaled el-Tellaoui dont le véhicule a été utilisé par les responsables du crime de Kaftoun, avait précisé l'armée, en référence au meurtre de trois habitants de ce village situé dans le Koura. Ce crime avait suscité de nombreuses réactions notamment au sein de la classe politique, les victimes étant toutes affiliées au Parti syrien national social (PSNS). L'un des quatre assassins présumés recherchés avait été arrêté, alors que le sort d'un second demeure inconnu après une perquisition au Liban-Nord, le 24 août dernier, durant laquelle il aurait réussi à s'échapper.
Les familles des trois victimes du meurtre de Kaftoun ont d'ailleurs souligné lundi dans un communiqué que "les âmes des martyrs" de la localité étaient désormais "rassurées par la victoire de la justice sur l'injustice et le terrorisme".
Par ailleurs, un soldat a été blessé lundi dans la matinée lors du passage d'un 4x4 aux vitres fumées qui a refusé de s'arrêter à un barrage de l'armée à Kiyal, dans la région de Baalbeck (Békaa). "Les passagers ont tiré sur les soldats qui ont riposté", précise un communiqué de la troupe, indiquant que les tireurs ont réussi à fuir.
commentaires (7)
4 militaires tués...combien de militaires ont participé à cette perquisition ? Ça sent la désinvolture des décideurs comme pour le nitrate mais avec d’autres décideurs. J’ai l’impression que dans ce pays on ne prend pas la mesure des problèmes et leur gravité. Je veux bien me tromper... Condoléances aux familles
mokpo
16 h 21, le 14 septembre 2020