Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

À mon ami Remon, hors du chant des sirènes et loin des chimères

Je comprends ta colère et ton désarroi face à un avenir incertain, tout comme j’ai senti ton désir enfoui de pouvoir encore y croire comme la majorité des candidats au départ.

Je sais que tu en as assez de reconstruire, d’investir et de recommencer sans solution définitive à l’horizon.

Je sais que tu en as assez de voir le pays et ses habitants payer pour les autres, d’est et d’ouest, au nom d’idéologies d’exclusion, que tu veux retrouver un État digne de ce nom pouvant assurer à l’ensemble de ses fils une vie digne.

Je sais qu’il te devient insupportable de voir les crises se perpétuer sans solution réelle, de sentir le risque de te voir imposer un mode de vie éloigné de tes valeurs. De craindre les transformations sociétales, idéologiques et philosophiques de notre société libanaise humaniste, ouverte, composite et libérale, au nom de la loi du nombre.

Mais voilà que tu te mets à rêver de solutions radicales, d’exclusion à l’instar de celles que tu rejettes.

Tes craintes qui sont celles d’une majorité sont légitimes, l’avenir, le nôtre et celui de nos enfants nous interpelle mais on peut bien identifier un problème et pourtant proposer de mauvaises solutions.

Pourquoi la partition est-elle une mauvaise réponse ?

D’abord, parce que c’est le plus souvent une réponse de classe plutôt que de religions. Y avait-il vraiment ce genre de clivages dans nos esprits en temps d’accalmie, et notamment chez les bourgeois durant l’ascension haririenne ?

Y a-t-il cette distinction avec la classe chiite intellectuelle, moderne, ouverte, et cette nouvelle bourgeoisie avec laquelle nous n’hésitons pas à nouer moult partenariats ? Sans parler des autres composantes de notre société…

Ensuite, sur le plan du projet national, le droit à l’existence et l’essor des nations n’est pas un droit acquis mais un droit qui s’acquiert et se défend par la valeur ajoutée du projet national dans le concert des nations.

Le projet d’État chrétien dans la région se définit contre l’environnement et non pas avec, et ne représente qu’éventuellement une valeur marchande entre un casino géant et un centre de loisirs.

On fait fi des éléments constitutifs de notre nation, de notre histoire de nos luttes, de la fécondation des oppositions que nous avons voulue et développée. Sa Sainteté Jean-Paul II a parlé du pays comme un message, mission exigeante entre toutes, pour nous et pour toutes les composantes du pays. Les chrétiens sont porteurs d’un message au service du vivre en commun, tout comme les autres communautés qui se sont, elles aussi, approprié ce message.

Nous avons en 1920 fait le choix de la difficulté, celui de réunir des différences en vue d’en tirer le bénéfice commun. Nous savons que ce choix implique des heurts continus mais c’est le prix que la rose exige à travers ses épines pour fournir les plus belles fleurs au monde.

Si la gestion, la gouvernance, a failli, ce n’est pas la faute au modèle mais aux dirigeants souvent corrompus ou incompétents qui ont accepté d’être les bras armés par procuration de toutes les forces régionales ou internationales.

Ce rêve de cantonisation et d’exclusion, bâti sur une histoire idyllique, revient comme le chant des sirènes avec la fin que ce dernier annonce. Protégeons-nous, préservons notre richesse au milieu des chardons et des épines, et sachons de même arrêter de courir derrière les chimères de la laïcité absolue quand une très grande partie de la population s’y oppose.

Oui, nous pouvons à la fois prospérer et préserver notre âme, le génie de notre peuple doit pouvoir s’exprimer loin des politiques d’alignement extérieur en refusant la politique des axes. Une neutralité positive au sein du camp arabe, nous gardant un rôle éminent de modernité, de pacification, d’intermédiation, entre les frères ennemis, voilà en synergie avec toutes les composantes sociales et idéologiques le projet porteur, digne de nos engagements, de notre message et de notre âme.

En effet, la politique vise à établir le juste équilibre entre le bien-être des citoyens et la préservation de leur âme. À nous d’établir le curseur à la position optimale.

Nous n’avons pas d’autre choix, mais c’est celui de la grandeur.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Je comprends ta colère et ton désarroi face à un avenir incertain, tout comme j’ai senti ton désir enfoui de pouvoir encore y croire comme la majorité des candidats au départ.Je sais que tu en as assez de reconstruire, d’investir et de recommencer sans solution définitive à l’horizon.Je sais que tu en as assez de voir le pays et ses habitants payer pour les autres, d’est et...

commentaires (1)

Bel article qui ne peut que renforcer l'idée qu'une partition du territoire entre clans ne pourrait pas s'accomplir pacifiquement à l'amiable : En effet , comment tracer les frontières entre cantons sans passer par une guerre civile devastatrice ! Et comment protéger les minorités qui continuent à vivre d'un côté ou de l'autre et qui risquent d'être massacrées !

Chucri Abboud

13 h 29, le 11 septembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Bel article qui ne peut que renforcer l'idée qu'une partition du territoire entre clans ne pourrait pas s'accomplir pacifiquement à l'amiable : En effet , comment tracer les frontières entre cantons sans passer par une guerre civile devastatrice ! Et comment protéger les minorités qui continuent à vivre d'un côté ou de l'autre et qui risquent d'être massacrées !

    Chucri Abboud

    13 h 29, le 11 septembre 2020

Retour en haut