L’absence de loi instituant un contrôle formel des capitaux au Liban, réclamée depuis près d’un an par de nombreux observateurs et experts, continue de compliquer les relations entre les établissements du pays du Cèdre, qui font face à une grave crise de liquidités, et leurs clients qui tentent de récupérer leurs fonds, qu’ils soient résidents ou non.
La dernière affaire en date, dont les premiers éléments ont commencé à filtrer dès le printemps, concerne une action en justice lancée par un Libanais domicilié au Royaume-Uni, Bilal Khalifé, contre la banque libanaise BLOM Bank – et non sa filiale britannique. Saisie du dossier, la Haute Cour de justice d’Angleterre et du pays de Galles a en effet considéré qu’elle était compétente pour statuer sur la plainte du déposant contre sa banque pour obtenir le déblocage d’un dépôt de 1,4 million de dollars au Liban.
« La cour n’a pas rendu de jugement sur le fond. Elle a simplement considéré qu’elle pouvait statuer sur une affaire opposant un demandeur résidant dans sa juridiction contre un défendeur établi à l’étranger pour récupérer des fonds qui le sont aussi », a résumé à L’Orient-Le Jour une source judiciaire. Cette dernière souligne qu’il était difficile pour l’instant de donner un avis sur la portée de cette décision, dans la mesure où le jugement n’avait pas encore été publié hier. Selon les éléments qui ont filtré dans la presse et sur les réseaux sociaux, le plaignant souhaite que la banque lui transfère en Angleterre les fonds qu’il a déposés au Liban, ce que cette dernière refuse, lui proposant en contrepartie de le faire sur le territoire libanais.
Selon Me Fouad Debs, avocat au sein de Debs et associés et membre de la Ligue des déposants, « cela reviendrait à lui offrir un chèque bancaire (garanti par la Banque du Liban mais que le déposant pourra uniquement déposer dans un autre établissement bancaire libanais, NDLR) dont la valeur nominale ne correspondrait pas à celle réelle (au vu de la crise économique et financière actuelle, NDLR). Or, au contraire d’une dette, tout dépôt doit impérativement être rendu à l’égal de sa valeur et dans sa devise originale », a-t-il détaillé.
BLOM Bank confiant
Si l’affaire n’a pas été tranchée sur le fond, la décision de la cour semble en tout cas faire le bonheur du plaignant qui l’a commentée sur les réseaux sociaux. « C’est une victoire pour les Libanais (…) et cela montre que personne, pas même les banques libanaises, n’est au-dessus des lois », a-t-il écrit mardi sur son compte Twitter. Représenté par le cabinet londonien Rosenblatt, il s’est en outre montré confiant quant à la possibilité que cette affaire crée un précédent qui permette à « des milliers » de déposants libanais de la diaspora de réclamer leurs dus. « Il est temps que les banques libanaises rendent leur argent aux déposants », a-t-il surenchéri auprès du quotidien libanais an-Nahar, qui avait relayé l’information mardi. Associé au sein du cabinet Rosenblatt, l’avocat Joseph McCormick – qui n’est pas en charge du dossier – a également abondé en ce sens dans les colonnes du quotidien.
Du côté de la défense, BLOM Bank a exprimé sa position sur l’affaire dans une déclaration tout aussi confiante transmise à la presse. Indiquant que le dossier « repose sur ses propres faits inhabituels (…) gardés confidentiels par la cour » à la demande du plaignant, la banque a assuré avoir une vraie chance d’obtenir un jugement en sa faveur sur le fond. Un avis qui serait également partagé par le juge, assure-t-elle. Selon la banque, la juridiction « n’a pas considéré » que « l’accord la liant à son client l’obligeait à effectuer un transfert international au profit de ce dernier ». Contactée par L’Orient-Le Jour, BLOM Bank n’a pas souhaité fournir plus de détails, décrétant un droit de réserve dû au « secret bancaire »
Alors que la crise économique et financière continue de faire des ravages au pays du Cèdre, les déposants libanais subissent depuis un an d’importantes restrictions bancaires, illégales et informelles, imposées par les banques pour faire face à la crise de liquidités en devises et qui empêchent ceux-ci d’accéder librement à leurs économies. « L’absence de loi sur le contrôle des capitaux au Liban joue en faveur du secteur bancaire et de ses actionnaires », a expliqué à L’Orient-Le Jour Me Fouad Debs. Il a au passage rappelé que les banques libanaises disposent de biens à l’étranger, qui peuvent donc être saisis par les juridictions de ces pays à titre préventif dans le cadre d’actions intentées en justice portant sur des demandes similaires.
L’affaire opposant Bilal Khalifé à BLOM Bank vient s’ajouter à une liste de plus en plus longue d’actions en justice lancées par des déposants dont les fonds ont été bloqués au Liban depuis octobre 2019, période à laquelle les restrictions bancaires ont commencé à s’intensifier. Une des premières affaires à avoir été médiatisées avait opposé le négociant international de pétrole IMMS et Bankmed, mais la procédure engagée aux États-Unis à l’automne dernier s’était résolue par un accord à l’amiable.
LES GOUVERNANTS SONT LES COMPLICES DES PROPRIETAIRES PREDATEURS BANQUIERS QUI VEULENT VOLER LES ECONOMIES D,UNE VIE DES LIBANAIS RESIDENTS ET DE LA DIASPORA.
09 h 45, le 10 septembre 2020