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Nos Lecteurs ont la Parole

Le Liban et Macron : le problème de l’absence de relève

Le retour d’Emmanuel Macron à Beyrouth était attendu avec impatience par des milliers de Libanais qui ont vu en lui un sauveur, non seulement après le traumatisme de l’explosion du 4 août, mais suite à des décennies de corruption et de mauvaise gouvernance. Malgré ses meilleures intentions, cependant, son « pari risqué » était voué à l’échec depuis le début. Cette déception devrait être un avertissement pour les Libanais qui devraient en attendre bien plus de la communauté internationale au chevet de leur pays.

Après l’explosion, l’intérêt manifesté par Macron au Liban leur avait offert une lueur d’espoir inédite depuis de nombreuses années. Même s’il est de coutume pour un chef d’État français d’effectuer une visite officielle au Liban pendant son mandat, la passion de Macron est allée au-delà de la politique transactionnelle des visites de Hollande ou de Sarkozy. L’empathie manifestée par Macron à la suite de la catastrophe a profondément ému la population. Il a consolé les citoyens ordinaires alors qu’il marchait dans les rues d’une manière dont ne pouvaient rêver les hommes politiques libanais.

Plus que cela, il les a inspirés par sa frustration visible à l’égard de ces mêmes membres de la classe politique qui ont réussi à garder une emprise sur le pouvoir au cours des trois décennies depuis la fin de la guerre civile, et même au cours des 15 ans qui ont suivi le départ des derniers soldats syriens.

Le fait que 2 750 tonnes de matière explosive dangereuse puissent rester non sécurisées dans un entrepôt pendant plus de six ans n’est que l’exemple le plus dramatique et le plus meurtrier de leurs terribles antécédents en matière de gouvernance. Une seule explosion a tué près de 200 personnes, mais des millions de Libanais ont été condamnés à une mort à petit feu aux mains de la classe politique pendant plusieurs décennies.Pourtant, les trois fois depuis la fin de l’occupation militaire syrienne où ils sont allés aux urnes, ils ont bizarrement renvoyé les mêmes dirigeants pitoyables à leurs sièges pour poursuivre le vol en bande organisée qui caractérise le Liban depuis la fin de sa guerre civile. Quelques nouveaux visages ont peut-être réussi à accéder au Parlement ici ou là, mais ce ne sont que des notes de bas de page dans une histoire déprimante.

Macron, malgré toutes ses bonnes intentions et le soutien populaire des Libanais, ne peut réécrire ce livre seul. Il est peut-être apparu comme un héros potentiel dans le dernier chapitre, mais les méchants n’ont pas disparu. Il suffit de consulter son itinéraire lors de sa visite du 6 août, qui comprenait Michel Aoun, Nabih Berry, Saad Hariri, Mohammad Raad, parmi les autres dinosaures politiques.

On peut admirer Macron pour avoir pensé, peut-être naïvement, que son attention personnelle à la crise au Liban après l’explosion pourrait les presser ou leur faire honte, en faisant des concessions. Mais c’est un groupe qui n’éprouve aucune honte. Ils l’entendent évoquer un « nouveau pacte politique » et se reposent tranquilles, sachant que Macron n’a personne d’autre à qui parler.

Si Macron a aussi rencontré des membres de la société civile, ce n’était qu’un dessert léger et sucré après un repas lourd et dégoûtant. Nulle part dans son agenda il n’y a de véritables contrepoids politiques. Aucun technocrate, aucun ministre en attente, aucun dirigeant soutenu par une opposition populaire n’apparaît sur son radar. N’oublions pas que des centaines de milliers de Libanais ont participé à la soi-disant révolution d’octobre 2019, mais pas un seul parti politique nouveau n’a émergé. Pas un seul groupe de dirigeants universellement reconnus ou capables d’articuler une meilleure vision du pays ne s’est matérialisé. Dix mois ont été gaspillés.

Néanmoins, le président français est venu en mode de crise, donnant voix à leurs revendications. C’était une opportunité en or ; la matière dont sont tissés les rêves politiques des Libanais.

Y a-t-il parmi eux quelqu’un qui a organisé un lobby pour sa promotion ou a essayé d’obtenir un tête-à-tête avec Macron ? L’un d’entre eux a-t-il utilisé l’attention mondiale accordée au Liban après l’explosion pour se présenter comme une opposition populaire ou un « cabinet fantôme » dans les médias internationaux ? Un minimum d’organisation de la part des forces anti-establishment aurait pu changé son calcul, donnant ainsi un grand coup de pouce à ceux qui se battent pour un changement politique.

À son retour, Macron a menacé de sanctions. Mais sans aucune direction libanaise qui le soutient, ce n’est qu’une formule creuse. Le moment est passé, mais le travail fondamental que les réformateurs doivent faire demeure. Le président en a dit autant quand il a conclu sa première visite en disant : « Il n’y a pas une solution française, mais on peut accompagner avec une méthode, il faut l’énergie du peuple… »

En effet, il n’y a pas de substitut à la maturité politique. Que la déception de Macron soit un appel à se réveiller pour les Libanais.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le retour d’Emmanuel Macron à Beyrouth était attendu avec impatience par des milliers de Libanais qui ont vu en lui un sauveur, non seulement après le traumatisme de l’explosion du 4 août, mais suite à des décennies de corruption et de mauvaise gouvernance. Malgré ses meilleures intentions, cependant, son « pari risqué » était voué à l’échec depuis le début. Cette...

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