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Nos Lecteurs ont la Parole

Le blé et la dignité à vau-l’eau ?

L’explosion du 4 août à Beyrouth, avec son cortège de morts, de blessés à la chair meurtrie, de ceux encore sous les décombres, de destructions,... est une souffrance qui s’inscrit sur une cicatrice qui entaille l’esprit de chacun de nous. Elle réveille toutes nos souffrances refoulées depuis quarante-cinq ans. Souffrances faites de sang, de feu, de poussière, de gravats, de vitres qui explosent et de vitres qu’on ramasse, de nos morceaux de vie qui s’éparpillent comme la chair déchiquetée de quelques-uns.

L’explosion du 4 août à Beyrouth fait ressurgir une terreur archaïque liée à l’insécurité de nos existences, même chez soi, même dans son antre, même à l’intérieur des maisons transformées par l’explosion en machines de guerre. Quand on voit le volume de verre évacué, on se demande comment il n’y a pas eu plus de morts à l’intérieur des maisons soufflées, dévastées.

L’explosion du 4 août à Beyrouth a ressorti ce qu’il y avait de pire en nous, ce qu’un politologue appelle m&m, c’est-à-dire le règne combiné de la milice et de la mafia, mais aussi le meilleur : l’armada de jeunes munis de leurs balais et pelles partis à l’assaut des quartiers dévastés, qui pour déblayer, qui pour consoler, qui pour prendre dans ses bras des personnes hébétées, qui pour apporter un plat chaud et qui pour écouter une complainte.

L’explosion du 4 août à Beyrouth a démontré, si besoin était, la maladie collective de notre crasse politique : perversion, autisme, irresponsabilité et surtout déni. Le 17 octobre, dans la rue, les manifestants réclamaient un « Ritz Carlton » pour, à l’image de ce qui s’était passé en Arabie saoudite, les forcer à rendre les deniers publics détournés, volés. En fait, il faudrait réhabiliter l’asile psychiatrique de Asfouriyé, les placer tous sous curatelle et les y enfermer pour ensuite récupérer leur butin.

L’explosion du 4 août à Beyrouth a donné la preuve de leur impuissance, de leur lâcheté et surtout de leur indignité. Pas un pour descendre dans la rue se mêler à la population. Pas un pour avoir des mots de compassion. Pas un pour dire les mots qui peuvent entamer le deuil national. Pas un pour décréter un jour de deuil national. Et comme depuis quarante-cinq ans, ce deuil restera pour longtemps inaccompli. L’ex-ministre de l’Intérieur pense-t-il, comme pour Le Drian, qu’Emmanuel Macron aurait pu se contenter d’un coup de fil ? La venue du président Français a consolé, mais aussi démontré par le geste ce qu’est un homme d’État.

Sur une des photos du reportage couvrant sa visite au Liban, on voit au premier plan la main de Macron tenant quelques grains de blé devant les silos éventrés du port transformés en une sorte de ruine de temple babylonien. Les silos étaient plus importants pour nous que Fort Knox. Ils nous promettaient que nous ne connaîtrions pas l’humiliation ultime : la faim.

Pourquoi, au milieu du déluge d’horreurs vues, cette image arrache-t-elle le cœur ? Parce que, dans un pays où le gouverneur de la Banque centrale ne pourra plus soutenir le prix du pain au-delà de trois mois, c’est un crève-cœur de penser que les Libanais pourraient revivre la famine qu’ils ont connue au début du XXe siècle et qui a provoqué un flux d’émigration.

Il y a quelques jours, les Koweïtiens ont annoncé qu’ils offraient au Liban la reconstruction des silos. Qu’ils en soient remerciés. Mais où sont les milliardaires-Forbes libanais ? « Beyrouth outragée, Beyrouth brisée, Beyrouth martyrisée, mais Beyrouth libérée » par sa jeunesse et par l’aide internationale? Lorsque l’incendie a ravagé Notre-Dame à Paris, il aura fallu quelques heures aux milliardaires français pour assurer l’enveloppe nécessaire à la reconstruction d’un monument symbole. Les milliardaires-Forbes libanais n’ont-ils pas assez de dignité pour réparer quelque chose de l’explosion du 4 août à Beyrouth et, littéralement, mettre la main à la pâte ?


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L’explosion du 4 août à Beyrouth, avec son cortège de morts, de blessés à la chair meurtrie, de ceux encore sous les décombres, de destructions,... est une souffrance qui s’inscrit sur une cicatrice qui entaille l’esprit de chacun de nous. Elle réveille toutes nos souffrances refoulées depuis quarante-cinq ans. Souffrances faites de sang, de feu, de poussière, de gravats, de vitres...

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BRAVO Mille fois bravo et mille merci à Mme Carla Yared

COURBAN Antoine

08 h 41, le 25 août 2020

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Commentaires (1)

  • BRAVO Mille fois bravo et mille merci à Mme Carla Yared

    COURBAN Antoine

    08 h 41, le 25 août 2020

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