
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d'une allocution télévisée le 14 août 2020. Capture d'écran al-Manar
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé vendredi certaines formations politiques libanaises d'avoir tenté d'entraîner le Liban dans la guerre civile en tentant de "renverser l'Etat" dans la foulée de la double explosion qui a ravagé le port de Beyrouth et des pans de la capitale mardi 4 août.
"Après une catastrophe d'une telle ampleur, nous avons assisté à une tentative de faire tomber l'Etat, et c'est le plus grave", un État attaqué "dès les premières heures par certaines parties politiques, des médias et des armées électroniques", a déclaré le leader du parti chiite lors d'une allocution télévisée à l'occasion de la commémoration du 14ème anniversaire de la guerre ayant opposé Israël au Hezbollah en 2006. "La première cible était le président Michel Aoun et son mandat, notamment dans la rue chrétienne, à qui on a tenté de faire porter responsabilité de cette explosion. Le but était de faire pression sur le chef de l'Etat afin qu'il démissionne. Après avoir tenté d'attaquer la présidence, on a tenté de renverser le Parlement. Une action a été menée par certains blocs parlementaires pour présenter leur démission collective dans le but de renverser la légitimité de l'Assemblée. Ils ont échoué (...) Face à la catastrophe, aucun gouvernement n'aurait pu se maintenir", a expliqué Hassan Nasrallah.
"Ces derniers jours, certains ont tenté de provoquer une guerre civile pour des raisons politiques et personnelles (...) Les Libanais doivent faire attention. Tout conflit d'ordre politique doit avoir une limite : éviter le renversement de l'Etat et la guerre civile".
Gouvernement d'union nationale
Le leader du parti chiite s'est également prononcé en faveur de la formation d'un gouvernement d'union nationale, quatre jours après la démission du cabinet de Hassane Diab. "Le Hezbollah demande la formation d'un gouvernement fort et politiquement protégé par le Parlement. Nous avons toujours appelé à un gouvernement d'union nationale, ayant la plus large représentation politique et populaire. Nous disons aujourd'hui la même chose. Nous demandons que le Premier ministre qui sera désigné, quel que soit son nom, œuvre pour la formation d'un gouvernement d'union nationale ou d'un cabinet composé de personnalités politiques et de spécialistes", a déclaré le leader du parti chiite. "Ce gouvernement aura pour priorité de mener la reconstruction du pays, de mener les réformes économiques nécessaires, notamment dans le domaine de l'électricité ou des déchets, de lutter contre la corruption et de faire le suivi de l'enquête sur la tragédie du 4 août dernier", a-t-il ajouté.
"Les discussions sur un gouvernement neutre sont une perte de temps, a tranché Hassan Nasrallah. Nous considérons qu'il n'y a pas de personnalités neutres" au Liban.
Négligence ou sabotage
Le secrétaire général du Hezbollah est en outre revenu sur la double explosion du port de Beyrouth. "C'est à l'enquête de déterminer ce qui s'est passé dans le port, mais il y a deux possibilités : soit il s'agit d'un accident dû à un acte de négligence qui a enflammé le nitrate d'ammonium, soit il s'agit d'un acte de sabotage", a déclaré Hassan Nasrallah.
Michel Aoun s'est prononcé contre une enquête internationale, mais plusieurs experts étrangers participent aux investigations, dont le FBI américain. "Si Israël portait la responsabilité de cette tragédie, soyez sûrs que le FBI l'innocentera. Toute enquête internationale, que réclament certains, écarterait tout responsabilité d'Israël s'il était responsable", a déclaré le secrétaire général du Hezbollah. "Certains disent ne pas avoir confiance en une enquête locale. Nous, nous disons ne pas avoir confiance en une enquête internationale", a-t-il expliqué. Et d'ajouter :"Si l'on découvre qu'Israël est derrière cette tragédie, ce n'est pas seulement le Hezbollah qui doit prendre position, c'est l'ensemble des forces politiques. Israël en paiera le prix s'il s'avère responsable".
L'explosion meurtrière au port de Beyrouth a fait plus de 170 victimes, plus de 6.000 blessés et dévasté des quartiers entiers de la capitale, rendant 300.000 personnes sans abri. La tragédie est sans doute due à l'explosion d'une énorme quantité de nitrate d'ammonium entreposé sans précaution depuis six ans dans le port de la capitale.
Le 7 août dernier, le leader du parti chiite avait "nié catégoriquement" que son organisation possède un "entrepôt d'armes" dans le port de Beyrouth, après des accusations à son encontre dans les médias et sur les réseaux sociaux. "Ni entrepôt d'armes, ni entrepôt de missiles (...) ni une bombe, ni une balle, ni nitrate", avait-il martelé.
Israël/Emirats
Sur le plan régional, Hassan Nasrallah a déclaré qu'il n'avait pas été surpris par l'annonce, jeudi, par le président américain Donald Trump, d'un accord historique de normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis, qu'ils devraient signer d'ici trois semaines.
Cet accord a été conclu sous l'égide des États-Unis et fera d'Abou Dhabi la troisième capitale arabe à suivre ce chemin depuis la création de l’État hébreu en 1948, après l’Égypte et la Jordanie. Les Palestiniens ont fermement rejeté l'accord, le qualifiant de "trahison" de leur cause. Plus tôt dans la journée, Téhéran a condamné cet accord en la qualifiant de "stupidité stratégique d'Abou Dhabi et de Tel-Aviv qui renforcera sans aucun doute l'axe de résistance", dont le Hezbollah fait partie.
"Nous n'avons pas été surpris par cette annonce. La normalisation est en cours depuis longtemps. Mais il semble que cette annonce réponde à un agenda américain car Donald Trump avait besoin d'une réalisation sur le plan international avant la fin de son mandat", a déclaré le leader du parti chiite. "Cette annonce montre également à quel point certains dirigeants du Golfe sont au service politique et personnel de Donald Trump et (du Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu, qui se trouvent en mauvaise posture sur le plan électoral", a-t-il ajouté, soulignant qu'il s'attendait à d'autres accords de paix similaires avec d'autres pays arabes jusqu'aux élections américaines prévues en novembre prochain.
"Nous devons tous dire qu'il s'agit de quelque chose de condamnable, d'une trahison à l'islam, aux Arabes et à Jérusalem et au peuple palestinien. C'est un coup de couteau dans le dos", a-t-il martelé, avant de s'adresser aux peuples palestiniens, arabes et musulmans : "Il est bon que les masques tombent", leur a-t-il lancé.
"L'équilibre de la terreur protège le Liban"
Evoquant dans la première partie de son discours le dossier israélien et la situation à la frontière sud, le leader du Hezbollah a déclaré que grâce à sa "victoire" en 2006, la résistance et le peuple libanais ont défait Israël, fait échouer le projet américain du "nouveau Moyen-Orient" et "imposé des règles d'engagement protégeant le Liban grâce à l'équilibre de la terreur".
En 2006, une guerre avait opposé pendant 33 jours Israël au Hezbollah, sa bête noire, faisant 1.200 morts côté libanais, civils pour la plupart, ainsi que d'énormes destructions au Liban provoquées par des bombardements intensifs de l'aviation et de l'artillerie israéliennes, et 160 côté israélien, en majorité des militaires. Quelque 4.000 roquettes tirées par le Hezbollah avaient paralysé la région nord d'Israël. Le Hezbollah évoque depuis une "victoire divine".
"Lors de la guerre de 2006, la résistance et le Liban ont imposé des règles d'engagement protégeant le Liban grâce à l'équilibre de la terreur", a déclaré Hassan Nasrallah qui a estimé que ce qui s'est passé en juillet 2016 était "une véritable guerre imposée par l'ennemi israélien contre le Liban sur décision des États-Unis". "C'est le triptyque peuple-armée-résistance et cet équilibre de la terreur qui protègent le Liban depuis 14 ans. Ce ne sont ni la Ligue arabe, ni les résolutions internationales qui le protègent", a-t-il ajouté. "Pour le Liban et son peuple, la résistance est une question d'existence, tant qu'aucune alternative sérieuse et convaincante n'est proposé", a-t-il déclaré.
Cet anniversaire intervient dans un contexte de montée des tensions entre les deux parties depuis plusieurs mois. Israël a récemment annoncé être en état d'alerte à la frontière libanaise, affirmant notamment avoir déjoué une attaque "terroriste" et ouvert le feu sur des hommes armés ayant franchi la "ligne bleue" séparant le Liban et Israël. Benjamin Netanyahu a alors attribué l'infiltration au Hezbollah qui a, lui, démenti toute implication. Cet accès de tension était intervenu après la mort d’un combattant du Hezbollah, Ali Kamel Mohsen, tué le 20 juillet dernier dans un raid israélien en Syrie. "La décision de riposter à son martyr n'a pas changé. Ce n'est qu'une question de temps", a assuré Hassan Nasrallah.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé vendredi certaines formations politiques libanaises d'avoir tenté d'entraîner le Liban dans la guerre civile en tentant de "renverser l'Etat" dans la foulée de la double explosion qui a ravagé le port de Beyrouth et des pans de la capitale mardi 4 août."Après une catastrophe d'une telle ampleur, nous avons assisté à une...
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Ce tragi-comique soi disant "equilibre de la terreur" qui justifie la resistance armée du Hezbollah tout en prenant le Liban en otage est une rhethorique folle. Croire vaincre Israel militairement par le jeu de mini embuscades au détriment de tout un peuple, est une illusion que les libanais ont payé et payeront encore très cherement s'ils appuient ce discours du "plus fort" qui n'a de fort que la gueule. Le Hezbollah se conforte devant tout ce qui divise les libanais, complice d'un gouvernement corrompu et inefficace, dont il se sert lui-meme, en volant taxes et ressources. Il n'y a plus d'Etat libanais, mais un avatar d'etat au service d'un agenda politique étranger, qui en jouant habilement sur la peur et le besoin de nous défendre, paralyse notre independance et notre souveraineté. Le Liban n'a pas besoin de leçons de patriotisme de ce Monsieur. Ni d'un gouvernement d'union nationale avec les mêmes marionettes au pouvoir. Le Liban a un besoin criant de changement radical de toute sa gouvernance, mitée par toutes sortes d'enjeux, pour aller dans le sens de la raison, de la justice et du progrès pour tous les libanais: Ceux qui aiment le Liban dans toute sa richesse et diversité. Un Liban qui ne peut exister et grandir que dans la Paix. Les paroles du Hezbollah ne peuvent que nous en éloigner. Il est grand temps que la société civile de tous bords, qui l'a compris, s'unisse et soit clairement représentée, pour vaincre aux prochaines échéances electorales
Alfred Homsy
13 h 37, le 16 août 2020