Comme deux amants qui se tournaient autour depuis quelque temps déjà mais n’osaient pas assumer publiquement leurs sentiments… Jusqu’au jour où leur union est officiellement scellée ! C’est à peu près l’impression qu’a renvoyée hier l’annonce de la normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis par leur intermédiaire principal, le président des États-Unis Donald Trump. « Énorme percée aujourd’hui ! Accord de paix historique entre nos deux grands amis, Israël et les Émirats arabes unis », s’est réjoui hier sur son compte Twitter le chef de la Maison-Blanche, publiant simultanément un communiqué de presse conjoint entre Washington, Abou Dhabi et l’État hébreu. « Cette percée diplomatique historique fera progresser la paix dans la région du Moyen-Orient et témoigne de la diplomatie et de la vision audacieuses des trois dirigeants (…) », affirme le document. Il est également précisé que des délégations israéliennes et émiraties vont se rencontrer dans les prochaines semaines pour la signature de différents accords bilatéraux dans les domaines de l’investissement, de la sécurité, des télécommunications, de la technologie et de la culture, entre autres. L’accord pourrait également déboucher sur un meilleur accès des musulmans à la mosquée al-Aqsa de la Vieille Ville de Jérusalem, en leur permettant de se rendre à Tel-Aviv directement depuis Abou Dhabi, ont précisé des officiels américains cités par l’agence Reuters.
L’annonce a ensuite été confirmée quelques minutes plus tard sur Twitter par le prince héritier d’Abou Dhabi et dirigeant de facto des EAU, Mohammad ben Zayed, affirmant qu’ « un accord a été conclu pour mettre fin à la poursuite de l’annexion par Israël des territoires palestiniens ». Abou Dhabi semble essayer de ménager la chèvre et le chou pour faire taire les critiques qui le renverraient au rang de « traître » de la cause palestinienne, historiquement centrale dans le discours arabe officiel.
Pour Benjamin Netanyahu, le timing semble parfait, tant il est empêtré dans ses ennuis judiciaires et de plus en plus critiqué par une partie de la population israélienne, non seulement du fait des charges de corruption qui pèsent contre lui, mais aussi à cause de sa gestion de la pandémie liée au coronavirus et de son bilan économique. « Le moment choisi peut être lié au fait que MM. Trump et Netanyahu sont maintenant confrontés à de graves problèmes politiques internes », résume pour L’Orient-Le Jour Khaled Elgindy, directeur du programme sur la Palestine et les affaires israélo-palestiniennes au sein du Middle East Institute. « Quelle meilleure façon de relancer ces deux dirigeants en difficulté qu’une percée diplomatique majeure », poursuit-il.
Un report et non un renoncement
Le Premier ministre israélien a mentionné hier l’avènement « d’une nouvelle ère dans les relations entre Israël et le monde arabe », contredisant cependant les propos tenus par le prince héritier d’Abou Dhabi. Benjamin Netanyahu a insisté sur le fait que la normalisation aboutirait à un report du projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie, et non pas à un renoncement. Celle-ci avait été officialisée au cours de la présentation du volet politique du plan américain pour le Proche-Orient à Washington en janvier dernier, en la présence très remarquée des ambassadeurs de Bahreïn, du sultanat d’Oman et surtout des EAU, Youssef Otaïba. « J’ai apporté la paix, je réaliserai l’annexion », a soutenu hier le Premier ministre israélien.
L’accord entre Israël et les EAU balaie d’un revers de main l’Initiative de paix de la Ligue arabe à Beyrouth en 2002 présentée par le roi Abdallah d’Arabie saoudite, selon laquelle les pays de la région conditionnent une normalisation de leurs relations avec Israël à son retrait total des territoires occupés, une solution viable pour les réfugiés palestiniens et à une solution à deux États. « C’est une perte pour les Palestiniens qui espéraient que les pays arabes ne normaliseraient pas leurs relations avec Israël avant un accord final sur la création d’un État (palestinien) », observe Elham Fakhro, chercheuse sur les pays du Golfe au sein de l’International Crisis Group.
Troisième pays dans le monde arabe
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a convoqué une « réunion d’urgence » afin de s’accorder sur la marche à suivre face à cette annonce. Le Hamas a pour sa part d’ores et déjà accusé Abou Dhabi d’avoir poignardé les Palestiniens dans le dos. « Pour le monde arabe, c’est tragique mais je ne pense pas que cela aura beaucoup d’impact sur la question israélo-arabe parce que les EAU n’ont pas le poids qu’ils prétendent avoir, même s’ils sont une force d’intervention militaire qui sert les intérêts israéliens et américains dans la région », commente Leila Chahid, ancienne déléguée générale de la Palestine en France, puis auprès de l’Union européenne.
Les EAU deviennent ainsi le troisième pays du monde arabe à normaliser leurs liens avec Israël, plus de quarante ans après la signature du traité de paix israélo-égyptien en 1979 – dans le sillage des accords de Camp David – et près de vingt-six ans après l’officialisation des relations entre Amman et l’État hébreu en 1994. Le président égyptien, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, n’a d’ailleurs pas tardé à saluer l’annonce de l’accord entre Abou Dhabi et Israël, le décrivant comme une « étape » vers la « réalisation de la paix au Moyen-Orient ».
Si le timing de l’annonce est surprenant, celle-ci s’inscrit dans la continuité du rapprochement entamé au cours de ces dernières années entre Israël et les EAU, renforcé par l’accès de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2016. Deux ans plus tard, des officiels israéliens effectuaient des déplacements remarqués dans le Golfe dans le cadre de différentes compétitions sportives, à l’instar de la visite de la ministre israélienne de la Culture et des Sports de l’époque, Miri Regev, pour assister à un tournoi de judo à Abou Dhabi. En juin 2019, un tournant est pris avec l’organisation de la conférence de Bahreïn sur le conflit au Proche-Orient pour la présentation du volet économique du plan de paix américain, rebaptisé plan Kushner, avec l’absence notable de la partie palestinienne.
Signe d’une volonté de préparer l’opinion publique à une possible normalisation des liens avec Israël, les séries Oum Haroun et Makhraj 7, diffusées entre avril et mai derniers pendant le ramadan sur la chaîne MBC, ont explicitement abordé le sujet ainsi que celui de la présence des juifs dans le Golfe, provoquant un tollé dans la région.
Renforcer la rhétorique iranienne
Un enchaînement d’événements qui, en cristallisant la normalisation des liens entre Abou Dhabi et l’État hébreu, servent la cause de Donald Trump. « Cette évolution lui donnera l’occasion de faire valoir que sa politique étrangère dans la région a été couronnée de succès », remarque Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington. « En ce sens, la décision d’Abou Dhabi va servir à renforcer Trump dans l’arène politique intérieure des États-Unis, en plein milieu d’une période sensible avec les élections à venir et la crise du Covid-19 », poursuit-il. Selon des responsables américains cités par Reuters, le conseiller et gendre de Donald Trump, Jared Kushner, et l’ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman, ont entre autres été profondément impliqués dans la négociation de l’accord.
L’importance de cette annonce dépendra du fait qu’elle provoque ou non un effet domino dans le Golfe. « Il n’est pas clair si les pays du Golfe lui emboîteront le pas immédiatement. L’Arabie saoudite a intensifié ses relations avec Israël dans les domaines du partage de renseignements et de la coopération diplomatique en coulisses, dans le cadre de sa stratégie plus large de riposte à l’Iran », note Elham Fakhro. « Il est peu probable que les Saoudiens suivent l’exemple des Émirats arabes unis, du moins pas sans quelques concessions plus concrètes d’Israël envers les Palestiniens », estime pour sa part Khaled Elgindy.
« Je prédis que le royaume de Bahreïn et le Soudan seront les prochains à suivre l’exemple d’Abou Dhabi en ce qui concerne cette étape de normalisation des relations diplomatiques formelles avec Tel-Aviv », affirme Giorgio Cafiero. Manama a par ailleurs salué la décision de la normalisation des liens entre l’État hébreu et Abou Dhabi hier soir, ajoutant que « cette étape historique contribuera au renforcement de la stabilité et de la paix dans la région ». La normalisation des relations israélo-émiratis pourraient toutefois donner du grain à moudre à un autoproclamé « axe de la Résistance » conduit par l’Iran et confronté à de sérieux revers dans toute la région. L’accord entre Abou Dhabi et Israël pourrait renforcer la rhétorique iranienne qui présente la République islamique et ses alliés comme étant les seuls à ne pas courber l’échine face à l’État hébreu.
« Comme deux amants qui se tournaient autour depuis quelque temps ... » Très bien trouvé! Bien qu’en vérité, il y a belle lurette qu’au Moyen Orient tout-le-monde couche avec tout-le-monde, pendant que nous prétendons stupidement sauvegarder notre virginité... Pas question que nous soyons une sainte-ni-touche non plus, loin de là, juste une mauvaise fille prétentieuse! Et combien de malheurs nous aura couté ce jeu au fil des ans? Combien aurions-nous pu gagné en avancement, en opportunités, en sécurité, en prospérité, en qualité de vie et surtout en félicité d’avoir nos familles autour de nous réunies plutôt que déchiquetées? Oui, il est grand temps d’envisager la paix, avant la neutralité. Nous ne sommes pas venus sur cette terre pour n’être rien d’autre qu’une monnaie de change dans les guerres d’autrui. Nous aimerions bien avoir quelques années à vivre en paix et dans la paix et pouvoir léguer autre chose à nos enfants que de la haine et du baroud. Si nous attendons que tout le monde passe avant avant nous, nous serons encore une fois perdants sur tous les tableaux car ce sera une paix obligée et non négociée. »
12 h 05, le 16 août 2020