
Nabih Berry présidant une réunion de son groupe parlementaire. Photo ANI
Les protagonistes politiques, notamment ceux au pouvoir, ne semblent pas conscients de l’ampleur des crises que traverse le pays, surtout après la catastrophe de la double explosion qui a secoué le port de Beyrouth. Ils croient pouvoir maintenir leurs futiles pratiques axées sur la distribution des parts. C’est ainsi qu’en ce qui concerne le prochain gouvernement, il n’y a rien à attendre avant une entente politique élargie.
Loin d’avoir capté le message adressé par la rue en colère au cours des derniers jours, encore moins l’appel du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, lundi à la « formation rapide d’un gouvernement qui fasse ses preuves », la présidence de la République s’abstient toujours de fixer la date des concertations parlementaires, en vue de nommer le futur Premier ministre, en attendant un consensus autour du nom du successeur de Hassane Diab. Une décision qui risque de susciter la colère de la communauté sunnite qui pourrait y voir une atteinte aux prérogatives de la présidence du Conseil.
Rappelons que le chef de l’État avait entrepris la même démarche à la suite de la démission du cabinet Hariri sous la pression de la rue, le 29 octobre dernier. Une façon pour lui de faciliter la formation rapide d’une nouvelle équipe ministérielle.
La présidence estime en tout cas qu’il est encore tôt de parler du futur chef du gouvernement. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Salim Jreissati, conseiller du président de la République, explique que le prochain cabinet devrait être un gouvernement d’action, du rétablissement de la confiance et capable de s’engager à opérer les réformes attendues. Et d’ajouter : « Plusieurs paramètres sont donc à prendre en considération, à savoir la personne du Premier ministre, la composition de son équipe et son engagement à opérer les réformes. » « Il s’agit de mettre sur pied une équipe composée d’hommes et de femmes dotés d’expérience, qui ont fait preuve de capacité en matière de chose publique et qui n’ont pas d’engagements antérieurs », souligne encore l’ancien ministre de la Justice. La présidence est-elle donc favorable à un gouvernement de spécialistes indépendants ? « Nous n’avons pas dit cela. Il nous importe que soit formé un gouvernement qui ne plaide pas à tout bout de champ pour une enquête internationale (dans l’affaire de la catastrophe du 4 août) », répond M. Jreissati, précisant que ses propos ne devraient pas être interprétés comme une tentative de la part de Baabda de faire barrage à un retour au Sérail du leader du courant du Futur Saad Hariri.
Les parties au pouvoir se sont déjà lancées dans leurs tractations dans la perspective de la formation de la nouvelle équipe. Quelques heures après la démission de Hassane Diab, le président de la Chambre Nabih Berry s’était entretenu à Aïn el-Tiné avec le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, ainsi qu’avec Hussein Khalil, bras droit du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Était également présent l’ancien ministre Ali Hassan Khalil, conseiller politique de M. Berry. De source informée, on apprend que les participants se sont entendus sur le refus d’un gouvernement neutre et de la tenue de législatives anticipées, comme le demande le mouvement de contestation. En revanche, ajoute la source, ils se sont montrés favorables à un cabinet d’entente nationale.
Cela n’est certainement pas sans susciter des craintes quant à un éventuel retour à l’habituelle guerre des quotes-parts qui pourrait paralyser le processus, alors que le pays devrait se doter d’un gouvernement le plus rapidement possible. Mais Gebran Bassil, longtemps accusé d’entraver sciemment les tractations gouvernementales pour s’assurer des portefeuilles ministériels qu’il demande, s’est rapidement employé à assurer sur son compte Twitter que le CPL « facilitera et collaborera à la formation d’un gouvernement productif et efficace ». Il a été naturellement rejoint sur ce point par le groupe parlementaire aouniste, réuni hier. Une interprétation voudrait que le CPL laisserait ainsi entendre qu’il pourrait opter pour un cabinet monochrome rassemblant les composantes du 8 Mars. Sauf que cette option semble exclue dans certains cercles politiques. On y fait état de trois scénarios. Un premier voudrait que Saad Hariri forme un gouvernement qui redresserait le pays dans un délai de six mois, mais il se heurte au double veto de Michel Aoun et Gebran Bassil. Un deuxième scénario prévoit la formation d’un cabinet d’entente nationale. Mais il semble exclu, du moins pour le moment. Et pour cause : calmer la colère de la rue supposerait une rupture avec le partage du gâteau qu’engendrerait une telle équipe. Quant à la troisième éventualité, elle est axée sur une équipe neutre qui s’engagerait à opérer les réformes et dresser une feuille de route afin de sortir le pays de la crise économique.
Non à « l’hégémonie de Bassil et du Hezbollah »
De son côté, l’opposition commence déjà à accorder ses violons avant de se lancer dans le processus gouvernemental. Ce qui lui importe le plus, c’est la genèse d’un cabinet où le tandem Bassil-Hezbollah ne serait pas hégémonique. Une position qui s’inscrit dans le prolongement des appels de la communauté internationale à libérer le pays du joug du parti chiite, même si la France continue à se distinguer sur ce plan, en le reconnaissant comme composante du tissu politique libanais et en s’abstenant de le classer « organisation terroriste ». Le veto à un cabinet parrainé par le tandem Hezbollah-Bassil, le groupe parlementaire des Forces libanaises devrait l’exprimer à l’issue de sa réunion extraordinaire attendue aujourd’hui à Meerab. À son tour, Marwan Hamadé, député (démissionnaire) joumblattiste du Chouf, est très clair sur ce plan. « L’important, c’est de mettre fin à l’hégémonie de la corruption sous le mandat actuel », dit-il à L’Orient-Le Jour, jugeant « indécent de parler déjà du gouvernement sauf pour sortir le pays de son calvaire ».
De son côté, le président du Parlement – qui a présidé hier une réunion de son groupe parlementaire – poursuit ses concertations articulées autour du gouvernement. Il a rencontré hier le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, et devrait se réunir avec Saad Hariri dans les prochaines 24 heures. S’exprimant à l’issue de la réunion à laquelle ont participé Taymour Joumblatt et Waël Bou Faour, respectivement députés du Chouf et de Rachaya, le leader druze s’est abstenu tant de nommer un candidat à la présidence du Conseil que de qualifier la prochaine équipe ministérielle. Il a en revanche insisté sur l’importance de former « un cabinet d’urgence pour résoudre la crise du pays », assurant qu’il coordonnera avec M. Berry.
Commentant la démission de Hassane Diab, il a déclaré : « Il a brûlé Beyrouth, et causé sa propre chute. »
Les protagonistes politiques, notamment ceux au pouvoir, ne semblent pas conscients de l’ampleur des crises que traverse le pays, surtout après la catastrophe de la double explosion qui a secoué le port de Beyrouth. Ils croient pouvoir maintenir leurs futiles pratiques axées sur la distribution des parts. C’est ainsi qu’en ce qui concerne le prochain gouvernement, il n’y a rien à...
commentaires (19)
Le coût des dégâts dépasse les 15 milliards de dollars, selon Aoun c est de l argent de poches pour certains ex dirigents de ce pays que M aoun connait leurs noms qu est ce qu il attend pour agir au lieu de compter sur les autres
youssef barada
20 h 15, le 12 août 2020