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Culture - Production

Un trio libanais qui veut innover sur le petit écran

Nasri Atallah, Firas Abou Fakher et Daniel Habib ont créé leur propre société de production, Last Floor Productions, réveillant le contenu télévisuel en misant sur les films de genre.

Un trio libanais qui veut innover sur le petit écran

Firas Abou Fakher.

Jean-Luc Godard aimait à dire : « Quand on va au cinéma, on lève la tête, et quand on regarde la télévision on la baisse. »Nasri Atallah, écrivain et producteur depuis dix ans, Firas Abou Fakher, architecte et compositeur de Mashrou’ Leila, et Daniel Habib, producteur de films publicitaires, trois compères amis depuis longtemps et issus de différents horizons, ont réussi à démontrer le contraire. Vers la fin de l’année dernière, ils ont visé très haut et se sont lancés dans la création d’une société baptisée Last Floor Productions qui met en avant le travail télévisé, combinant ainsi leurs compétences et leurs ambitions communes pour y transmettre à la fois un message et de l’émotion. « Nous avons réalisé que nous aimions, d’une part, les mêmes choses et que, d’autre part, il y avait un vide à remplir du côté de la télévision », indique Firas Abou Fakher. « Le cinéma avait bien évolué au Liban puisqu’il avait atteint même la galaxie des oscars, mais pas la télévision qui est restée malheureusement bien en arrière », poursuit-il. « Pendant qu’on cogitait sur le sujet, avoue Nasri Atallah, certains réalisateurs et scénaristes se sont présentés à nous et nous ont soumis leurs demandes. On ne savait pas quel projet allait prendre naissance durant le confinement. »


Daniel Habib.


Les films du milieu…

« On s’est alors positionné sur le film de genre (horreur, thriller, comédies noires, crimes et action) qui est sous-développé dans la région. Au Liban par exemple, on est soit dans les films d’auteur, soit dans les films mélodramatiques et commerciaux. En tant que spectateurs, on s’est intéressé à des films “du milieu” inspirés du modèle des États-Unis, du Royaume-Uni ou de l’Asie comme le récent Parasite. Cette catégorie n’existant pas, on a voulu s’aligner sur le marché global et les tendances mondiales parce qu’il y a plein d’histoires à développer. » « Nous travaillons selon les demandes du public pour avoir accès au plus grand nombre de spectateurs, reprend Abou Fakher. Et nous avons foi dans l’écriture et dans le texte qui sont négligés et quasi absents dans le monde arabe et au Liban. Même au sein de Mashrou’ Leila, je me concentre sur cette ligne qui existe entre la musique d’auteur et celle commerciale. »

Leur première série, intitulée al-Chaq (Le Doute), a déjà été diffusée sur la plateforme streaming (video on demand) Shahid pour MBC. Il s’agissait de dix épisodes de dix minutes chacun. L’action se déroule à Djeddah en Arabie saoudite. Quant à la seconde qui est en production, elle se déroule à Beyrouth. « Al-Chaq est née en temps de quarantaine. Nous avions à l’époque trois projets en marche, précise Abou Fakher, mais tout s’est arrêté. Nous avons donc contacté Shahid car nous avons eu l’idée d’envoyer de petites caméras et des scripts à tous les acteurs confinés chez eux. Tout a été préparé sur l’application Zoom. Shahid était partant pour cette démarche audacieuse et nouvelle. »


Nasri Atallah. Photos DR


Une vision… et des idées plein la tête

« Ce sont des séries grand format et on ne fait pas beaucoup la différence entre télé ou streaming », souligne Nasri Atallah. « Ce qui importe, ce sont les opportunités. Il y a plusieurs modèles de travail : les premières séries sont adaptées du modèle américain où nous sommes à la fois producteurs et créateurs (auteurs). Cette démarche est basée sur nos propres ressources intellectuelles. Elle est nécessaire comme début pour se faire connaître. Mais avec le temps, nous aspirons à collaborer avec beaucoup de réalisateurs et d’auteurs, et pas seulement du Liban. Nous envisageons même d’aller au-delà des séries pour faire de longs-métrages », confie-t-il. Enthousiastes, les trois producteurs ont une vision mondiale et ambitionnent d’être compétitifs. Atallah se dit ainsi « agnostique en ce qui concerne les formats et les genres. Si al-Chaq était diffusée deux fois par semaine, la seconde série passera, elle, par exemple, en continu, sans fractionnement. Elle pourra être de 40, de 10 ou même de 25 minutes. Il n’y a pas de règle préétablie. On n’est pas dogmatique. On apprend parce que le monde est en évolution permanente ».

Quant aux récits, ils seront certainement en arabe, mais pas nécessairement localisés dans la région. Les producteurs disent avoir un vivier dans les pays nordiques, au Royaume-Uni ou en Amérique latine. Ils ont la vision, les idées, les acteurs et les personnages qu’ils développent avec des auteurs seniors et juniors, et ce sont les plateformes auxquelles est soumis le projet qui assurent le financement. « J’adorerais filmer en Jordanie ou au Soudan, mais aussi en Europe, en Amérique du Nord ou en Amérique latine, et y raconter des histoires d’Arabes... Nous sommes tellement indifférents au lieu où sont racontées ces histoires, du moment qu’elles sont convaincantes et axées sur le genre et qu’elles constituent une nouvelle forme de narration sur les Arabes », assure Nasri Atallah. Quant aux acteurs, il est certain que Last Floor Productions encourage l’émergence de nouveaux talents, mais d’un point de vue commercial, la société a engagé pour al-Chaq des comédiens confirmés comme la Libanaise Razzan Jammal, l’actrice saoudienne Fatima al-Banawi et l’acteur syrien Qusai Khouli. « On essaie de rassembler les acteurs de la région. Les comédiens ont très envie de faire partie de ces projets parce que les personnages sont intéressants et ce sont des rôles qu’ils n’ont jamais joué. On cherche aussi de nouveaux talents pour combler l’écart. »

Selon Abou Fakher, il y a une opportunité à saisir, car le cinéma qui est contraint par certains sujets restrictifs est en voie de recul. « Il y a certes des limites et des restrictions, mais nous essayons de trouver des moyens créatifs de raconter des histoires dans ces cadres. Nous avons la capacité de raconter l’histoire de nombreuses façons. C’est un modèle de pensée différent », dit-il. « Avec la montée en puissance du streaming et des plateformes comme Shahid, il existe un bon terrain d’entente, où vous pouvez raconter des histoires basées sur la réalité et avoir un message, mais toujours répondre à un large public », conclut Firas Abou Fakher. C’est exactement l’objectif de Last Floor Productions.

Jean-Luc Godard aimait à dire : « Quand on va au cinéma, on lève la tête, et quand on regarde la télévision on la baisse. »Nasri Atallah, écrivain et producteur depuis dix ans, Firas Abou Fakher, architecte et compositeur de Mashrou’ Leila, et Daniel Habib, producteur de films publicitaires, trois compères amis depuis longtemps et issus de différents horizons, ont...

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