
Le siège social de l'agence américaine Moody's basée à New York, aux Etats-Unis. Photo d'archives AFP
Après avoir dégradé la notation souveraine libanaise lundi, passant de “Ca” à “C”, la plus basse note qu'elle puisse attribuer, Moody's, l’une des principales agences de notation américaine, a retiré jeudi les notations des trois banques libanaises qu’elle observe – Bank Audi, BLOM Bank et Byblos Bank.
Moody's explique sa décision par le fait que les informations sont "insuffisantes" ou "inadéquates" pour permettre de maintenir la notation. Sur son site, l'agence explique que cette situation ne lui permet pas “d’évaluer efficacement la solvabilité de l'émetteur ou de l’obligation”. Cet argument est mis en avant lorsque “l'émetteur refuse de fournir les informations demandées par Moody’s", des informations que l'agence "ne peut obtenir via les canaux publics”.
Les trois autres situations dans lesquelles l'agence peut décider de retirer sa notation - qui ne sont pas évoquées pour le cas des trois banques libanaises - sont la “faillite/réorganisation/liquidation”, les “raisons commerciales” et enfin “l’obligation arrivée à maturité (elle ne peut donc plus être achetée ou vendue sur le marché secondaire, n'intéressant alors plus les investisseurs, ndlr)”.
Signification
Le rôle d’une agence de notation est d’indiquer le risque d’insolvabilité de l’émetteur aux potentiels investisseurs. Ainsi, le retrait de cette note signifie que Moody’s ne peut plus évaluer le risque de ces banques concernant leurs dettes envers les déposants, en devises et en monnaie nationale, à long et court terme, sans oublier le risque de défaillance envers leurs créanciers (Couterparty Risk). Un retrait de notation signifie, pour la chercheuse Federica Salvadè qui a étudié en 2014 ces cas en Europe et aux Etats-Unis durant la période allant de 2001 à 2011, que l'entreprise “n’a (plus) aucune valeur pour les investisseurs”.
Le retrait signifie également qu’il sera plus compliqué pour les banques libanaises d’émettre de nouvelles actions et donc de recapitaliser les banques, les investisseurs prenant en compte la notation des agences. Or, la Banque du Liban (BDL) a demandé à toutes les banques libanaises, dans sa circulaire n° 532 de novembre 2019, d'augmenter de 20 % leurs fonds propres par rapport au niveau du capital au 31 décembre 2018 avant le 30 juin (une augmentation à effectuer en deux temps). Ce afin de renforcer la solvabilité des établissements bancaires dans un contexte de crise économique et financière aiguë, doublé d’une dépréciation de la livre et marqué par les restrictions sur les retraits et les transferts vers l’étranger. Dans son plan de redressement économique voté le 30 mai, le gouvernement de Hassane Diab a, en outre, évoqué son intention de restructurer le secteur. La BDL a d’ailleurs créé le 16 juillet une commission à ce but.
Suite à l'annonce, fin février par le Liban, d'un défaut de paiement sur ses eurobonds arrivant à maturité le 9 mars dernier - le gouvernement a ensuite déclaré, en mars, la suspension du remboursement de sa dette en devises-, Moody’s, avait alors dégradé la notation souveraine libanaise de “Caa2” à “Ca”, soit dette ultra spéculative. L'agence a par la suite répercuté sa notation sur celles des banques. Ainsi, la notation des dépôts à long terme en livres était évaluée à “Caa3” (obligation de basse qualité et à haut risque), tandis que ceux en devises étaient évalués à “ Ca”.
Pour rappel, ce sont les banques qui soumettent leur candidature pour figurer dans la liste des établissements observés par les agences de notation, ce qui explique que seules ces trois banques soient citées. Cette évaluation tend néanmoins à refléter l’état de l’ensemble du secteur, qui est fortement exposé à la dette publique libanaise, évaluée à 92,9 milliards de dollars à fin avril. La banque centrale détenait 58,8 % de la dette en livre à fin avril, contre 51,7 % à la même période l’année passée, devant les banques commerciales, 28 % contre 34 %. Les chiffres concernant leur détention d'eurobonds ne sont pas clairement communiqués.
Les deux autres agences de notation, Fitch et Standard & Poor's (S&P) avaient noté respectivement Bank Audi et Byblos Bank à “RD”(restricted default) en décembre 2019; et Bank Audi, BLOM Bank et Bankmed à “SD” (selected default). Depuis mars, la notation souveraine est la même que celle des banques du pays.
Dans son communiqué de lundi, Moody’s a considéré que le défaut de paiement de mars dernier de l’État libanais sur ses eurobonds constitue une perte pour les investisseurs de "plus de 65%". L’agence prévoit que le ratio dette/PIB, évalué à 175,6% par le gouvernement en 2019, dépassera les 200% cette année, en raison de la dévaluation à 3 500 livres pour un dollar programmé par l’exécutif dans son plan de redressement. Elle a émis également des doutes concernant l’obtention de l’aide financière que le Liban a demandé début mai au Fonds monétaire international (FMI), ainsi que celle provenant d’autres investisseurs internationaux, comme la CEDRE d’avril 2018, avec une grande probabilité "qu’aucun des deux ne (soit) octroyé dans les prochains mois".
Caa2, Caa3, Ca, C, tout cela ne veut rien dire. La SEULE notation qui sied à une banque Libanaise est "Caca"...
09 h 29, le 01 août 2020