
Le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim. Photo ANI
Dans une démarche qui plaira à ceux qui ne veulent pas que le siège patriarcal maronite d’été devienne « un centre de villégiature », le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, est attendu aujourd’hui à Dimane, une visite qui pourrait annoncer un tournant dans les rapports entre le patriarcat maronite et le Hezbollah.
« Le général Abbas Ibrahim a l’habitude, tous les étés, d’effectuer une visite à Dimane », a confirmé le directeur de la communication du patriarcat, Walid Ghayad, comme pour situer la visite dans un contexte de courtoisie. Mais cet aspect mis à part, il est difficile d’imaginer que l’entretien que doit avoir cet homme rompu aux médiations délicates ne porte pas sur la période délicate, voire explosive, que traverse le pays.
Certains ont spontanément échafaudé pour le général Ibrahim une mission de médiation entre le siège patriarcal et le Hezbollah. C’est plus que probable, car le parti chiite semble avoir mal évalué l’importance du thème de la neutralité soulevé depuis le début du mois par le patriarche, et a cru au début à des idées lancées dans le feu du moment. « C’est pourquoi les déclarations patriarcales à ce sujet ont été d’abord accueillies sur les réseaux sociaux, premières défenses du parti pro-iranien, par une bordée d’injures diffamatoires d’une incroyable vulgarité », affirme une source bien informée qui a requis l’anonymat. « Toutefois, a repris cette source, se voyant ignoré sur le plan médiatique par un siège patriarcal qui a choisi de ne pas répondre aux insultes par des insultes, le Hezbollah semble avoir enfin compris que le siège patriarcal a sérieusement l’intention de faire campagne jusqu’au bout, et de rétablir au niveau du Liban un équilibre géopolitique qu’il considère comme rompu. Le Hezbollah a en outre enfin su analyser les appuis dont les positions patriarcales ont bénéficié de la part de certains milieux diplomatiques, en particulier tout dernièrement de la part du chef du Quai d’Orsay Jean-Yves Le Drian, qui a apporté la caution de la France au projet patriarcal ».
Officier de liaison du non-État
Or Abbas Ibrahim est « le » canal par excellence, affirme-t-on de source proche de Bkerké. « C’est l’officier de liaison du non-État dû à la présence du Hezbollah, pour reprendre une formule qui circule dans ces milieux. C’est l’homme des dossiers sensibles et internationaux. C’est lui qui s’est rendu dernièrement au Koweït, en émissaire présidentiel, à la place d’un Premier ministre qui n’y a jamais été invité, pour y rechercher un point d’entrée dans le Golfe alternatif à l’Arabie saoudite, et qui est rentré bredouille. » Et la source indiquée de se réjouir de ce développement prometteur.
La visite du général Ibrahim à Dimane portera certainement sur la situation du gouvernement de Hassane Diab, estime un avocat qui a ses entrées au siège patriarcal, et qui dénonce la complaisance dont fait preuve une partie des chrétiens envers le Hezbollah et sa devise « armée-peuple-résistance », dont elle n’a pas mesuré correctement le coût en termes de violation de la souveraineté. Et de donner en exemple la tension militaire provoquée au Liban par la mort d’un milicien du Hezbollah en Syrie, dans un raid aérien israélien résultant d’une guerre des axes régionaux sur laquelle l’État libanais n’a aucune prise.
Et l’homme de révéler que lors de sa visite au siège patriarcal maronite de Dimane, le 17 juillet dernier, l’ambassadeur d’Iran Mohammad Jalal Firouznia aurait affirmé que le Hezbollah déplorait que depuis le voyage en Terre sainte du patriarche, en 2014, les relations entre le parti chiite et le patriarcat s’étaient dégradés, et avait formulé le souhait que ce froid soit dissipé.
« Résistance offensive »
« Le rapprochement entre la visite en Terre sainte, fortement combattue par le Hezbollah à l’époque, et la campagne actuelle pour la neutralité n’est pas fausse, assure une source épiscopale. En 2014, le chef de l’Église maronite s’était rendu en Terre sainte en patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, pour y accueillir le pape François en terre arabe. On s’était alors opposé à la visite du patriarche Raï, parce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait accepté de faire le voyage. Mais ce que le patriarche était en train d’accomplir, c’était, comme l’a affirmé à l’époque une source épiscopale un acte de résistance, un acte de résistance offensive », a ajouté la source citée.
« En plaidant pour la neutralité du Liban, ce n’est pas une passade, mais une action de résistance offensive analogue que le patriarche a entreprise aujourd’hui pour restituer au Liban sa véritable identité de “pays-message” et sans chercher à effacer l’histoire, amener le Hezbollah à constater qu’il doit désormais compter avec Bkerké », reprend cette même source.
Rappelons que la semaine dernière, le patriarche Raï avait accusé sur un site du Vatican le parti chiite d’exercer une « mainmise sur la politique et le gouvernement » et y avait vu la cause de son isolement arabe et international. Le patriarche avait ensuite appelé la communauté internationale à protéger cette « neutralité positive » qui est la vraie « vocation du Liban ». Nul doute que ces thèmes-là ressortent dans l’entretien que le général Abbas Ibrahim aura aujourd’hui à Dimane.
Le Patriarche est courageux et c'est pour cela que le partie du diable est contre lui
18 h 49, le 29 juillet 2020