Avec un nombre croissant de contaminations dont l’origine est inconnue et une hausse considérable des cas au quotidien, le Liban flirte désormais dangereusement avec la phase quatre de la pandémie du coronavirus, celle de la transmission communautaire. Si le ministre de la Santé, Hamad Hassan, s’est montré alarmiste tout en essayant de rester tempéré, soulignant que le Liban est dans « une phase intermédiaire » entre les phases trois et quatre et qu’il était toujours possible de revenir à la phase trois, à condition de respecter les gestes-barrières, des sources proches du dossier affirment que le Liban a déjà atteint la phase de la transmission communautaire. En conséquence, le retour en arrière nécessite un travail long et difficile, mais surtout « une attitude responsable de la part du peuple ».
« Le port du masque est primordial pour freiner la propagation du virus », martèle Petra Khoury, conseillère du Premier ministre pour les affaires de santé et membre de la Commission nationale chargée de lutter contre le Covid-19. « Le peuple doit s’aider, ajoute-t-elle à L’Orient-Le Jour. Les scènes de rassemblement que nous voyons, sans aucun respect des mesures de prévention, sont inacceptables. Lors d’une dernière fête de promotion, sept élèves sur cinquante ont été testés positifs au coronavirus. Les gens doivent agir avec responsabilité. »
Pour de nombreux observateurs, le problème tient dans le fait que « les gens ne se sentent pas concernés par la pandémie » et qu’ils « se sentent tranquilles tant que les cas ne sont pas signalés dans leur cercle proche ». Selon eux, la situation est plus grave qu’on ne le pense parce que « les cas sont dispersés ». « Le virus est partout et dans toutes les régions », affirme d’ailleurs Petra Khoury.
Pour elle, « le masque reste le principal outil de protection ». Elle donne dans ce cadre l’exemple de deux coiffeurs dans le Missouri, aux États-Unis. « Tous les deux étaient testés positifs au coronavirus en mai, explique-t-elle. Avant que le salon de coiffure dans lequel ils travaillent ne ferme, ils ont été en contact avec 139 clients. Aucun n’a contracté le virus, parce que les deux coiffeurs portaient un masque. » Les preuves et les études montrant l’efficacité du masque dans la prévention de la transmission du virus se multiplient. Selon le Centre américain pour la prévention et le contrôle des maladies (CDC), « la pandémie pourrait être contrôlée en l’espace de quatre à huit semaines, si on peut pousser tout le monde à porter le masque ».
Éviter la transmission communautaire
« La responsabilité doit être partagée entre les autorités concernées et le peuple », insiste encore Petra Khoury. Pourquoi les ministères concernés tardent-ils donc à mettre en application les décisions prises la semaine dernière (voir L’Orient-Le Jour du 14 juillet) par la Commission nationale chargée de lutter contre le Covid-19 visant à lutter contre cette propagation rapide du virus ? Elle explique dans ce cadre que les ministères avaient d’autres considérations, principalement d’ordre économique, mais qu’ils sont en train de les revoir et que désormais celles-ci seront appliquées.
Hamad Hassan a en fait établi hier, à l’issue de la réunion du comité scientifique pour la lutte contre les épidémies au ministère, une liste de recommandations à prendre en compte pour assurer que le Liban ne glisse pas dans la quatrième phase. Celles-ci comprennent notamment la mise en isolement de toute personne contaminée dans des centres équipés à cet effet, si elle ne respecte pas les mesures de quarantaine à domicile. Le port du masque dans toutes les institutions privées et publiques, dans les magasins et lors de tous les événements comme les mariages et les activités sportives est également imposé. Il a d’ailleurs rappelé l’amende de 50 000 livres libanaises à laquelle s’exposent les personnes qui ne respectent pas cette mesure et a laissé entendre que ce montant pourrait être revu à la hausse.
Le ministre de la Santé a affirmé que tant que ces recommandations étaient respectées, aucune mesure de fermeture ne serait imposée dans les différents secteurs. « Le retour à de telles mesures dépend toutefois du comportement de chacun », a-t-il déclaré. Afin d’effectuer le suivi le plus précis possible de l’application de ces directives, une commission a été mise sur pied regroupant outre M. Hassan, Petra Khoury, le ministre de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, le secrétaire général du Conseil supérieur de défense, Mahmoud Asmar, et le directeur de cabinet du ministère de la Santé, Hassan Ammar.
« Le nombre de cas positifs dont on ne connaît pas la provenance augmente, mais de façon limitée, sans que nous ne soyons encore arrivés à la transmission communautaire, a constaté M. Hassan. Nous espérons que face aux chiffres de ces derniers jours, la société libanaise va se sensibiliser et agir en conséquence en respectant les conseils de prévention du ministère de la Santé. »
Un médecin décédé
Plus tôt dans la journée, le ministre de la Santé avait affirmé que le Liban est « au cœur de la tempête » de la pandémie de coronavirus. À juste titre, puisque depuis une dizaine de jours les bilans quotidiens des nouvelles contaminations sont en hausse. Hier, 46 nouveaux cas ont été détectés, faisant grimper à 2 902 le nombre des cas cumulés depuis l’apparition de la pandémie en février, dont 1 562 guérisons. Actuellement, 1 299 sont toujours positives. Parmi elles, 77 personnes sont hospitalisées, dont 15 aux soins intensifs.
Sur les cas signalés hier, 28 ont été déclarés localement : douze ont été enregistrés dans le caza de Baabda, sept à Beyrouth, un au Metn, un au Kesrouan, un à Jbeil, un à Zghorta, un à Zahlé, un à Saïda, deux à Tyr et un à Nabatiyé. Dix-huit autres cas ont été enregistrés parmi les voyageurs arrivés à Beyrouth.
Un décès a également été annoncé hier, portant à 41 le bilan des morts des suites du coronavirus. Il s’agit du premier décès parmi le corps médical. Louaï Ismaïl, 32 ans, était urgentiste à l’Hôpital libano-italien de Tyr. Il a été contaminé par une patiente dont la contamination par le virus a été signalée des jours plus tard. Chez le médecin, la maladie n’a été confirmée qu’au bout de trois PCR, les résultats des deux premiers tests ayant été négatifs.
Au début de la maladie, le médecin avait une diarrhée, des vomissements et une fièvre. Sept jours plus tard, son état de santé s’est détérioré. Il a été admis à l’hôpital gouvernemental de Nabatiyé. Il souffrait d’une pneumonie et d’une détresse respiratoire. Quatre jours plus tard, il a succombé au Covid-19.
Ne tardant pas à réagir, le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a loué sur son compte Twitter « un martyr du devoir » et un « médecin courageux » dont « le visage bienveillant rassurait » les malades. La ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, a de son côté salué la mémoire d’ « un ange du Liban ». « Il a offert son temps et sa vie pour aider les autres face au virus », a-t-elle écrit sur son compte Twitter, appelant les citoyens à respecter les mesures de prévention pour aider « notre armée blanche qui œuvre en silence » pour lutter contre le coronavirus. L’ordre des médecins de Beyrouth a lui aussi rendu hommage au « martyr du devoir et du service de l’homme ». « Nous pleurons le Dr Louaï, notre jeune collègue tombé durant l’exercice de ses fonctions alors qu’il soignait un patient atteint du Covid-19 », a réagi pour sa part sur Twitter Firas Abiad, directeur de l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri. « Nous avons prêté serment et nous sommes prêts à tout sacrifier pour nos patients. Mais cela n’élimine pas la douleur et ne rend pas la perte tolérable », a-t-il conclu.
Le pire est ailleurs.....
17 h 19, le 21 juillet 2020