« Qui a le droit de séparer une fille de sa mère ? Ou d’obliger une mère à voyager sans ses enfants ? C’est une honte ! » Nada, 59 ans, ne décolère pas depuis que sa fille, libanaise mariée à un Français, n’a pu prendre l’avion en compagnie de ses deux enfants, 7 et 4 ans, pour rentrer à Beyrouth. La raison ? Elle se trouve d’abord dans la loi libanaise discriminatoire qui prive les mères libanaises mariées à des étrangers de leur droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants. En tant que français, les deux petits-enfants de Nada ne sont donc pas autorisés jusqu’à nouvel ordre à visiter le Liban en qualité de « touristes », en vertu d’un règlement européen lié aux dangers de contamination par le coronavirus. Chose qui n’aurait pas de raison d’être s’ils disposaient d’un passeport libanais. Cela a privé la fille et les petits-enfants de prendre l’avion pour rentrer à Beyrouth passer du temps avec leur mère et grand-mère, atteinte d’un cancer à un stade avancé. Si le cas de Nada et de sa famille est particulièrement poignant, il faut préciser que des milliers de femmes continuent de souffrir de cette loi discriminatoire, qu’elles soient résidentes au Liban ou à l’étranger. La loi libanaise sur la nationalité, rappelons-le, occulte tout simplement les femmes, donnant aux seuls hommes libanais le droit de transmettre leur nationalité à leurs femmes étrangères et aux enfants nés de cette union. Récemment, la campagne « Ma nationalité, un droit pour moi et pour ma famille », qui milite depuis des années pour l’octroi de ce droit aux Libanaises, a publié un communiqué dans lequel elle dénonce la multiplication de ces cas de femmes qui n’ont pu prendre l’avion avec leurs enfants non libanais, de plusieurs aéroports d’Europe notamment.
« Nous refusons qu’on impose aux Libanaises un choix entre leurs enfants et leur pays, entre leurs parents et leur propre famille, tout simplement parce qu’on continue à leur refuser le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants nés d’un conjoint étranger », affirme le communiqué de la campagne. Il ajoute : « Les lois discriminatoires rendent les Libanaises vulnérables à tous les crises, conflits, pandémies et décisions de toutes sortes, qu’elles soient internes au Liban ou propres à d’autres pays. Aujourd’hui, les Libanaises sont empêchées de voyager avec leurs enfants et leur conjoint étrangers sous prétexte que ceux-ci ne sont pas détenteurs de la nationalité libanaise. »
Des conséquences psychologiques considérables
La fille de Nada en a donc fait les frais, bien qu’elle ait pris toutes ses précautions. « Ma fille vit à Lille avec son mari et ses enfants, raconte-t-elle. Étant donné qu’il leur est plus facile de prendre l’avion de Bruxelles que de Paris, mon gendre les a déposés à l’aéroport de cette ville ce jour-là. Ma fille avait auparavant posé toutes les questions autant à la MEA qu’à l’ambassade du Liban à Paris, et obtenu des assurances que les petits pouvaient voyager avec elle sans problème. Ce n’est qu’une fois arrivée au stade d’embarquement qu’on lui annonce que ses enfants ne peuvent pas prendre l’avion, en vertu d’une disposition qui interdit, jusqu’à nouvel ordre, aux nationaux européens de voyager au Liban pour “tourisme”. Et quand ma fille a insisté pour prendre l’avion, on lui a tout simplement signifié qu’elle pouvait voyager seule. »
Face à ce refus, rien n’y fait : la mère a beau fournir un extrait d’état civil qui prouve qu’elle est libanaise et que ses enfants devraient pouvoir se rendre à Beyrouth avec elle, elle doit rentrer bredouille à la maison, terriblement déçue.
« On ne mesure pas l’impact psychologique de tels épisodes sur la Libanaise et sa famille, insiste Nada. Dans notre cas, étant donné ma maladie, ma fille et mes petits-enfants étaient très impatients de me voir après cette séparation causée par la pandémie. Ma fille a réagi très vivement à l’interdiction de monter dans l’avion, ses enfants étaient en pleurs. De notre côté, nous étions également dans tous nos états. »
La discrimination sous un même toit
Au-delà de cet incident, Nada souligne la « honte » de garder inchangée une telle loi discriminatoire en plein XXIe siècle. « Comment se permet-on de maintenir en vigueur une loi non seulement discriminatoire pour les femmes, mais qui est de nature à séparer des familles ? s’insurge-t-elle. Imaginez la position de ma fille à l’aéroport de Bruxelles : outre sa déception, elle est confrontée au regard étonné d’étrangers qui ne comprennent pas comment son propre pays la prive de faire naturaliser ses enfants. Jusqu’à quand le Liban continuera-t-il de priver les Libanaises de ce droit, sous des prétextes creux comme celui de l’équilibre démographique entre communautés religieuses ? »
Le plus ironique, c’est que cette mère de famille vit au quotidien la discrimination entre hommes et femmes. « Mon propre fils est marié à une étrangère, il a obtenu le passeport libanais pour sa fille en trente minutes, dit-elle. Alors que ma fille souffre toujours… »
Le problème essentiel ne réside donc pas dans les règlements comme celui qui suspend temporairement l’autorisation donnée aux Européens de voyager au Liban, mais dans le fait qu’on interdise toujours aux femmes d’octroyer leur nationalité à leurs enfants au pays du Cèdre, souligne la campagne « Ma nationalité, un droit pour moi et pour ma famille ». « Nous réclamons que soit mis un terme à la discrimination entre hommes et femmes dans toutes nos lois obsolètes, et que l’égalité soit réalisée dans sa forme la plus globale », conclut le texte.
Il n'y a rien de scandaleux, si cette loi était promulguée, tous les réfugiés sur le sol libanais s’engouffreraient dans la brèche, à coup de mariages polygames tant qu'à faire, et les libanais le savent très bien. Cela dit cette histoire de "tourisme " interdit à est étrange, à élucider.....
21 h 52, le 17 juillet 2020