Alors que le pays subit depuis des semaines, en plus de la crise économique et financière, un rationnement en électricité d’une ampleur rare, le ministre de l’Énergie et de l’Eau Raymond Ghajar a annoncé hier dans la presse l’arrivée imminente d’un nouveau navire transportant du carburant destiné à une partie des unités de production gérées par Électricité du Liban (EDL). Il a également annoncé l’arrivée, dès la semaine prochaine, d’un second navire, dont le carburant permettra au fournisseur d’électricité d’augmenter ses capacités d’environ « 1 000 mégawatts » (MW).
Contactées par L’Orient-Le Jour, deux sources proches d’EDL ont fourni des détails sur ces livraisons, qui suivent une première arrivée à bon port la semaine dernière. Une livraison qui n’a toutefois contribué à diminuer le nombre d’heures de coupure que de façon très marginale, pour une amélioration de la production qui n’a pas été ressentie par tous les foyers connectés à l’établissement public. « Ces chargements, venus et à venir, vont permettre à EDL de tenir, mais nous serons loin d’un retour à la normale », indique une des sources interrogées. « (Ils) permettront d’alimenter les centrales pendant quelques semaines tout au plus. Cette durée sera plus ou moins longue en fonction du rationnement imposé, ce qui rend difficile toute projection fiable concernant le nombre d’heures de courant supplémentaires pouvant être fournies en moyenne », précise la seconde. Contactée par L’Orient-Le Jour, la direction d’EDL n’a pas été en mesure de fournir de précisions sur l’impact effectif de ces livraisons à venir sur la production.
Le ministre a, lui, souligné, dans le quotidien al-Joumhouriya, que la procédure pour décharger le carburant et le faire tester dans un centre dédié situé à Dubaï dure plusieurs jours (4 jours sans compter les 48 heures liées aux tests). Des propos qui tranchent avec le discours qu’il tenait il y a une semaine. Le haut responsable avait alors notamment assuré, alors qu’un premier navire venait d’accoster, que la production d’électricité allait s’améliorer « dans les 48 heures »...
Grade A et grade B
Selon les deux sources précitées, un premier chargement assuré via un des deux fournisseurs d’EDL, l’algérien Sonatrach, était donc attendu hier soir. Il transporte environ 50 000 tonnes de « fuel-oil » de « grade A » destiné aux unités de production les plus anciennes sur les sites de Zouk (Kesrouan) et de Jiyé (Chouf), d’une capacité totale d’environ 400 MW. Cette quantité suffira à alimenter les centrales pendant 20 à 30 jours, en fonction du rythme auquel EDL les fera tourner.
Le navire arrivé la semaine dernière – également via Sonatrach – a pour sa part déchargé 35 000 tonnes de fuel-oil, mais de « grade B », un carburant destiné cette fois aux deux navires-centrales opérés par Karadeniz Orhan Bey à Jiyé et Fatmagül Sultan à Zouk ainsi qu’aux unités de production les plus récentes d’EDL sur les deux mêmes sites. La capacité totale des unités que ce premier chargement a permis d’assurer dépasse 600 MW. Mais la quantité livrée sera à peine suffisante pour alimenter les unités concernées jusqu’à la fin du mois, assure la seconde source précitée. Les sources contactées et le service de presse du ministère ont par ailleurs démenti la rumeur relayée sur Twitter indiquant que les autorités libanaises n’avaient pas réglé le carburant contenu sur le navire et l’avaient déchargé de force.
L’arrivée du second chargement annoncé par le ministre, assuré par le deuxième fournisseur du Liban, Kuwait Petroleum Company (KPC), est prévue pour les alentours du 19 juillet par les deux sources précitées, une date que le service de presse du ministère de l’Énergie n’a pas formellement confirmée. Il consistera cette fois en près de 50 000 tonnes de « gas-oil », destinées aux centrales de Deir Ammar (Liban-Nord) et Zahrani (Liban-Sud), qui assurent une capacité totale de 450 MW chacune. Cette quantité ne permettra également à EDL que de tenir entre 20 et 30 jours.
Une des sources interrogées évoque un troisième chargement (via Sonatrach) qui n’a pas été annoncé par le ministre. « Il s’agit d’un nouveau navire de fuel-oil de » grade B «, destiné aux barges et aux moteurs inversés (Reciprocating Engines en anglais, NDLR). Mais aucune date n’a jusqu’à présent été confirmée », relève une des sources. Le chargement devrait en principe graviter autour de 35 000 tonnes, comme le précédent navire transportant du carburant de même catégorie. Aucune information concernant la facture de ces livraisons n’a été communiquée.
Mazout pour générateurs
Le ministre a enfin annoncé dans la presse l’arrivée prochaine de trois navires transportant chacun 30 000 tonnes de mazout qui seront déchargées auprès des installations pétrolières de Tripoli et Zahrani destinées au marché local, un cette semaine et deux la semaine prochaine. Le mazout sert notamment à alimenter les générateurs privés, des agents en principe illégaux mais que l’État a partiellement légitimés et qui fournissent du courant pendant les heures de coupure d’EDL.
Ces dernières ont été si importantes ces dernières semaines que beaucoup d’exploitants de générateurs ont commencé à rationner leur production, plongeant de nombreux foyers libanais dans l’obscurité totale. Si une partie des propriétaires de générateurs a justifié cette mesure par la nécessité de laisser reposer leurs machines, d’autres ont dénoncé une pénurie de mazout, provoquée par la combinaison d’une baisse des quantités importées en raison de la crise et le fait qu’une partie de ces quantités alimente la contrebande à destination de la Syrie. « La contrebande est en baisse depuis l’entrée en vigueur le 17 juin de la loi américaine César (Caesar Syrian Civilian Protection Act) qui sanctionne les personnes et entités aidant le régime syrien. Mais le mazout importé au Liban intéresserait moins les Syriens si son prix était plus élevé », analyse une source proche du dossier. Elle rappelle que les 20 litres de mazout sont vendus 16 300 livres, contre l’équivalent de 24 000 livres en Syrie, sans compter que la Banque du Liban subventionne les importations de carburant via la circulaire n° 530 adoptée à l’automne dernier et qui permet aux importateurs d’échanger leurs livres libanaises contre des dollars auprès de la Banque centrale au taux officiel de 1 507,5 livres, alors que la valeur de la monnaie nationale s’effondre depuis des mois.
commentaires (10)
DANS UN BORDEL IL FAUT S,ATTENDRE A TOUTES LES SURPRISES ET A TOUS LES MALHEURS.
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 59, le 16 juillet 2020