« Un seul armement et non deux. Une seule armée et non deux. Un seul État et non deux. » Tel est le message écrit sur un calicot qu’ont voulu en substance adresser à la France et à la communauté internationale plus de 100 manifestants rassemblés hier dans la matinée devant la Résidence des Pins, pour réitérer la demande d’application de la 1559. La résolution onusienne datant de 2004 exige le désarmement et la dissolution de toutes les milices, ainsi que l’autorité exclusive du gouvernement sur l’ensemble du territoire national. Tout comme le 4 juillet, fête de l’Indépendance américaine, à l’occasion de laquelle plusieurs collectifs avaient organisé un sit-in près du siège de l’ambassade des États-Unis à Aoukar pour réclamer le désarmement du Hezbollah, les mêmes organisateurs ont choisi à bon escient la date du 14 juillet, jour de la fête nationale française, pour ce qu’elle représente comme valeur de souveraineté. Les manifestants étaient plus nombreux hier qu’il y a dix jours, comme si on osait davantage dans les milieux de la contestation à se rallier à la revendication qui reste toutefois taboue ou du moins sensible pour la majorité des organisations du mouvement du 17 octobre. Comme si en outre d’aucuns ont voulu faire écho au patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qui avait appelé dimanche au rétablissement de la souveraineté de l’État plutôt qu’au maintien d’un État qui renonce à son pouvoir de décision. Cela avant l’arrivée attendue à Beyrouth du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Au milieu des nombreux drapeaux libanais brandis, la plupart des présents affichent des pancartes fustigeant le Hezbollah et sollicitant l’assistance de la France. « Non à l’envahissement iranien, oui au désarmement du Hezbollah » ; « Patrie, peuple, armée ; et non armée, peuple, résistance ! » ; ou cet appel à la France : « Je suis très fatigué, aide-moi à me relever », ou encore : « Les intérêts de la France ne doivent pas passer sur le cadavre du Liban et de sa souveraineté ».
Régina Kantara, directrice du Centre mondial de la révolution des cèdres, s’impatiente. « Voilà des années que la France a présenté un projet de résolution qui a abouti à la 1559, mais celle-ci n’a pas été appliquée. Nous demandons donc à l’État français d’élaborer une proposition de résolution complémentaire et exécutoire pour dissoudre les milices pro-iraniennes qui détruisent le pays. » Entendant son discours, Sabri Moustapha, qui se dit de confession libanaise, déplore que « le pays soit livré à l’Iran depuis si longtemps ».
Joan Moukarzel, 38 ans, membre du collectif 128, veut que son pays « ne soit plus sous le contrôle des milices armées ». Il exhibe la lettre qu’il a rédigée avec les membres de son groupe en vue de la présenter à l’ambassadeur Bruno Foucher, et qui contient une mise en garde contre « la menace de changement de l’entité du Liban, de son système démocratique, de sa culture tournée vers la tolérance et l’ouverture, le pardon et l’acceptation de l’autre ». « Toutes les libertés individuelles et publiques sont en danger aujourd’hui », ajoute le texte, qui ne manque pas d’attribuer au Hezbollah une grande partie de la responsabilité au niveau de la corruption dans le pays. « Nous prions la France de prendre les mesures nécessaires pour contrer la corruption répandue dans tous les organismes de l’État, et qui est causée par la domination du parti possédant l’armement illégal et sous totale influence iranienne », selon le texte.
Compte à rebours
À ce propos, Nawal Méouchi, militante active du mouvement du 17 octobre, juge que corruption et armes sont intimement liées. « Une partie couvre la corruption et l’autre les armes », fait-elle constater, estimant que « pour édifier un État souverain, il faut supprimer la corruption et les armes ». L’activiste fait part de son optimisme quant à une prochaine éclaircie dans le pays. « La classe dirigeante a peur ; elle sent que le compte à rebours a commencé, et que sa fin n’est plus très loin », assure-t-elle, notant qu’« elle ne peut plus faire fi des pressions internationales ». Nizar Kadi, un responsable de Mountada, dénonce également la couverture de la corruption par le parti chiite. « Le Hezbollah a évoqué de nombreux dossiers de corruption mais aucun n’a été ouvert. Quiconque tait le droit est un diable muet », martèle-t-il.
À l’exigence d’appliquer la résolution 1559 est venue s’ajouter la nécessité de respecter la 1680 (2006), qui encourage la Syrie à faire suite à la demande du Liban de délimiter la frontière commune conformément aux accords issus du dialogue national libanais ouvert le 14 mars 2006. Ali Zein, 45 ans, travaillant dans la publicité, arbore une affiche : « Délimiter et sécuriser les frontières ». « Les frontières illégales absorbent nos ressources et font fuiter les billets verts », se désole-t-il, accusant le parti chiite de « les préserver pour continuer à faire la contrebande des armes ». À ce sujet, Andrée Maaraoui, la cinquantaine, affirme avoir entendu que « le Hezbollah a asphalté récemment un des 126 passages illégaux, mettant en garde sur un écriteau quiconque voudrait le fermer ».
commentaires (5)
On peut imaginer aisément la réponse des pays amis. Rassemblez-vous peuple libanais et révoltez vous pour qu’on puisse vous aider. Aucun pays ne peut s’improviser sauveur tant que son peuple n’a pas entamer une révolution en bonne et due forme pour sauver son pays. Où sont tous les opposants au pouvoir? Où sont nos penseurs nos élites nos libanais fortunés pour débarrasser le pays de ces sangsues qui sucent le sang des citoyens? En réponse à tout cela ils s’exilent en attendant que la mère patrie meurt ou ressuscite pour revenir ou pas selon leurs intérêts. Tant que des millions de libanais ne sont pas dans la rue il ne faut rien espérer des autres.
Sissi zayyat
13 h 12, le 15 juillet 2020