Le Conseil des ministres prévu demain mardi à Baabda sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun, abordera plusieurs questions épineuses, dont un plan gouvernemental exposant la politique à suivre dans la perspective d’un retour des réfugiés syriens chez eux. Le texte est élaboré par le ministère des Affaires sociales et préconise « une collaboration avec le régime syrien ». En mettant sur les rails ce plan, le Liban officiel tente d’adresser un message fort à la communauté internationale, pour réaffirmer son attachement à un retour des réfugiés syriens chez eux, le plus rapidement possible, indépendamment d’une solution politique à la crise syrienne. D’autant que celle-ci tarde à venir et que le Liban traverse la pire crise économique de son histoire moderne.
Mais dans les milieux hostiles au pouvoir en place, la réunion de mardi suscite une certaine inquiétude, tant l’on craint que le texte proposé ne serve d’instrument pour un rétablissement du dialogue avec le régime de Bachar el-Assad. Si cette hypothèse venait à se confirmer, il faudrait s’attendre à une relance du houleux débat autour d’une normalisation des rapports libano-syriens, sous prétexte de coordination avec le régime Assad pour résoudre la crise des réfugiés. Une option que l’opposition continue de rejeter et qui risque, si le Liban s’aventure à la concrétiser, de l’exposer aux sanctions prévues dans le cadre de la loi américaine César du 17 juin, qui impose des sanctions au régime de Bachar el-Assad et à toute personne ou entité coopérant avec lui.
Préconiser un rétablissement des relations avec Damas n’est pas, évidemment, passer à l’acte. Mais au sein du gouvernement, certains croient toujours qu’un dialogue avec la Syrie est incontournable pour un règlement du dossier des réfugiés. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Kassem Abi Ali, coordinateur du programme gouvernemental de réponse à la crise syrienne au sein du ministère des Affaires sociales, estime ainsi « naturel » de coordonner avec le régime syrien dans le cadre de cette affaire, « dans la mesure où c’est l’État syrien qui est responsable de ses citoyens ». « Nous ne voulons pas nous noyer dans des débats à caractère politique. Ce qui nous importe le plus, c’est le retour des réfugiés en Syrie », lance-t-il.
Prié d’exposer les grandes lignes du plan, Kassem Abi Ali commence par préciser que le texte soumis à l’examen du Conseil des ministres n’est autre qu’une version amendée du plan élaboré par le ministère d’État pour les Affaires des réfugiés sous le gouvernement de Saad Hariri. « Notre projet est conforme aux lois internationales en vigueur. Il est principalement axé sur le droit des réfugiés à préserver leur liberté », explique-t-il, avant d’ajouter : « Le plan prévoit un retour échelonné des réfugiés syriens et préconise la collaboration avec le régime syrien. » Ne souhaitant pas entrer dans ce qu’il estime être « les détails techniques » du plan, M. Abi Ali insiste sur la nécessité d’assurer les conditions de retour des réfugiés dans les plus brefs délais. « C’est pour cette raison que nous avons accompli notre devoir en mettant sur pied un projet pour résoudre le problème de la présence massive des Syriens au Liban. Et c’est une première », conclut-il.
« Un texte politique »
Ce que les milieux gouvernementaux perçoivent comme un accomplissement à mettre à l’actif du ministre des Affaires sociales, Ramzi Moucharrafié, ne semble toutefois pas satisfaire les experts en matière de politiques publiques et des réfugiés. Ziad el-Sayegh, l’un de ces experts qui a eu la possibilité de prendre connaissance du plan, note d’ores et déjà ce qu’il qualifie de failles significatives dans le projet du ministère. « Le plan ne répond pas à certaines questions fondamentales, telles que le nombre de réfugiés résidant au Liban », s’alarme-t-il, interrogé par L’Orient-Le Jour. Le projet Moucharrafié évoque le chiffre de 1,5 million de réfugiés, alors que le Haut-Commissariat pour les réfugiés s’en tient à près de 980 000, note-t-il.
Sur un autre registre, M. Sayegh explique que « tout plan portant sur une question aussi épineuse que celle des réfugiés devrait comprendre deux volets, l’un consacré à la gestion de la crise et l’autre à celle du processus de retour ». Or, poursuit l’expert, « en ce qui concerne la gestion de la crise, l’État a terriblement manqué à ses responsabilités en ne fournissant pas de chiffres exacts sur le nombre de Syriens présents au Liban ». « De plus, le plan ne distingue pas entre les réfugiés et les travailleurs syriens, leurs conditions étant différentes. Il ne définit pas, en outre, le rôle des autorités locales, en l’occurrence les municipalités, dans la gestion de la crise des réfugiés », précise M. Sayegh, indiquant que le plan de Ramzi Moucharrafié occulte aussi le protocole de coopération entre l’État libanais et le Haut-Commissariat pour les réfugiés ».
Ziad el-Sayegh souligne également que des centaines de réfugiés syriens peuvent d’ores et déjà rentrer dans certaines régions contrôlées par le Hezbollah, telles que Zabadani, le Qalamoun et le Qalamoun-Ouest. « Mais pour le moment, personne n’en parle, pour des motifs politiques », souligne-t-il. Déplorant le fait que le plan « ne respecte pas les critères scientifiques », il souligne que le texte ne prévoit pas non plus une phase transitoire durant laquelle des centres d’hébergement devraient être établis en zones frontalières.
Autant de points qui incitent M. Sayegh à estimer que le plan « n’est qu’un texte politique visant à exercer des pressions dans le sens d’une normalisation des relations libano-syriennes, et non à régler, réellement, la question des réfugiés ».
commentaires (7)
Des dizaines de milliers de jeunes femmes parmi les réfugiés syriens font un enfant tous les neuf mois . Des machines à pondre incontrôlées par les ONG qui les encouragent à rester au Liban sans toutefois les initier à mettre des limites au taux de natalité . c'est ce qui explique les discordances dans le nombre exact des réfugiés implantés au Liban depuis 2010.
Hitti arlette
16 h 51, le 13 juillet 2020