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Nos Lecteurs ont la Parole

J’observe de loin et je rêve d’un pays !

Je suis là, figée, suspendue aux cordes de l’incertitude, j’observe de loin…

J’observe de loin mon pays noyé dans les tumultes du feu.

J’observe de loin des gens immobilisés, essoufflés et visiblement épuisés.

J’observe de loin mes parents vieillir et les paroles de mon père résonnent dans ma tête : « Ils nous ont tout pris, ils nous ont volé nos rêves, nos enfants et notre vie… »

J’observe de loin et mon cœur s’effondre, mon angoisse augmente chaque jour et je me sens impuissante.

J’observe de loin mes nièces et neveux grandir, loin de leur cousin, et comment expliquer à mon fils que la terre natale de ses parents est un danger pour lui ? Comment lui expliquer qu’il est devenu étranger, « chez lui », où il devrait être en parfaite sécurité.

J’observe de loin une guerre sociale et économique qui voit souffrir une jeunesse des moins patriotiques, privée d’un présent et d’un avenir…

Je regarde, je lis, j’écoute, je souffre en silence et je m’arrête à chaque instant pour essayer de recommencer mais je n’y arrive pas…

J’observe de loin et ma rage augmente, les cris de désespoir et de déchirement surgissent dans les débats de chaque expatrié libanais, privé de son droit le plus ultime, avoir un « home », un « chez-lui », une « terre ».

J’observe de loin et jen ’aurais jamais pu imaginer, dans le plus profond de mes cauchemars, que je pourrais passer un été sans me rendre au Liban…

Que je pourrais m’en passer de cet accueil à l’aéroport, de la tabboulé de mam, de l’énergie de pap, de ces dimanches à la montagne à respirer la nature, de ces retrouvailles de la grande famille autour de la table de mezzé où tout le monde se regarde, gossip, se juge, et te balance un « neshane chway ma hek ? » mais ces rencontres restent sacrément belles !

Je n’aurais jamais pu imaginer que je pourrais me passer de ces soirées avec ces mêmes copains, qui sont toujours là, au-delà des crises et au-delà de tout, ceux qui connaissent par cœur les restos branchés et les meilleurs spots de la ville…

Et si seuleuement, si seulement je pouvais faire table rase, changer le cours de l’histoire, agir, changer le monde pour qu’il ressemble aux contes que je raconte à mon fils avant de dormir, ces belles histoires où il y a toujours un chasseur, un prince, un super-héros qui va sauver l’humanité.

Je raccroche le téléphone, j’essaye de calmer mon âme agitée par les voix fatiguées et dégoûtées de mes parents, je reprends mes forces, je retiens mes larmes et je pense à cette fameuse citation d’Amin Maalouf : « Moi, je ne suis allé nulle part, c’est le pays qui est parti. »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Je suis là, figée, suspendue aux cordes de l’incertitude, j’observe de loin… J’observe de loin mon pays noyé dans les tumultes du feu.J’observe de loin des gens immobilisés, essoufflés et visiblement épuisés.J’observe de loin mes parents vieillir et les paroles de mon père résonnent dans ma tête : « Ils nous ont tout pris, ils nous ont volé nos rêves, nos...

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