Deux banques libanaises – Crédit libanais et Fransabank – sur les dix opérant en Irak – avec Bank Audi, Banque libano-française, Bankmed, BLOM Bank, Byblos Bank, IBL Bank, MEAB et la BBAC – vont bientôt cesser leurs activités dans ce pays, ont indiqué plusieurs sources concordantes à L’Orient-Le Jour, confirmant des informations relayées samedi par le site irakien al-Aalam al-Jadid. Ce dernier avait notamment publié deux documents datés du 28 juin émanant de la Banque centrale d’Irak (BCI) attestant de son approbation de la décision des conseils d’administration respectifs des deux établissements concernés. « Fransabank a bien fait une demande à la Banque centrale irakienne pour fermer ses filiales et a reçu le feu vert », a notamment confirmé une source au sein de la banque. Aucun calendrier n’a pour l’instant été communiqué. Une source interne au Crédit libanais a également confirmé la fermeture de cette banque en Irak.
Situation « pas mauvaise »
Interrogée sur les raisons ayant motivé cette décision, la source à Fransabank a indiqué que la direction de la banque avait réévalué la nécessité de maintenir sa présence en Irak après la publication de plusieurs « recommandations et réglementations déjà adoptées ou annoncées » par la Banque centrale irakienne et qui modifient durablement certains paramètres importants liés aux conditions d’activité sur place. « La BCI a en effet dicté de nouvelles règles qui changent la donne pour certains établissements », confirme une autre source bancaire.
« La première règle, récemment adoptée, concerne le montant des actifs inscrits au bilan des établissements étrangers opérant en Irak et qui devra être de 210 millions de dollars minimum à fin 2021 », énonce-t-elle. « Or à fin mars 2020, seuls trois établissements sur les dix, soit BBAC avec 490 millions de dollars, Byblos Bank avec 408 millions et Bank Audi avec 299, étaient dans les clous à ce niveau », ajoute-t-elle. Les trois établissements cités ont confirmé les montants qui leur ont été attribués par la source précitée. Toujours selon cette dernière, les actifs des banques libanaises en Irak (Kurdistan irakien inclus) totalisaient 1,88 milliard de dollars à la même échéance.
Mais il ne s’agit pas de la seule décision contraignante poursuit la source. « La BCI exige également que 70 % des dépôts en devises dans une banque établie en Irak – étrangère ou locale – soient enregistrés sur le territoire irakien, contre 30 % maximum pouvant être placés dans des banques correspondantes », relève-t-elle. Cette règle, qui devait être appliquée avant fin 2019, permet toutefois aux banques de ne pas comptabiliser 50 % des fonds affectés pour les lettres de crédit et les lettres de garantie dans le total. La source évoque une troisième règle qui interdit aux banques étrangères opérant en Irak de déposer des fonds dans des banques correspondantes dont la notation est inférieure à « B » (sur une échelle où les notes évoluent généralement entre AAA et D, sauf pour certaines agences de notation). « C’est sans doute là que le bât blesse le plus, vu que la BCI interdit donc aux banques libanaises de déposer des fonds dans leurs propres établissements au Liban, dont les notations sont proches de “D” en raison de la grave crise que traverse le pays », conclut la source, soulignant que la date limite pour l’application de cette dernière recommandation est fixée au 31 juillet.
Les sources contactées se sont toutefois voulues rassurantes concernant l’avenir des banques libanaises en Irak. « Sans être vraiment florissante, la situation n’est pas mauvaise et les résultats sont assez stables », confie l’une d’entre elles, soulignant qu’une partie des actifs des banques libanaises ayant décidé de quitter l’Irak pourraient être rachetés par celles qui ont décidé d’y maintenir leur présence.
Elle note enfin que la BCI a quasiment fini de restituer les fonds des banques étrangères, dont les libanaises, qui avaient été gelés il y a plus de trois ans par ses antennes dans le Kurdistan irakien dans un contexte de tensions entre Bagdad et les autorités de la province autonome. « Il ne doit rester qu’une échéance ou deux à régler », note-t-elle. Les fonds concernés totalisaient l’équivalent de 90 millions de dollars, et avaient été déposés par les banques libanaises dans les antennes de la BCI à Erbil ou Souleimaniyé. Le lancement du processus de restitution avait nécessité plusieurs mois de négociations entre les représentants de l’Association des banques du Liban chargés de suivre le dossier et les autorités irakiennes.
Malgré les difficultés, le marché irakien reste prometteur pour les établissements étrangers, avec un faible taux d’inclusion financière (personnes ou sociétés possédant un ou des comptes en banque). Ce taux serait de 23 % chez les Irakiens de plus de 15 ans, selon l’estimation la plus récente de la Banque mondiale, publiée en 2017 (Global Findex Database). C’est en 2006 que les banques libanaises ont commencé à s’implanter dans le pays dans la période qui a suivi la chute de Saddam Hussein le 9 avril 2003.
La malfaisance de nos banquiers adipeux n'a pas de frontières.
10 h 39, le 07 juillet 2020