Depuis les débuts du déconfinement, le comité du Festival de Baalbeck a travaillé d’arrache-pied sur un grand projet qui a reçu le soutien du président de la République – qui est aussi le président d’honneur du festival depuis sa création –, ainsi que celui des ministres concernés de la Culture, du Tourisme, de la Santé, de même que celui du Conservatoire national libanais. Ce projet intitulé Le son de la résilience s’inscrit dans le cadre de la célébration du centenaire du Grand Liban. Il s’agit d’un concert post-confinement Covid-19, qui aura lieu le 5 juillet à Baalbeck, au cœur du temple de Bacchus, sans public, avec les mesures nécessaires de distanciation physique pour protéger les 130 participants. Filmé par la chaîne libanaise LBCI, la retransmission se fera en direct et sera relayée par toutes les chaînes libanaises, ainsi que sur les réseaux sociaux. Nous sommes aussi en partenariat avec une chaîne arabe et en négociations avec une chaîne européenne. Le concept, la direction artistique ont été élaborés par maestro Harout Fazlian qui dirigera un répertoire libanais et occidental. Jean-Louis Mainguy signera la scénographie. L’Orchestre philharmonique libanais avec les chœurs de l’Université antonine et de la Notre Dame University (NDU) seront au cœur de cet événement musical. Le Festival de Baalbeck, étendard culturel du Liban, cherche ainsi à insuffler un message clair : la culture doit survivre. Elle constitue un moteur de créativité, de solidarité, de résilience, de vie. Certaines personnes pensent que, parce que le pays va très mal, le moment n’est pas opportun. À ces personnes, nous répondons que la musique et la culture en général ont toujours été un secteur dynamique qui doit continuer à produire. C’est un message de foi... Malgré les graves problèmes que traverse le Liban, nous devons nous battre pour que l’industrie culturelle reste le fleuron du pays. Nous avons tellement de talents qui veulent s’exprimer ! Notre rôle est de continuer à nous réinventer, en espérant qu’un jour nous obtiendrons une réelle politique de soutien au secteur culturel. Un secteur qui alimente, dans le cas des festivals, les secteurs touristique et socio-économique de toute une région. Pour ce concert sans public, les artistes et tous les partenaires vont offrir leur temps et leurs compétences sans rémunération, pour soutenir cette initiative positive. Nous sollicitons également les ambassades sensibles à la culture pour relayer notre message. La liste des institutions et des personnes qui soutiennent ce projet est très longue, nous les remercierons un à un dans toute notre communication pour mettre en évidence la solidarité qui s’est créée autour de ce concert unique en son genre.
Avant la pandémie et le confinement qui ont chamboulé la programmation de tous les festivals, aviez-vous préparé un programme pour l’été 2020 ?
Avant la pandémie, nous avions décidé d’organiser deux grandes soirées. Nous avions reçu en décembre une délégation de Baalbeck pour nous rappeler l’importance socio-économique du festival pour la ville et ses habitants.
Nous préparions depuis deux ans la venue de l’Orchestre national d’Île-de-France. Nous étions en contact avec Valérie Pécresse et avions des échanges réguliers avec la directrice de l’orchestre, Fabienne Voisin, pour la coordination de ce beau projet. Le programme comprenait la 9e symphonie de Beethoven, pour l’année Beethoven, et, en première partie, une composition libanaise. Ce concert a été directement impacté par la pandémie et donc reporté sine die. Nous avions une seconde soirée en préparation pour célébrer les cent ans du Grand Liban, avec de grands artistes libanais. Des projets donc d’envergure, qui reflétaient les deux missions artistiques du festival : encourager la création libanaise et mettre sur scène des spectacles internationaux. Tout a été mis en pause. Mais, malgré le confinement, le comité a continué ses réunions virtuelles. Nous essayons en permanence de nous réinventer.
En effet, le festival est resté très actif sur les réseaux sociaux…
Nous avons commencé, dès le début du confinement, à animer nos réseaux sociaux, en reprenant des extraits de concerts des 10 dernières années. Notre banque de données est très fournie avec de très belles vidéos. Surtout lorsqu’il s’agit des productions récentes.
Si nous devions jeter un regard dans le rétroviseur sur l’édition 2019 du Festival de Baalbeck, quel bilan en tirez-vous ? Des difficultés commençaient-elles déjà à se faire sentir ?
La politique du comité du festival est de planifier son budget en fonction des moyens qu’il a (subvention de l’État, sponsors et projection de la billetterie). Ces dernières années, nous avons dû baisser nos ambitions financières, tout en préservant la qualité artistique et surtout les créations artistiques. Les nouveaux décrets ministériels sont très pénalisants pour les festivals. Une bonne chose est la mise en place d’une classification claire des festivals en fonction de leur ancienneté, leur continuité, la diversité et le niveau culturel des spectacles et le lieu historique où il se tient. Mais l’annulation du tarif réduit des visas pour les artistes étrangers, la décision de soutenir, par le biais des festivals, la Caisse mutuelle des artistes, et dernièrement le nouveau décret qui préconise de couvrir deux tiers des pertes (avec un plafond bas) au lieu du tiers du budget comme avant sont des signes avant-coureurs qui annoncent la fin de la plupart des festivals. De plus, les promesses de subventions sont constamment revues à la baisse et payées avec de longs retards qui atteignent plusieurs années. Aujourd’hui, avec la crise économique, financière et sanitaire, le problème est amplifié, les sponsors (à part quelques très rares mécènes) sont absents. Nous sommes une institution, avec des salariés que nous voulons protéger. Nous avons quelques réserves minimes, mais après ?
commentaires (5)
BRAVO. cette date historique de la célébration centenaire du grand Liban est passée sous silence grâce à notre président patriotique. Le Liban restera ouvert à la culture et aux pays civilisés et rejettera en bloc tous les nantis obscurantistes et les envieux qui veulent le fermer au monde pour mieux le massacrer.
Sissi zayyat
18 h 34, le 23 juin 2020