
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Photo d'archives Mohamed Azakir/Reuters
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a pris ses distances samedi avec la proposition du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dont il est pourtant l'allié, selon laquelle le Liban, qui traverse sa plus grave crise économique, financière et monétaire en 30 ans, devrait se tourner vers l'Est alors que le gouvernement a entamé des négociations avec le Fonds monétaire international.
"Si nous perdons l'option du FMI, nous perdrons toute possibilité de financement occidental et la livre libanaise s'effondrera dans un scénario à la vénézuélienne. Nous serions obligés alors de nous tourner vers l'Est, mais qui a dit que cela était notre choix ?", a déclaré M. Bassil lors d'une conférence de presse. "Nous ne voulons pas tourner le dos à l'Occident. Nous voulons que notre pays soit équilibré. Nous voulons qu'il reste enraciné en Orient et qu'il maintienne ses relations avec son voisinage, mais qu'il ait toujours les yeux tournés vers l'Occident", a-t-il affirmé.
Néanmoins, il a déclaré qu'"attendre une solution de l’étranger s'apparente à une mort lente". "La situation représente une grande opportunité pour le Liban de changer son économie", a-t-il ajouté.
Dans ce cadre, le chef du CPL a insisté sur la nécessité d'assurer la stabilité économique et monétaire, alors que le dollar s'est envolé face à la livre libanaise ces dernières semaines. "Assurer la stabilité monétaire passe par des mesures dont la Banque du Liban porte la responsabilité. Elle ne doit pas se limiter à une injection limitée de dollars, qui est inutile sans mettre un terme à la spéculation et sans une dédollarisation progressive de l'économie", a affirmé M. Bassil.
La récente envolée du dollar face à la livre libanaise a suscité un vent de colère qui a remobilisé la contestation à coups de manifestations tendues, émaillées d'actes de vandalisme et de tensions communautaires. Face à cela, les autorités ont décidé d'une batterie de mesures pour tenter de réguler le marché des changes.
Le leader aouniste est en outre revenu sur la loi César qui impose des sanctions au régime syrien et à toute personne ou entité coopérant avec lui. "Nous ne voulons pas entrer en confrontation avec les Etats-Unis, mais préserver notre amitié", a déclaré M. Bassil. "La loi César n'est pas une loi internationale, mais les Etats-Unis ont les capacités de l'imposer. S'il venait à le faire, cela impliquerait la fermeture des frontières et un alourdissement du fardeau des réfugiés syriens, car d'autres viendront au Liban pour échapper à la détérioration de la situation économique en Syrie", a-t-il ajouté. "Les Etats-Unis et l'Iran finiront par trouver un accord, même après une guerre, et cela changera beaucoup de choses et nous soulagera. je ne dis pas qu'il faut attendre que cet accord intervienne, mais que nous devons rester debout en appliquant des réformes".
"Je ne veux pas être président"
Sur le plan politique, le leader du CPL a assuré qu'il ne voulait pas être président de la République, mais qu'il désirait plutôt combattre la corruption, dénonçant un "complot économique" visant le Liban et son gouvernement, Il a également estimé que sa formation, fondé par le chef de l'Etat dont il est le gendre, est la cible d'un "assassinat politique de masse".
"Le Liban passe d'un épreuve à l'autre, a-t-il affirmé. La dernière en date est la tentative de renverser le gouvernement dans le cadre d'un complot économique visant le Liban que nous avions prévu et que nous avons baptisé le '13 octobre économique'", a-t-il déclaré, en référence au 13 octobre 1990, date de l’éviction du palais de Baabda de Michel Aoun, alors chef du gouvernement de transition.
M. Bassil appelle le cabinet de Hassane Diab, formé après la démission de Saad Hariri "qui a fui devant ses responsabilités", et parrainé par le Hezbollah et ses alliés, dont le CPL, à "rester sur le qui-vive pour empêcher les tentatives de torpiller le changement". "Nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à retirer notre confiance au gouvernement alors qu'il agit et qu'il n'y a pas d'alternative, de même que nous ne sommes pas prêts aussi à entraîner à nouveau le pays dans le vide et l'inconnu, comme cela s'était produit avec les précédents gouvernements", a estimé le leader aouniste.
"Je ne veux pas être président. Nous voulons combattre la corruption", a lancé Gebran Bassil, auquel on prête des ambitions présidentielles, avant de revenir sur plusieurs dossiers sur lesquels le CPL fait l'objet d'accusations. Balayant les accusations de partage du gâteau dans les dernières nominations administratives et défendant le choix du président Aoun de renvoyer le décret des nominations judiciaires, le chef du CPL a réaffirmé qu'il était en faveur de la construction de "non pas une centrale électrique, mais deux, à Selaata", dans le caza de Batroun dont il est l'un des députés, pour assurer l'alimentation en courant électrique 24 heures sur 24. Il a également appelé les habitants de Bisri, où la construction d'un barrage crée la controverse, à ne pas "gâcher l'opportunité" que ce barrage représente."Je dois retenir nos partisans, dont je comprends la colère, de ne pas s'en prendre à ceux qui s'en prennent à nous", a déclaré M. Bassil. Il a appelé en outre au retour des "honnêtes gens" au sein du mouvement de contestation, confisqué selon selon lui par des "voyous". "Personne ne peut empêcher le CPL de dire la vérité. Nous sommes la cible d'un assassinat politique de masse", a-t-il estimé.
"Si notre projet venait à échouer, c'est l'Etat qui serait renversé. Avec la fin de l'Etat, c'est la fin de notre existence, sauf si leur projet est que les milices reprennent la place de l'Etat, et les mini-Etats celles du Grand Liban", a-t-il ajouté, assurant que "les lignes de démarcation ne reviendront pas". Rejetant toute sédition entre sunnites et chiites, et entre chrétiens et musulmans, M. Bassil a déclaré que le dialogue national élargi prévu à Baabda jeudi prochain "vise à éviter la sédition".
Le chef des Marada, Sleimane Frangié, candidat malheureux à la dernière présidentielle et critique du mandat Aoun et du CPL, a réagi sur Twitter : "Ne blâmez pas le loup pour son attaque. Le berger est l'ennemi du mouton".
Dommage qu'on arrive à laisser un tel caméléon s'exprimer de plus en plus pour ne rien dire. De quels minis états il parle? Est il aveugle? Ce sont toujours les minis états, dont il fait parti, qui précipitent le pays dans le chaos.
18 h 49, le 21 juin 2020