Rechercher
Rechercher

Culture - Interview postconfinement

Roula Abdo : Je vais être encore plus militante dans mon art

L’auteure de la célèbre peinture murale « We Shall Pass » (« Nous passerons ») – ces mains qui repoussent, en trompe-l’œil, les blocs de béton qui ferment l’accès au Parlement – continue de faire parler les murs, même ceux de sa maison, des sujets du jour : révolte, pauvreté, famine, enfance en détresse, et crises sanitaire et économique enchevêtrées ...

Roula Abdo : Je vais être encore plus militante dans mon art

Roula Abdo, artiste activiste. Photo DR

Comment avez-vous vécu ces mois de réclusion sanitaire pour cause de Covid-19 ?

J’ai essayé de vivre le plus positivement possible cette période d’isolement forcé. J’en ai profité pour passer plus de temps avec ma mère. Et, au niveau artistique, je me suis livrée à de nouvelles expérimentations de techniques et de matières…

Qu’avez-vous découvert, expérimenté, appris de nouveau ou encore tiré comme enseignements de cette période d’isolement et de temps au ralenti ?

Cette période m’a appris plein de choses sur moi-même et sur les autres. J’ai découvert mon mode de fonctionnement dans des situations de changements drastiques. J’ai observé les réactions de certaines personnes autour de moi et j’ai constaté que chacun d’entre nous a le potentiel d’être autosuffisant dans certains domaines et moins dépendant de la société de consommation.

J’ai vraiment tiré plein de leçons de ce confinement. La plus importante étant celle d’apprendre à revenir à l’essentiel. J’ai réalisé combien nous nous étions perdus dans un tourbillon d’activités, combien nous nous étions attachés à des choses dérisoires au point de perdre de vue ce qui est réellement important dans la vie.

Et finalement, je pense que cela a été une bonne chose de s’arrêter un moment, de prendre le temps de regarder un peu en arrière et de réfléchir plus profondément à nos choix, nos orientations. Et puis je me suis mise aussi à l’agriculture... J’ai planté des herbes et des légumes sur mon balcon en prévision des jours à venir (rires).

La peinture sur le thème de « L'enfance aux rêves fracassés » que Roula Abdo a réalisée dans le cadre de la compétition Toward Tomorrow lancée par les Nations unies.


Cette pandémie vous a-t-elle inspiré une œuvre murale ou une série de peintures ?

Vu que j’ai passé beaucoup de temps dans mon studio, j’ai évidemment réalisé quelques œuvres. Moi qui ai toujours privilégié l’expression des états d’âme dans mes peintures, cette période ne pouvait que m’inspirer. Je me suis mise à peindre spontanément. Sans aucun thème préétabli, sauf celui de mettre dans mes toiles ma perception de ces bouleversements si soudains, si énormes, auxquels toute une humanité est confrontée. J’ai commencé par une figure de femme, le visage appuyé entre les mains, le regard rempli de désarroi, que j’ai entourée de coups de pinceau multicolores et chaotiques pour exprimer l’état de trouble et d’attente inquiète qui nous submerge tous face à cette situation sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. J’ai fait une petite série sur ce registre. Et puis j’ai participé à Toward Tomorrow, une compétition lancée sur Instagram par l’Organisation des Nations unies et qui vise à promouvoir à travers des œuvres d’artistes l’un des 17 objectifs de développement durable qu’elle poursuit en réalisant chez moi, sur un parapet de mon balcon, une peinture murale sur le thème de l’enfance aux rêves fracassés dans ce pays. C’est un sujet que j’ai déjà traité dans des œuvres publiques, notamment à Tripoli, et qui me tient particulièrement à cœur…

Lire aussi

Roula Abdo veut fendre les murs de la peur...

Pensez-vous que l’après-Covid-19 ressemblera à l’avant ? Qu’est-ce que cette crise va changer à votre avis ?

Je suis convaincue que le monde ne sera plus comme avant. Cet ennemi invisible, qui nous a déjà imposé de nouveaux comportements quotidiens, va certainement induire des changements, non seulement dans nos modes de vie, mais aussi dans notre façon de penser. Je ne vois pas le Covid-19 se résorber dans un futur immédiat. Il va donc falloir s’y adapter. On va ainsi aller vers une société plus consciente de l’importance des mesures d’hygiène, de l’écologie et de la santé… Je l’espère, du moins. Et puis, cette quarantaine que nous avons été obligés de vivre nous a démontré qu’il était nécessaire de ralentir le rythme de temps en temps. Ça, c’est pour les bons côtés ! Malheureusement, il y a aussi des aspects beaucoup moins positifs, notamment aux niveaux économique et des déplacements... que l’on va ressentir encore plus douloureusement au Liban qui souffre déjà d’une crise sans fond.

L'une des dernières murales publiques de Roula Abdo, réalisée à Hamra en collaboration avec Mary Shammas, à l'instigation de Art of Change.

Comment voyez-vous évoluer votre avenir d’artiste après cette double crise sanitaire et économique que traverse le Liban ?

Honnêtement, il est très difficile d’envisager l’avenir en ce moment. Alors que j’avais commencé l’année sur les chapeaux de roue, avec plein de projets d’œuvres et d’expositions, tout s’est arrêté net. Même la murale portraiturant deux grandes figures féminines des lettres et des arts libanais, Emily Nasrallah et Huguette Caland, que j’ai réalisée en collaboration avec Mary Shammas et à l’initiative de Art of Change, à Hamra, n’a pu être inaugurée officiellement. La crise économique, doublée de l’arrêt dû à la pandémie, m’a touchée financièrement de plein fouet. L’art n’étant pas un produit de première nécessité dans un pays aux portes de la famine, j’ai dû renoncer à mon grand atelier, faute de rentrées d’argent suffisantes pour continuer à en payer le loyer. Je continue néanmoins à travailler dans un petit studio que j’ai aménagé chez moi. Car je ne veux pas arrêter de peindre, de créer et de rêver de jours meilleurs au Liban.

Je suis une artiste activiste et, à ce titre, je ne renoncerai pas à faire un art encore plus militant, à traiter de sujets humanitaires dans mes peintures murales et sur toiles. Bref, je suis déterminée à me battre jusqu’au bout pour poursuivre ma carrière au Liban. Est-ce que je ne fais que retarder l’échéance du départ ? Est-ce que je finirai par baisser les bras et rejoindre la moitié de la population libanaise qui veut émigrer ? L’avenir le dira…

Comment avez-vous vécu ces mois de réclusion sanitaire pour cause de Covid-19 ? J’ai essayé de vivre le plus positivement possible cette période d’isolement forcé. J’en ai profité pour passer plus de temps avec ma mère. Et, au niveau artistique, je me suis livrée à de nouvelles expérimentations de techniques et de matières…Qu’avez-vous découvert, expérimenté, appris de...

commentaires (2)

https://www.streetartfest.org/ J.P

Petmezakis Jacqueline

10 h 09, le 20 juin 2020

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • https://www.streetartfest.org/ J.P

    Petmezakis Jacqueline

    10 h 09, le 20 juin 2020

  • ne quittez pas le Liban quia besoin de jeunes comme vous;mais si vous avez besoin de vacances ,bienvenue! J.P

    Petmezakis Jacqueline

    08 h 16, le 20 juin 2020

Retour en haut