« Rien n’est plus beau que la liberté ! » lançait le 11 juin 2019 Nizar Zakka depuis le palais présidentiel de Baabda, après son retour d’Iran où il avait été détenu durant trois ans, huit mois et 24 jours. Un an plus tard, ce Libanais détenteur d’une green card américaine est retourné aux États-Unis où il milite contre l’influence iranienne. Il s’est engagé sans relâche en faveur des détenus dans les prisons iraniennes mais également des 622 Libanais disparus en Syrie, pays allié de l’Iran.
« Ma façon de voir l’État iranien a beaucoup changé depuis ma détention. C’est un État malveillant, sans cœur. Les responsables iraniens savent qu’ils sont en train de commettre une erreur et continuent de le faire sans remords », dénonce Nizar Zakka dans une interview à L’Orient-Le Jour. Il avait été arrêté en septembre 2015 à Téhéran alors qu’il était invité par la vice-présidente iranienne pour les Affaires de la femme et de la famille, Shahindokht Molaverdi, pour prendre part à une conférence sur le développement. « Mon enlèvement est venu dire au monde entier que l’Iran est contre l’ouverture. Les autorités iraniennes ont peur qu’en s’ouvrant sur le monde, elles ne puissent plus contrôler le peuple. »
La visite de deux Libanais…
De ces années de détention, ce qui lui reste en travers de la gorge, c’est une visite en prison de « deux Libanais », des membres du Hezbollah dont il ignore l’identité. « Ils m’ont dit qu’ils savaient tout sur moi, et m’ont interrogé au sujet de mon implication avec le mouvement civil “Vous puez !” (un collectif né dans la foulée de la crise des déchets, durant l’été 2015, au Liban), se souvient-il. Puis ils m’ont dit que si je voulais sortir de prison, je devais m’engager à travailler avec eux et me faire filmer en train de reconnaître tout ce qu’ils veulent. » « Ça m’a beaucoup frustré de voir que des Libanais ne se tenaient pas à mes côtés. Quelle honte ! »
En 2016, Nizar Zakka se voit condamné par la justice iranienne à 10 ans de prison pour « intelligence » au profit de Washington. « Même le jour de mon retour au Liban, on m’a demandé, via (le directeur de la Sûreté générale) Abbas Ibrahim, de signer un papier reconnaissant que je suis coupable. J’ai refusé. »
De nombreuses questions se sont posées il y a un an concernant les circonstances de sa libération. L’Iran affirme alors qu’il s’agissait d’un « cadeau » au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. « Ma libération était une main tendue aux États-Unis. Le faire par le biais du Liban était commode pour l’Iran afin de ne pas montrer sa soumission à Washington. D’ailleurs, trois mois plus tard, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, alors qu’il était interrogé au sujet d’Américains détenus en Iran, le président Hassan Rohani a clairement dit que la balle était dans le camp des États-Unis après ma libération. » Quelques jours plus tard, une Iranienne condamnée aux États-Unis, Negar Ghodskani, a été relâchée.
« Personne ne mérite de vivre ce que j’ai vécu », estime Nizar Zakka. C’est pourquoi, après sa libération, alors qu’il est directeur des programmes à PeaceTech, un centre basé à Washington DC, le Libanais a fait sienne la cause des détenus. « Tout ce que j’ai fait cette dernière année, c’est, d’un côté, m’assurer que les personnes qui sont restées emprisonnées dans la prison d’Evin pourront recouvrer leur liberté et, de l’autre, que ce qui m’est arrivé n’arrive à personne d’autre. » C’est ainsi que Nizar Zakka a réuni les familles des personnes enlevées en Iran et a créé avec elles une alliance qui a été lancée en marge de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2019. Il révèle dans ce cadre être en contact avec des détenus d’Evin malgré les menaces des autorités iraniennes. L’autre cause qui lui tient à cœur concerne les Libanais disparus dans les prisons syriennes. « Aucune mère ne mérite de mourir sans connaître le sort de son fils parce que l’État libanais n’a pas fait son devoir », dit-il. Sa propre mère est d’ailleurs décédée alors qu’il se trouvait dans sa prison iranienne.
« Le Caesar Act vient sauver le cabinet Diab »
Pour Nizar Zakka, le Caesar Act (loi César) qui doit entrer en vigueur le 17 juin aidera à connaître le sort des Libanais disparus en Syrie. « Cette loi vise à s’assurer que les responsables libanais ne traitent pas avec le régime syrien. On essaie de présenter cette loi comme étant contre le Liban et la Syrie mais ce n’est pas du tout le cas », note M. Zakka qui a été consulté, en tant que « témoin », par les auteurs de cette loi prévoyant de nouvelles sanctions empêchant la normalisation avec la Syrie. « Nous allons utiliser cette loi pour faire en sorte que tout responsable qui n’œuvre pas pour connaître le sort des disparus soit considéré comme complice du régime syrien », dit-il, assurant que les sanctions prévues par le Caesar Act peuvent être suspendues « si le gouvernement syrien relâche tous les prisonniers politiques et accorde un accès complet aux prisons pour qu’une enquête soit menée par les organisations internationales appropriées ». Selon Nizar Zakka, l’essentiel est de ne pas faire d’affaires avec le régime syrien. « Il faut que la contrebande et les business deals entre des responsables libanais et syriens qui ont monté une mafia ensemble cessent. Toute personne qui fait de la contrebande sera sanctionnée. »
Il estime également que le Caesar Act vient « sauver le gouvernement libanais ». « Si le Premier ministre Hassane Diab subit des pressions pour se rendre en Syrie, alors qu’il ne veut pas le faire, maintenant cette loi est pour lui une excuse pour ne pas y aller », souligne-t-il.
Amer Fakhoury : « Le Hezbollah au courant »
L’influence de Nizar Zakka dans les milieux législatifs et politiques à Washington lui a aussi permis d’intervenir dans l’affaire Amer Fakhoury, cet ex-responsable de la milice pro-israélienne de l’Armée du Liban-Sud, accusé de torture de prisonniers au centre de détention de Khiam, qui a été arrêté, puis relâché par la justice libanaise avant d’être exfiltré depuis l’ambassade américaine à Beyrouth vers les États-Unis en mars dernier.
Il révèle que la sénatrice Jeanne Shaheen, qui a pris fait et cause pour Fakhoury, l’a consulté dans ce dossier. « Aux États-Unis, ce dossier avait atteint un point très avancé, je me devais donc d’expliquer aux politiciens libanais que ce n’était pas un jeu. J’ai organisé des réunions entre eux et l’avocate de Amer Fakhoury et je suis moi-même entré en contact avec les ministres que je connais pour leur expliquer que garder Amer Fakhoury en détention pourrait porter atteinte aux relations entre le Liban et les États-Unis », révèle-t-il.
Selon M. Zakka, le gouvernement libanais a failli, à cette époque, être considéré comme étant celui du Hezbollah. Toutefois, après la libération de Fakhoury, le président Donald Trump l’a remercié. « C’était un changement total de ton et un pas réussi pour le Liban. » Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait alors affirmé que son parti n’était ni impliqué ni au courant d’un éventuel « marché » ayant permis l’abandon des poursuites contre l’ancien tortionnaire. Nizar Zakka assure cependant que « le Hezbollah était au courant » de l’affaire.
Le Hezbollah et l’Iran affaiblis
Pour Nizar Zakka, le Hezbollah est aujourd’hui « fortement affaibli ». Par les sanctions américaines, mais aussi parce que l’Iran a lui aussi besoin d’argent. « Le Hezbollah est même devenu un poids pour l’Iran. En Syrie, son rôle a été réduit et les Russes ne veulent plus de sa présence, résume-t-il. Le Hezbollah qui était un problème régional va redevenir un problème libanais seulement. J’espère qu’il sera prêt à accepter de ne plus être un État dans l’État. »
Quant à l’Iran, il se trouve « dans la position la plus faible qu’il ait jamais connue ». C’est pourquoi, selon lui, avant la présidentielle américaine, « les Iraniens vont essayer de faire un deal avec les États-Unis. Ils se disent que de cette manière Trump pourra se vanter d’avoir fait un bon deal contrairement à son prédécesseur Barack Obama qui a fait, selon M. Trump, le pire accord de l’histoire (sur le nucléaire) ». « Je suis certain que les deux pays aboutiront au final à un accord. Les États-Unis ne veulent pas nécessairement un changement de régime en Iran mais ils veulent que l’Iran soit sous leur aile. C’est important au niveau géopolitique parce qu’aujourd’hui il y a un risque de relier la Chine à la Méditerranée, en passant par l’Afghanistan et l’Iran. » « L’accord entre l’Iran et les États-Unis peut avoir lieu à n’importe quel moment parce qu’il n’y a pas d’énorme point de discorde entre eux – à part le Hezbollah, ajoute-t-il. Ce qu’on voit maintenant, c’est que l’Iran essaie par tous les moyens d’ouvrir des canaux de communication avec Washington. »
Il en veut pour preuve la libération jeudi de l’ancien militaire américain Michael White. Ce dernier « est malade et était considéré vulnérable avec la pandémie du coronavirus. Les Iraniens ne voulaient pas assumer la responsabilité s’il lui arrivait quelque chose. C’est pourquoi ils l’ont remis aux Suisses, révèle M. Zakka. Il y a trois mois, le ministère iranien des Affaires étrangères a contacté l’ambassadeur suisse à Téhéran (qui représente les intérêts américains en Iran) pour l’informer du souhait de l’Iran de libérer Michael White. Ce dernier a passé trois mois à l’ambassade avant de rentrer aux États-Unis. »
Dans l'article d'aujourd'hui de l'OLJ "américains ont pris conscience qu’ils n’étaient pas (tout à fait) « blancs » la pancarte de l'un des manifestants arabes de Dearborn, très probablement d'origine libanaise, disaient que dans des situations d'oppression si l'on reste neutre on se met dans le camp de l'oppresseur... Il n'est plus permit de rester neutre envers les agissements de l'Iran au Liban et envers les Libanais. Si l'arabe de Dearborn le clamé pourquoi pas nous??
15 h 04, le 11 juin 2020