Après les appels au calme du Premier ministre Hassane Diab et des dignitaires politiques et religieux sunnites et chiites samedi soir, le président Michel Aoun et le président du Parlement Nabih Berry ont condamné dimanche les tensions de la nuit dernière qui avaient éclaté suite aux insultes proférées par des chiites contre Aïcha, l'épouse du Prophète vénérée par les sunnites.
"S'en prendre au symbole religieux de n'importe quel communauté libanaise, c'est s'en prendre à la famille libanaise", a déclaré le chef de l’État, qui en a appelé aux "sages qui ont vécu les événements des années 1975-1976". "Ce qui s'est passé hier soir est un signal d'alarme. Ce n'est ni par les insultes, ni par les agressions que nous arriverons à vivre dignement. Personne ne peut l'emporter contre qui que ce soit par la force ou la violence. Notre force réside dans notre unité nationale", a-t-il ajouté. "Nos jeunes ont le droit de réclamer de vivre dignement, mais cela ne doit pas les amener à s'entretuer, provoquer des effusions de sang et s'adonner au mépris du sacré. Ce n'est pas en s'en prenant aux soldats et aux biens publics et privés que nous arrivons à nos objectifs, car tout dérapage sécuritaire ne serait dans l'intérêt de personne", a également déclaré le président. "Nous avons plus que jamais besoin de mettre de côté nos divergences politiques et d’œuvrer rapidement et ensemble à relancer le pays", a-t-il souligné, alors que le Liban traverse sa plus grave crise économique et financière depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
"Voici la discorde qui revient pour assassiner le pays et son unité nationale, et porter atteinte à la paix civile. Prenez garde contre elle", a commenté de son côté Nabih Berry. "S'en prendre aux personnages, aux symboles et aux lieux sacrés chrétiens et musulmans est condamnable", a-t-il ajouté, estimant que "toute action qui vise l'unité, la sécurité, la stabilité et la coexistence des Libanais est une action israélienne". "En cette période délicate, j'appelle l'ensemble des responsables, leaders d'opinion et journalistes libanais à la sagesse", a-t-il conclu.
De son côté, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, a affirmé que l’État civil représente le salut du Liban. "Le respect de l'autre est un engagement moral. L'acceptation de l'autre est un respect de soi. L'éducation civique est essentielle. Le respect des croyances est sacré. Notre système actuel est un générateur de crises. Sa modernisation est un devoir. L’État civil est le salut", a écrit M. Bassil sur son compte Twitter.
Pour sa part, l'ancien Premier ministre Najib Mikati a estimé que les événements de samedi soir ont été "provoqués" et étaient "attendus".
Le coordinateur des Nations unies au Liban Jan Kubis a également réagi aux événements de la veille. "Insulter les figures et les sentiments religieux est une honte et doit être rejeté par tous. La haine et l'intolérance n'ont leur place dans aucune religion", a écrit M. Kubis sur Twitter. "Alimenter les slogans incendiaires et la haine sectaire ne peut avoir qu'un seul résultat : celui d'aggraver les souffrances du peuple, tuer les manifestations pacifiques et leurs revendications légitimes et mettre le feu au Liban", a-t-il ajouté.
Le patriarche maronite Mgr Bechara Raï a, lui, déploré que les croyances religieuses soient la cause de conflits armés, dénonçant le fait que les revendications de la contestation, qui a mobilisé des milliers de personnes samedi, aient été occultées et que "l'expression démocratique s'est transformée en affrontements à coup de jets de pierres, de dégradations de biens, et d'agressions contre l'armée et les forces de sécurité".
De son côté, le cheikh Akl druze reconnu par l'Etat, Naïm Hassan, a appelé à "cesser de jouer avec le feu". Il s'est entretenu dans la journée avec le mufti de la République, Abdel Latif Deriane, et le vice-président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Ali Khatib. Ils se sont accordés sur la nécessité de "renforcer les discours rassembleurs et empêcher la discorde".
L'armée, qui a indiqué que 25 soldats ont été blessés samedi, dont un grièvement, a également mis en garde contre la discorde. "Le pays a surmonté une épreuve qui aurait pu nous conduire vers un glissement dangereux", a estimé la troupe.
Dans la matinée, une des composantes de la contestation à Saïda a aussi condamné les atteintes aux symboles religieux, appelant "les révolutionnaires libres" à "éviter la discorde". Dans un communiqué, cette composante réaffirme que la contestation se poursuivra jusqu'au bout.
Les incidents de samedi ont par ailleurs fait l'objet d'une réunion de sécurité au Sérail, en présence de Hassane Diab, des ministres de la Défense Zeina Acar, de l'Intérieur Mohammad Fahmi et de la Justice Marie-Claude Najm, ainsi que des chefs des différents services de sécurité et de l'armée. Les participants à cette réunion ont souligné l'importance de préserver la stabilité dans le pays et d'empêcher tout incident qui risque de créer des divisions.
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Monsieur Gebran Bassil dont l'ambition présidentielle n'a pas faibli, ne veut pas se rendre compte qu'il est hors jeu et pense pouvoir encore se remettre en selle en enfonçant des portes ouvertes par ses sempiternels slogans auxquels personne, et depuis des années, n'accorde plus le moindre crédit.
Paul-René Safa
09 h 52, le 08 juin 2020