Des manifestants anti-pouvoir dans une rue de Saïda, au Liban-Sud, le 5 juin 2020. Photo prise par le collectif Chabeb al-Masjed.
Plusieurs centaines de contestataires se sont rassemblés vendredi sur la place Elia, à Saïda, un des épicentres du mouvement de contestation du 17 octobre 2019, à la veille d'un grand rassemblement populaire prévu le lendemain place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth. Un rassemblement qu'ils contestent car il vient, selon eux, servir des "agendas précis".
A l'occasion de ce rassemblement intitulé : "La chute de la structure corrompue : élevons la voix contre la politique de corruption", les manifestants se sont rassemblés devant la branche de la Banque centrale dans la capitale du Liban-Sud avant d'organiser "une marche de la colère" dans les quartiers de la ville pour arriver jusqu’à la place Élia. En début de soirée, l'accès à cette place a été coupé par les protestataires.
Selon notre correspondant à Saïda Mountassar Abdallah, cette manifestation vient confirmer les slogans du mouvement de contestation déclenché le 17 octobre 2019 contre la classe politique et économique. Les protestataires réclament notamment le recouvrement des fonds pillés, le combat contre la corruption, une justice indépendante et des élections législatives sans critère communautaire. "Ni Saad (Hariri) ni Hassane (Diab), ni l'Arabie saoudite ni l'Iran", ont lancé les protestataires . Ils ont aussi crié des slogans contre les Forces libanaises ou Nadim Gemayel (député Kataëb). "Les armes sont à nous, les armes sont à nous", ont-ils dit aussi lancé.
Les manifestants portaient des "Keffieh" palestiniens et brandissaient des drapeaux libanais. Ils portaient aussi des masques, étant donné que la pandémie du coronavirus sévit encore au Liban. Sur les banderoles brandies par les protestataires, ont pouvait lire : "Nous voulons un État démocratique et non communautaire ou fédéral" ou encore "oui à un gouvernement de transition" et "non à la confiscation de la décision politique indépendante".
"Agenda particulier"
"Depuis le 17 octobre, nous demandons le recouvrement des fonds et une justice indépendante. Nous voulons que toutes nos demandes économiques et sociales soient réalisées. Cette manifestation a pour but de rappeler aux gens que nous avons encore les mêmes demandes", a déclaré Hoda Hafez, une activiste. "Il semble que la manifestation de demain a un agenda particulier et divise la rue", a-t-elle ajouté assurant que ce sera un échec. Elle s'est prononcée pour les armes "de la résistance", se disant toutefois "contre les armes non contrôlées". "Nous portons les armes de la résistance depuis 1982 et jusqu'à aujourd'hui, et ces armes resteront", a-t-elle dit.
"La manifestation de demain ne nous concerne pas", a dit de son côté Aahed Madi. "Notre manifestation vient aujourd'hui confirmer les slogans du 17 octobre parce certains commencent à avoir leurs propres agendas, a-t-il dénoncé. Les slogans proposés pour la manifestation de demain par certaines parties sont des slogans de guerre civile qui divisent la rue". "Ceux qui lancent ces slogans se cachent derrière la révolution du 17 octobre pour réaliser leurs objectifs et se venger des armes du Hezbollah et de la résistance", a-t-il poursuivi. Dans le même sens, Mahmoud dit avoir été "choqué" de voir les slogans prévus pour la manifestation de demain.
Les protestataires de Saïda ne se sentent pas en phase avec leurs camarades de Beyrouth pour deux raisons principales, selon des sources proches des manifestants : les collectifs à l’origine de l’appel à la manifestation du 6 juin n’ont pas coordonné avec eux, comme à leur habitude, et les slogans proposés pour le rassemblement sur la place des Martyrs ne ressemblent pas à ceux qui étaient brandis par la rue en octobre et novembre dernier, et qui étaient essentiellement axés sur la corruption et la chute de la structure politique qui la cautionne et qui en tire profit. Les organisateurs du rassemblement de Saïda contestent ainsi l’appel à des élections législatives anticipées et à l’application des résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité, qui prévoient un désarmement de tous les groupes armés.
commentaires (4)
"Marche" clairement orchestrée par des partis jaunes, verts et orange qui sentent le vent tourner, à mettre dans un sac poubelle.
Christine KHALIL
10 h 00, le 06 juin 2020