C’est un Conseil de ministres plutôt ordinaire avec des sujets à caractère purement technique qui se tiendra aujourd’hui au Sérail, sous la présidence du chef du gouvernement, Hassane Diab. Du moins, c’est ce que laisse présager l’ordre du jour distribué aux ministres, à moins que certains sujets à ramifications politiques et donc potentiellement litigieux ne s’invitent à la table des discussions. Un cas de figure que certaines sources ont écarté, arguant du fait que les sujets polémiques ou « consistants » sont généralement traités en Conseil des ministres à Baabda sous la présidence du chef de l’État et non au Sérail, comme c’est devenu l’habitude depuis quelque temps. L’affaire hautement controversée de la centrale de Selaata en était l’exemple type lorsque ce dossier a été parachuté, en dehors de l’ordre du jour, à la séance du Conseil des ministres qui s’était tenu vendredi dernier au palais présidentiel.
Il est donc peu probable que le gouvernement planche aujourd’hui sur la question hautement sensible des nominations, en raison du bras de fer traditionnel autour des postes-clés de l’État qui font l’objet d’une répartition politique et communautaire des quotes-parts. Des sujets que le Premier ministre Hassane Diab cherche vraisemblablement à éloigner des réunions de travail de son cabinet, dans l’espoir qu’ils puissent être réglés en amont et dans les coulisses.
Il est un dossier toutefois, particulièrement explosif, qui pourrait malgré tout troubler le Conseil des ministres puisqu’il pourrait aborder, en dehors de l’ordre du jour, la question du fameux Caesar Act adopté en décembre 2019 par la Chambre des représentants américaine et qui entrera en vigueur le 17 juin.
Cette loi vise à sanctionner tout gouvernement, parti politique ou toute entité privée qui aide le régime de Damas ou qui contribue à la reconstruction de la Syrie, ce qui signifie pratiquement que le Liban ne pourra pas échapper à ses effets, par le biais notamment de l’affaire de la contrebande entre les deux pays. C’est d’ailleurs en toute discrétion et loin des projecteurs que le chef du gouvernement a évoqué ce sujet vendredi dernier en Conseil des ministres, souhaitant sonder l’opinion des ministres autour de cette affaire extrêmement sensible.
« Certains, parmi ces derniers, n’étaient même pas au courant de cette loi », indique à L’Orient-Le Jour un analyste politique, soulignant que cette question a embrouillé les esprits de certains membres du cabinet.
La ministre de la Défense, Zeina Acar, qui s’était déjà entretenue avec l’ambassadrice des États-Unis, Dorothy Shea, à ce sujet, avait transmis au cabinet le souhait de Washington, qui observe à la loupe les prestations de l’exécutif, de recueillir une première réaction de sa part sur ce dossier. Un message que le Premier ministre a saisi au vol, d’où sa demande à son équipe d’en débattre collectivement en interne pour en évaluer les répercussions sur le Liban.
Selon la ministre des Déplacés, Ghada Chreim (nommée par le CPL), le gouvernement « pourrait ouvrir aujourd’hui un premier débat à ce sujet ». Une éventualité que son collègue Imad Hobballah (nommé par le Hezbollah) écarte, soulignant que cette affaire « ne sera pas évoquée en dehors de l’ordre du jour, ni aujourd’hui ni dans un proche avenir », une manière de dire que le document ne revêtira à aucun moment un caractère officiel. « Le texte (de la loi) nous a été distribué juste pour que nous en discutions entre nous », dit-il dans un entretien express à L’OLJ.
Qu’elles aient lieu aujourd’hui ou jeudi durant le Conseil des ministres prévu à Baabda cette fois-ci, les discussions sur ce sujet ne manqueront pas de susciter des débats houleux. Les divisions autour de la question de l’ouverture en direction de la Syrie, remise sur le tapis par le camp du 8 Mars qui est revenu à la charge pour prôner une redynamisation des échanges et du transit commercial via Damas, n’ont cessé d’alimenter la controverse depuis l’affaire du trafic illégal à la frontière. La polémique risque de s’envenimer un peu plus à la lumière des craintes répercutées à maintes reprises par le Hezbollah de voir l’étau se resserrer petit à petit autour de lui.
Les nominations reportées
Quant aux nominations prévues dans plusieurs secteurs de l’administration, elles devraient en principe être discutées jeudi, à en croire une source ministérielle. Pour l’instant, les tractations menées en coulisses pour débloquer ce dossier n’ont pas abouti. Outre les nominations destinées à pourvoir les postes de directeur de l’Inspection publique, du ministère de la Santé, de l’exploitation au sein du ministère de l’Énergie, de l’Économie – autant de fonctions qui continuent de faire l’objet de marchandages diverses –, celui de la direction de la police judiciaire pose autant de problèmes.
Convoité par les deux adversaires druzes, le leader du PSP, Walid Joumblatt, qui favorise la candidature du général Ghazi Kiwan, et le député Talal Arslane, qui soutient celle du général Maher Halabi, l’attribution de ce poste, vacant depuis le 14 avril, risque de miner un peu plus le gouvernement. Ce dernier peine à se libérer des menottes que lui ont mises ses parrains politiques, lesquels menacent à tour de rôle de retirer leurs ministres respectifs chaque fois qu’une décision revenant en principe à l’exécutif ne leur convient pas. Un chantage auquel M. Arslane a recouru à son tour dimanche dernier en menaçant de suspendre la participation de sa formation au gouvernement Diab si son candidat, le général Halabi, n’était pas nommé.
« Les droits des druzes ne sont pas une marchandise à vendre ou à acheter sur le marché politique. Nous ne voyons aucune raison pour la non-nomination d’un chef de la police judiciaire au sein des Forces de sécurité intérieure alors qu’il répond à tous les critères, notamment celui de l’ancienneté », a écrit M. Arslane sur Twitter, dénonçant des calomnies à l’encontre du général Maher Halabi.
commentaires (6)
il y a des lignes rouges partout, nous y sommes enfermés, cernés, asphyxiés, le début de la fin? Prions....
Christine KHALIL
13 h 48, le 02 juin 2020