Le Caesar Act est une loi bipartisane qui vise à sanctionner tout gouvernement ou toute entité privée qui aide le régime de Damas ou contribue à la reconstruction de la Syrie. Photo d’archives AFP
Le 17 juin, les États-Unis vont resserrer encore plus leur étau autour du régime syrien avec l’entrée en vigueur du Caesar Act, une loi bipartisane qui vise à sanctionner tout gouvernement ou toute entité privée qui aide le régime de Damas ou contribue à la reconstruction de la Syrie. Alors que le camp prosyrien au Liban multiplie les appels à normaliser les relations avec Damas, cette loi pourrait toucher des personnes et des entreprises libanaises ou établies au Liban.
Toute entreprise internationale qui investit dans les secteurs de l’énergie, de l’aviation, de la construction ou de l’ingénierie en Syrie, ainsi que toute personne traitant financièrement avec le régime seront en effet visées par ce « Caesar Syria Civilian Protection Act », en référence au nom de code de l’ex-photographe de la police militaire syrienne César, qui a fui la Syrie en 2013, emportant 55 000 photographies de corps torturés.
« La loi vise à empêcher toute normalisation de la part de pays comme le Liban, la Chine ou les Émirats arabes unis avec le régime syrien et entraver les efforts de reconstruction avec un régime qui a transformé 14 millions de ses citoyens en réfugiés ou déplacés », explique à L’Orient-Le Jour Mouaz Moustafa, directeur exécutif de la Syrian Emergency Task Force, un lobby d’opposants syriens aux États-Unis qui a œuvré sans relâche à l’élaboration de cette loi. « Tout pays qui abrite des personnes ou des compagnies faisant cela est visé » par cette loi, qui va entrer en vigueur sur plusieurs étapes, révèle l’activiste. Ces sanctions devraient notamment toucher, outre des Syriens, des compagnies ou personnes au Liban, en Irak, en Russie ou en Iran, selon lui.
Le 17 juin, un premier groupe de sanctions visera des personnes et des compagnies, qui seront probablement syriennes, et la liste n’inclura pas de noms libanais, poursuit l’activiste. Mais durant l’été, les fournées suivantes de sanctions qui seront annoncées par les États-Unis en trois ou quatre étapes « incluront des personnalités ou entités libanaises ou installées au Liban ».
« Avertissement »
« Ce sera un avertissement clair à toute personnalité ou entité au Liban coopérant avec le régime syrien », ajoute-t-il, déplorant que « des personnalités de premier plan au Liban soutiennent le régime syrien ».
Ces sanctions toucheront aussi bien des personnalités ou hommes d’affaires syriens installés au Liban et traitant avec le régime que des compagnies libanaises commerçant avec ces entreprises, de même que toutes les personnes ou entités libanaises apportant une aide quelconque au régime syrien, par exemple en vendant du mazout, dont le trafic avec la Syrie est notoire.
« Beaucoup de compagnies ou de banques au Liban œuvrent comme prête-noms pour le régime syrien et seront sanctionnées, ajoute M. Moustafa. Toute personne qui traite avec le régime syrien au Liban doit prendre peur. »
« La récente crise a montré à quel point les systèmes financiers libanais et syrien étaient liés de façon légale et illégale. Ils doivent réaliser combien le Caesar Act est dangereux pour eux », affirme pour sa part Assaad Hanna, également membre de ce lobby.
Les fonds des personnalités liées au régime syrien dans les banques libanaises pourraient également être affectés. Faute de chiffres précis, les avoirs de Syriens dans les banques libanaises avaient été évalués par The Economist à environ vingt milliards de dollars, alors que des sources bancaires libanaises avaient indiqué au Commerce du Levant les estimer à entre dix et vingt milliards.
Un autre problème est celui des branches des banques libanaises en Syrie, relève par ailleurs l’ancien député du courant du Futur Bassem el-Chab. Il souligne également que le gouvernement libanais pourrait être sanctionné s’il recommençait à acheter de l’électricité à la Syrie, comme il l’a fait au cours des années précédentes.
« Qu’en est-il également du Haut Conseil libano-syrien, des accords de coordination avec la Syrie, de la coopération entre l’armée et les services de sécurité libanais et le régime syrien? » s’interroge également l’ancien député, estimant que le gouvernement libanais pourrait s’exposer à des sanctions.
Et même si le processus de reconstruction de la Syrie est encore au point mort, les entreprises libanaises qui attendaient ce juteux marché devront revoir leurs calculs.
Quant aux appels du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et d’autres politiciens libanais à normaliser les relations avec Damas pour ouvrir la voie aux exportations libanaises vers l’Irak et d’autres pays arabes à travers la Syrie, il n’est pas encore clair si le fait de faire transiter des marchandises par la Syrie – pour lesquelles il faudra payer des droits de douane – sera considéré comme une aide au régime syrien.
« Le Caesar Act est un outil de plus qui vient renforcer la logique des sanctions et l’idée que l’économie libanaise ne peut pas être une économie de soutien à celle de l’axe Syrie-Iran, estime un homme politique libanais proche des milieux américains. Ce n’est clairement pas le moment d’appeler à une normalisation avec le régime syrien. » Pour cet homme politique qui requiert l’anonymat, l’entrée en vigueur de cette loi ne fait que rendre plus urgente la nécessité pour le Liban d’être consistant entre le choix de ses partenaires économiques, dont il demande l’aide, comme le Fonds monétaire international, et son positionnement politique. « Plus on se positionne dans une logique selon laquelle l’aide au Liban bénéficiera à l’axe régional Syrie-Iran, plus il sera difficile d’obtenir l’aide des donateurs internationaux », estime-t-il.
Le 17 juin, les États-Unis vont resserrer encore plus leur étau autour du régime syrien avec l’entrée en vigueur du Caesar Act, une loi bipartisane qui vise à sanctionner tout gouvernement ou toute entité privée qui aide le régime de Damas ou contribue à la reconstruction de la Syrie. Alors que le camp prosyrien au Liban multiplie les appels à normaliser les relations avec Damas,...
commentaires (11)
On peut appeler ça un chantage - et ça y ressemble bougrement - sauf que,, dans un chantage, il y a un gagnant et un grand perdant. Ici, il n'y a que deux gagnants. Le Liban a une occasion magnifique de lever la chape de plomb du Hezbollah qui pèse sur ses épaules. Il serait stupide et criminel de ne pas en profiter.
Yves Prevost
07 h 10, le 31 mai 2020