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Culture - Vidéos

Les rêveries d’une promeneuse solitaire (confinée)

Pendant le confinement, la photographe Clara Abi Nader, installée à Paris, a posté régulièrement des vidéos originales et inattendues sur Instagram, puis sur son site. Retour sur la conception insolite de ces instantanés narratifs et émotionnels qui font voyager.

Clara Abi Nader.

« La série Thoughts on screen a vu le jour dans un contexte très particulier, j’étais en train d’emménager dans un nouvel appartement lorsque le confinement a commencé, et je n’avais pas encore récupéré mes affaires. Je me suis donc retrouvée sans matériel photographique. J’ai l’habitude de travailler sur un appareil argentique et de développer moi-même mon travail, mais là, j’ai dû faire autrement », explique d’emblée Clara Abi Nader. La jeune artiste devait exposer au Liban, en avril, des œuvres de sa série Au retour, dans le cadre du festival de photographie Regards croisés Liban-Provence.

« Les premiers jours, je ne suis pas du tout sortie, puis j’ai commencé à aller me promener dans mon quartier : nous pouvions sortir une heure, dans un rayon d’un kilomètre. Je me suis mise à prendre des photos et des vidéos avec mon smartphone, et le soir quand je rentrais, je réalisais un montage où j’entremêlais des images et des mots, en utilisant l’enregistrement de mon écran de téléphone. Et finalement, j’ai fait comme d’habitude, j’ai raconté des histoires. Je n’avais pas pratiqué le montage vidéo depuis longtemps, même si après avoir obtenu mon diplôme de l’ALBA en 2010, je suis venue en France pour faire un master en cinéma. Puis j’ai travaillé quelques années dans le domaine du montage, avant de me consacrer entièrement à la photographie », ajoute la jeune artiste qui insiste sur le fait que, pour une fois, ce projet artistique s’étend sur une temporalité assez courte.

« D’ordinaire, je travaille sur des projets au long cours. J’ai commencé la série Au retour en 2014. Des photos d’espaces en friche ou à l’abandon, sur l’autoroute qui relie Jounieh à Beyrouth, y sont réunies, et je continue à l’enrichir régulièrement, en utilisant des pellicules spécifiques qui donnent des tonalités chaudes et orangées à des paysages souvent mélancoliques. Plus récemment, j’ai commencé un travail à long terme sur les femmes et leurs cheveux, On Hair (&Women), ainsi qu’une œuvre qui rendra compte de la totalité du littoral libanais, du Nord au Sud. Cette fois, pour Thoughts on screen, j’ai borné la série dans le cadre temporel du confinement français », précise celle qui partage une quinzaine de vidéos qui ont su capter le cheminement tortueux d’une artiste, dans l’inconnu d’une pandémie mondiale.

Du silence, de la lumière et le questionnement d’une artiste

Pour chaque vidéo, pendant une minute environ, Clara Abi Nader entrecroise les photographies prises au hasard de ses promenades dans les rues parisiennes, près du canal Saint-Martin, d’où l’omniprésence de l’eau et ses reflets infinis, avec la rédaction instantanée de ses textes poétiques, où s’expriment ses impressions, ses sensations, ses interrogations. Le texte se compose et se métamorphose sous les yeux du spectateur et il accompagne le mouvement des images. L’artiste a choisi d’écrire en anglais afin d’être comprise par un public plus large.

What is art without light ? accompagne la réflexion de l’artiste, qui se prête à des jeux de lumière sur un paysage de crépuscule de plus en plus brumeux. Parfois, l’image est accompagnée de son : le silence de la ville désertée, les pas d’un marcheur isolé, ou, à 20h, les applaudissements de ceux qui remercient leurs soignants. How would you call the day after Sunday ? interroge le nouveau rapport au temps qui se crée dans des espaces vides, où triomphe la végétation urbaine (re)naissante du mois d’avril, qui reprend ses droits. Les bourgeons, les feuilles et leurs reflets dans l’eau du canal se superposent à des façades d’immeubles muettes et incarnent cette période où le temps s’étire indéfiniment.


It has been eight years and a half est une vidéo née de la question qu’un ami de l’artiste lui a posé par texto. « Tu n’as pas la nostalgie du Liban dans ces moments-là ? » La séquence proposée reflète le cheminement réflexif de l’heure du bilan de l’exil. Et l’artiste de filmer le manque, en intercalant des photographies du passé libanais dans le présent du confinement. Le vent dans un voilage qui habille une fenêtre ensoleillée, où se découpe la silhouette de la photographe, semble incarner dans Way to the big blue ? la nostalgie de l’univers marin. L’eau du canal conduit au désir de la mer et l’artiste rend visible le glissement mental de l’un à l’autre.

Thougts on screen peut être regardé comme une promenade parisienne, mais également comme une promenade intérieure, au cours de laquelle la photographe pose des questions aussi bien abstraites (Qu’est-ce que la photo ?) que plus légères (Do you cut your own hair ? How do you wake up ?). La série se termine par une sorte de conte, The moon kept following me, qui met en scène la lune dans une dramaturgie onirique.

« There she is again

Bathing in her blue sky. »

Ces pépites mémorielles et poétiques invitent à mélanger les styles et les émotions : à consommer sans modération !

« La série Thoughts on screen a vu le jour dans un contexte très particulier, j’étais en train d’emménager dans un nouvel appartement lorsque le confinement a commencé, et je n’avais pas encore récupéré mes affaires. Je me suis donc retrouvée sans matériel photographique. J’ai l’habitude de travailler sur un appareil argentique et de développer moi-même mon travail,...

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