Le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a implicitement tancé hier le chef du gouvernement Hassane Diab, qui s’obstine selon des sources politiques à vouloir nommer sa conseillère Pétra Khoury au poste de mohafez de Beyrouth sans avoir obtenu auparavant l’assentiment de l’archevêché et des notables de la communauté grecque-orthodoxe, à laquelle revient traditionnellement ce poste.
« Nous sommes une communauté qui ne fait pas de différence entre une religion et une autre, entre une communauté et une autre (…) nous sommes les fils de l’Église du Christ qui enseigne l’amour, la tolérance, l’ouverture en direction de l’autre et le dialogue », a assuré Mgr Audi dans une homélie dominicale. « Nous n’avons jamais porté les armes, nous n’avons jamais formé de parti lorsque la plupart des parties ont porté les armes. Notre seule arme est notre amour pour notre patrie », a ajouté le prélat.
« Avons-nous manqué à notre amour pour notre patrie ou notre service envers elle ? Avons-nous conclu des marchés douteux ou contribué au pillage de la patrie ou son appauvrissement ? Avons-nous semé la discorde au sein de sa population ? » s’est interrogé Mgr Audi.
« Mais au lieu de profiter des capacités de nos fils et de les traiter sur un pied d’égalité avec les autres fils du pays, ils sont ignorés, peut-être parce qu’ils n’élèvent pas la voix (…) », a déploré le prélat.
Pour le dignitaire, « le pays ne peut être l’apanage de quiconque ni être divisé ». « Ce qui nous peine, c’est que nous vivons une période durant laquelle les citoyens sont la cible de discrimination en fonction de leur communauté ; une période durant laquelle les grecs-orthodoxes se voient écarter du service de leur pays », a-t-il encore dénoncé.
« Nous sommes contre les bazars et en faveur d’un État civil et juste. Auriez-vous le courage d’aller vers un tel État ? » a encore demandé Mgr Audi. « Adoptez un critère unifié pour les nominations afin qu’il s’applique à tous. Si votre gouvernement est celui de tout le pays, vous devrez profiter de toutes les ressources et accorder à chacun ses droits sans contrepartie (...) », a conclu le prélat.
Ses propos interviennent alors qu’un bras de fer oppose des représentants de la communauté au Premier ministre au sujet de la succession du mohafez Ziad Chbib, dont le mandat expire le 19 mai.
Ce renouvellement est contesté par le métropolite, qui était d’abord favorable à une prorogation du mandat de M. Chbib, avant de renoncer à cette option. Il s’est même déplacé le 11 mai au palais présidentiel de Baabda, accompagné du député Élias Bou Saab, pour exposer ses craintes au chef de l’État et dire combien ce poste est étroitement lié à la hiérarchie grecque-orthodoxe, qui a toujours eu son mot à dire dans ce domaine.
Selon certaines sources, un autre mohafez devrait être chargé d’assurer l’intérim à Beyrouth – on songe à celui du Mont-Liban – en attendant la nomination d’un remplaçant à Ziad Chbib. Hier, M. Bou Saab, membre du groupe parlementaire aouniste et qui avait participé à la réunion de personnalités grecques-orthodoxes tenue il y a une dizaine de jours au siège de l’archevêché pour s’élever contre le remplacement de M. Chbib, a critiqué le Premier ministre dans un tweet au ton particulièrement cinglant. « Monsieur le Premier ministre Diab, vous obstiner est inutile. Nous avions cru que votre vision concernant les nominations était différente de ce qui se pratique, jusqu’à ce qu’on découvre que votre objectif est de nommer une de vos conseillères à un poste-clé. La force ne consiste pas à montrer de la fermeté devant l’opinion publique, mais à gagner le respect de tous en se montrant flexible », a-t-il écrit.
D'emblée je déclare que je ne suis pas de la communauté grecque-orthodoxe. Je suis 100% d'accord avec Monseigneur Elias Audià à propos de la succession du mohafez Ziad Chbib. Selon les us et les coutumes en vigueur dans notre cher et vieux pays, un orthodoxe doit succéder un orthodoxe, un sunnite à un sunnite, un druze à un druze..Point à la ligne.
16 h 30, le 18 mai 2020