Comme si le Liban n’avait pas déjà assez de problèmes, il a fallu que la communauté grecque-orthodoxe vienne s’ajouter aux autres communautés qui se sentent lésées ou injustement traitées, compliquant encore plus la mission de l’actuel gouvernement. Mais la crise est en voie de règlement, après la visite du métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, à Baabda, les responsables ayant réagi rapidement.
Tout a commencé avec l’annonce de la possibilité de nommer un nouveau mohafez de Beyrouth à la place de l’actuel, Ziad Chebib. Dès que les rumeurs en ce sens ont commencé à circuler, de grandes figures de la communauté, dont le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli (qui occupe le plus haut poste grec-orthodoxe au sein de l’État), ont mené campagne contre une telle possibilité, affirmant qu’il s’agit d’une atteinte à la communauté toute entière et à sa représentation au sein de l’État. Mgr Audi (considéré comme le véritable chef spirituel de la communauté au Liban, le patriarche Yazigi ayant un rôle plus large couvrant l’ensemble de la communauté grecque-orthodoxe dans le monde arabe et le siège du patriarcat se trouvant à Damas), a accueilli la semaine dernière au siège de l’archevêché à Achrafieh une réunion élargie en ce sens, regroupant, outre Ferzli, la vice-présidente du Conseil et ministre de la Défense Zeina Acar, l’ancien vice-président du Conseil Ghassan Hasbani, l’ancien ministre de la Défense, Élias Abou Saab, et bien d’autres figures de la communauté pour refuser le remplacement de Chebib.
À l’issue de cette réunion élargie, un communiqué a été publié, affirmant que le fait de toucher aux postes qui reviennent à la communauté grecque-orthodoxe est inacceptable et constitue une atteinte à l’ensemble de cette communauté. Sur ces entrefaites, un commentaire attribué au président du Conseil, Hassane Diab, minimisant cette crise ainsi que le rôle de la communauté grecque-orthodoxe a circulé sur les réseaux sociaux. Ce qui a considérablement augmenté la colère des grecs-orthodoxes et de leurs représentants. À tel point que l’homme de toutes les missions difficiles, voire impossibles, le chef de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, a décidé d’intervenir pour tenter de rapprocher les points de vue et pour circonscrire le fossé entre Diab et les représentants de la communauté. Accompagné du conseiller du Premier ministre Khodr Taleb, il s’est donc rendu chez Mgr Élias Audi, vendredi dernier. Contrairement à ce qui a été dit dans les médias, la rencontre a été positive et elle a permis une explication franche entre le métropolite et le conseiller de Diab.
Mgr Audi a ainsi exprimé ses appréhensions au sujet d’un affaiblissement du rôle des grecs-orthodoxes au sein de l’État avec la vacance de plusieurs postes importants et le manque d’empressement officiel à les remplir, alors que dès qu’il s’agit d’un poste revenant à une autre communauté, il est immédiatement occupé. De son côté, Khodr Taleb a expliqué à Mgr Audi que ce qui a été attribué à Hassane Diab est faux et que ce dernier est respectueux de toutes les communautés en particulier celle des grecs-orthodoxes qui a depuis toujours joué un rôle constructif dans le pays. Concernant le cas de l’actuel mohafez de Beyrouth, Khodr Taleb a précisé qu’il ne s’agit nullement d’une sanction liée à une affaire de corruption, mais de l’application de la loi. Le magistrat Ziad Chebib était membre du Conseil d’État (la justice administrative) et il a été délégué à l’administration pour un mandat de six ans non renouvelable, à moins qu’il ne démissionne du Conseil d’État. De plus, Hassane Diab avait pris depuis le début la décision de ne renouveler aucun mandat arrivant à expiration. Ce fut le cas notamment pour Fatmé al-Sayegh qui avait été déléguée elle aussi du Conseil d’État vers la direction de la Fonction publique. Lorsque son mandat est arrivé à expiration, elle est revenue à sa fonction initiale.
La rencontre a donc été l’occasion d’une franche explication, mais le métropolite Élias Audi n’était pas tout à fait rassuré. Accompagné de l’ancien ministre Élias Abou Saab, il s’est donc rendu au palais de Baabda hier pour exposer ses craintes au chef de l’État. Selon les sources du palais présidentiel, la rencontre était franche et cordiale. Mgr Audi a commencé par expliquer que la communauté grecque-orthodoxe n’a pas une approche confessionnelle, au contraire, elle a toujours eu un rôle national. Mais depuis quelque temps et à cause du fait que certains postes qui lui sont attribués au sein de l’administration sont vacants, elle se sent ignorée. L’affaire du mohafez de Beyrouth a augmenté cette impression. Le métropolite de Beyrouth a présenté au chef de l’État les détails de ce tableau considéré comme injuste à l’égard de la communauté, chiffres à l’appui. De son côté, le président Michel Aoun a affirmé qu’il est le garant de l’équilibre communautaire au sein de l’appareil étatique et il a rendu hommage au rôle des grecs-orthodoxes qui ont toujours appuyé l’État. Le chef de l’État a aussi affirmé que nul n’a l’intention de marginaliser la communauté ou de la priver de ses droits, les grecs-orthodoxes faisant partie du tissu national libanais et ayant toujours joué un rôle national rassembleur.
La fameuse « crise grecque-orthodoxe » est donc en voie de règlement. Elle a eu le mérite de permettre d’exposer franchement les appréhensions de la communauté, ainsi que les possibilités de solution. S’il s’avère impossible de renouveler le mandat de Ziad Chebib en tant que mohafez de Beyrouth qui expire le 19 mai, des solutions alternatives existent et ont été évoquées. Les deux parties préfèrent ne pas en parler pour l’instant, pour ne pas ouvrir la voie à d’éventuelles surenchères.
Ah, ce n'était donc pas une affaire de corruption. Je me marre à voir que l'hypocrisie règne toujours en haut lieu. Quand y aura-t-il enfin une justice NON CONFESSIONNELLE qui demande des comptes et qui ne se fait pas taper sur les doigts par les hommes politiques et religieux, chacun pour les mecs de sa communauté?
14 h 13, le 12 mai 2020