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Joumblatt chez Aoun : la préservation de la coexistence dans la Montagne à tout prix

Une radio en ligne de partisans du Courant patriotique libre et l’intensification des polémiques sur les réseaux sociaux ont récemment alimenté la tension dans le Chouf, que le chef de l’État et le leader druze se sont employés à calmer.

Walid Joumblatt à Baabda pour gérer le conflit avec le CPL. Photo Dalati et Nohra

Alors que Walid Joumblatt avait multiplié récemment les déclarations incendiaires contre le pouvoir, sa visite le 4 mai à Baabda, où il a été reçu par le président Michel Aoun, en a surpris plus d’un. De même que ses déclarations apaisantes à l’issue de l’entretien sur la nécessité de « gérer le conflit » avec le Courant patriotique libre, fondé par le chef de l’État et présidé aujourd’hui par son gendre Gebran Bassil. Mais les proches du leader druze expliquent que cette réunion ne constitue en aucun cas un revirement de la part de Walid Joumblatt et qu’elle était motivée par la volonté des deux parties de calmer les récentes tensions dans la montagne du Chouf et de Aley, où certains militants du CPL sont accusés d’avoir voulu souffler sur les braises du conflit confessionnel. Il est vrai que les tensions étaient latentes dans cette région depuis les incidents de Qabr Chmoun l’été dernier, lorsque deux partisans du Parti démocratique libanais de Talal Arslane, rival druze de M. Joumblatt et allié du CPL, avaient trouvé la mort lors d’une fusillade impliquant des partisans du PSP pendant une tournée partisane du leader du parti aouniste. M. Bassil avait affirmé être l’objet d’une tentative d’attentat, ce que le PSP a démenti. L’affaire avait paralysé l’action du gouvernement pendant des semaines, mais les choses s’étaient tassées, notamment avec la rencontre, le 24 août dernier, à Beiteddine entre le chef de l’État et Walid Joumblatt autour d’un déjeuner familial.

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Mais il y a environ deux mois, une « Radio du Chouf chrétien », en fait une page Facebook tout juste créée et animée par des partisans du CPL basés à Deir el-Qamar, a commencé à faire des vagues dans la région. Avec des « commentaires insultants pour les druzes et pour Walid Joumblatt, ce média a provoqué les partisans du PSP et les druzes en général », affirme à L’Orient-Le Jour un notable de la région. Dans le même temps, plusieurs responsables ou partisans du CPL, dont l’ancien ministre des Déplacés Ghassan Atallah, lui-même originaire du Chouf, attaquaient violemment dans des tweets le PSP et son chef, provoquant de violentes ripostes de leurs fidèles sur la Toile. Selon le notable, « l’affaire a pris une tournure confessionnelle et non plus politique, les druzes ne supportant pas de telles provocations ». Dans ce contexte, le moindre incident – comme un conflit avec la municipalité sur la restauration d’une habitation ancestrale dans un village mixte – menaçait de prendre une dimension communautaire, dans cette région qui n’a refermé que récemment les plaies du passé, selon ce notable proche du PSP.


Le député du Chouf Farid Boustani. Photo DR

« Nous n’avons fait que réagir »
Le CPL, lui, présente une autre version des faits. « Il y a eu des menaces du PSP contre le CPL et Gebran Bassil, et nous n’avons fait que réagir », affirme Rindala Jabbour, coordinatrice du comité central des médias au sein de cette formation. Elle assure en outre que la « Radio du Chouf chrétien » ne relève pas du CPL et pourrait être le fait de partisans de la formation, sans que la direction du courant ne soit au courant. Pour sa part, Ghassan Atallah assure à L’OLJ qu’il « n’attaque personne et ne veut se venger de personne ». « Mais si quelqu’un vous attaque et vous humilie, il n’est pas possible de rester serviles, ajoute-t-il. Quand Joumblatt attaque le président Aoun et le CPL, pourquoi devrions-nous nous abstenir de riposter ? » M. Attallah souligne qu’il a encouragé cette nouvelle approche du CPL visant à répondre aux attaques et non plus à se taire. Pour tenter de faire redescendre la tension, l’Église est intervenue. L’évêque du diocèse maronite de Saïda, Mgr Maroun Ammar, et l’évêque grec-catholique du diocèse de Saïda et Deir el-Qamar, Mgr Élie Haddad, ont dénoncé dans un communiqué conjoint, publié à la mi-avril, « certains groupes qui évoquent sur les réseaux sociaux des sujets qui suscitent les tensions confessionnelles dans la région du Chouf et de la Montagne, et portent atteinte à la réconciliation consacrée par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir avec le député Walid Joumblatt » en août 2001. Appelant à « arrêter ces agissements qui portent atteinte à l’unité de la Montagne », les deux prélats ont rejeté « toutes les plateformes médiatiques qui se réfèrent à la chrétienté et œuvrent à la division des fils d’une même région ».

Une initiative du chef de l’État et non du CPL
Dans le même temps, le leader druze était approché par le député Farid Boustani, du groupe parlementaire aouniste, mais non membre du CPL, pour proposer une réunion avec le chef de l’État. Dans une déclaration à L’OLJ, M. Boustany souligne que l’initiative de la rencontre entre Walid Joumblatt et Michel Aoun est venue du chef de l’État lui-même. Il rappelle que le président Aoun avait « réuni tous les pôles de la Montagne » lorsqu’il s’était rendu au palais de Beiteddine l’été dernier, que la deuxième étape de cette initiative avait été la rencontre entre le député Teymour Joumblatt et le chef du CPL au domicile de ce dernier à Laklouk. Les rencontres entre les deux parties se sont cependant arrêtées avec le déclenchement du soulèvement populaire, suivi par la formation du gouvernement et la crise du Covid-19, précise-t-il.

C’est pourquoi, explique M. Boustani, « nous avons encouragé le président à poursuivre l’initiative ». « En tant que député du Chouf, j’ai senti que la tension montait dans la région, sur fond de crise économique et de pandémie », poursuit M. Boustani, qui prend soin de souligner à nouveau que l’initiative de reprendre contact avec le leader du PSP venait « de la présidence et non du CPL ».

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Interrogé au sujet des tensions dans le Chouf, notamment en raison de la « Radio du Chouf chrétien », M. Boustani renvoie au communiqué des deux évêques et indique que « le président condamne cette affaire et tout ce qui peut menacer la cohésion et l’entente » dans la région. « Moi-même, en tant que député du Chouf, je considère que cette radio ne représente pas la Montagne », dit-il.

Selon une source du PSP, le médiateur a demandé à M. Joumblatt s’il préférait que la rencontre se passe loin des médias. Mais le leader druze a répondu qu’il était « opposant en public, et qu’il concluait des trêves en public ». C’est donc dans le but de « gérer le conflit » avec le CPL que M. Joumblatt a rencontré Michel Aoun, comme il l’a déclaré à l’issue de l’entretien le 4 mai.

Selon M. Boustani, la rencontre entre Walid Joumblatt et Michel Aoun a été « très franche » et les deux parties sont convenues de préserver la sécurité dans la Montagne et la coexistence. Depuis, la « radio » a mis en sourdine ses attaques contre le camp druze, et M. Atallah ainsi que d’autres responsables ou partisans du CPL ont cessé leurs tweets. D’après des sources concordances, un tweet particulièrement virulent de M. Atallah a même été retiré à la veille de la rencontre.

« Le principal souci de Walid Joumblatt était de préserver la réconciliation et d’empêcher que certains trublions des deux côtés ne viennent transformer les cazas du Chouf et de Aley en foyers de tension, au moment où l’indépendance du Liban et les derniers souffles de son économie sont menacés », affirme à L’OLJ le député Marwan Hamadé, proche du leader druze.

Pour sa part, Mme Jabbour indique que le CPL « accueille favorablement la visite de M. Joumblatt au palais présidentiel, qui a donné un signal positif. Nous allons également nous montrer positifs en observant une trêve médiatique et politique, sauf s’ils reprennent l’offensive », prévient-elle.

La réconciliation en jeu ?
Mais au-delà de ces tensions, est-ce la réconciliation actée en 2001 sous l’égide du patriarche Sfeir, à laquelle étaient associées les Forces libanaises mais pas le CPL, qui est en jeu ?

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« Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de véritable réconciliation dans la Montagne », estime Ghassan Atallah, critiquant cette initiative qui visait à tourner une page sombre de l’histoire du Liban, notamment la guerre de la Montagne de 1983. « Vingt ans après, nous en sommes toujours à évoquer comment vivre ensemble », ajoute l’ancien ministre des Déplacés qui critique avec virulence « ceux qui pensent que la Montagne est la zone protégée d’une partie quelconque », sans nommer le PSP. L’ancien ministre affirme que seuls 25 % des déplacés chrétiens sont rentrés dans leurs villages, et que les autres n’envisagent pas de regagner leurs foyers dans ces conditions. « Si les gens se sentaient en confiance, il n’y aurait pas eu ce retour timide », et un plus grand nombre de déplacés seraient rentrés, assure-t-il.

De son côté, une source du PSP se demande « quel serait le substitut à la réconciliation et au vivre ensemble », estimant que le CPL a tenté à plusieurs reprises de « rouvrir les plaies du passé », allant même jusqu’à évoquer les massacres de 1860 lors de la messe « du repentir et du pardon » qu’il avait organisée en mars 2019 à Deir el-Qamar à la mémoire des victimes chrétiennes de la guerre de la montagne. « Gebran Bassil et plusieurs de ses ministres s’évertuent à jeter de l’huile sur un feu qui n’existait plus depuis la réconciliation initiée par le patriarche Sfeir », assure une personnalité druze de la région, estimant que le CPL adresse également ainsi « un message aux FL, partenaires de cette réconciliation, en mettant en doute leur représentativité chrétienne ».

Alors que Walid Joumblatt avait multiplié récemment les déclarations incendiaires contre le pouvoir, sa visite le 4 mai à Baabda, où il a été reçu par le président Michel Aoun, en a surpris plus d’un. De même que ses déclarations apaisantes à l’issue de l’entretien sur la nécessité de « gérer le conflit » avec le Courant patriotique libre, fondé par le chef de...

commentaires (8)

Mes chers compatriotes: Le Liban a besoin plus que jamais de l aide international et de ses expatriés , devant ce genre de scène et de gesticulation confessionnelle du moyen age il ne faut pas espérer de la communauté internationale de lui venir en aide, et vous savez comme moi le problème du Liban n est pas seulement économique mais plutot on a besoin de reformes en profondeur pour le rendre un pays démocratique et laic. garder vos querelles des clochets pour plutart car vos chefs confessionnels seront toujours la grace à vous

youssef barada

12 h 52, le 11 mai 2020

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Commentaires (8)

  • Mes chers compatriotes: Le Liban a besoin plus que jamais de l aide international et de ses expatriés , devant ce genre de scène et de gesticulation confessionnelle du moyen age il ne faut pas espérer de la communauté internationale de lui venir en aide, et vous savez comme moi le problème du Liban n est pas seulement économique mais plutot on a besoin de reformes en profondeur pour le rendre un pays démocratique et laic. garder vos querelles des clochets pour plutart car vos chefs confessionnels seront toujours la grace à vous

    youssef barada

    12 h 52, le 11 mai 2020

  • Partout les partisans du CPL ne se defatiguent pas a reveiller les demons du passe.

    EL KHALIL ABDALLAH

    11 h 35, le 11 mai 2020

  • PARTOUT OU LE GENDRE SE REND IL SEME LA ZIZANIE RELIGIEUSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 57, le 11 mai 2020

  • Les éternelles "querelles de clocher" qui, en définitive, occupent ces gens qui apparemment ne savent pas faire autre chose. Bon...ça occupe au moins les médias, les "radios artisanales" et les gens de bonne volonté. C'est mieux que rien...non...?! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 54, le 11 mai 2020

  • je suis Chretien du Chouf, le CPL a une attitude méprisable et rancuniere....en plus ils sont manipulateurs et menteurs. le retour des chrétiens est timide a cause de l situation économique du chouf et car ils se sont bien établi dans leur regions d accueils et non a cause des druzes. D ailleurs, l écrasante majorité montent. les week ends end d'été...

    Jack Gardner

    08 h 48, le 11 mai 2020

  • Il faudra calmer le jeu dans la montagne loin des défis pour préserver la paix civile .

    Antoine Sabbagha

    08 h 19, le 11 mai 2020

  • Le masque n’est pas efficace porté ainsi....

    Bachir Karim

    08 h 01, le 11 mai 2020

  • Encore faut-il vouloir croire que cette radio des partisans du CPL n'a rien à voire avec le CPL. Quelle convenance. J'espère que ce n'est pas un autre faux-pas de Bassil dans le même style que celui de l'incident de Kabr Chmoun et de la période qui a précédé. Il ne faut pas pousser vos partisans ou ceux du PSP à l'erreur. Attention au faux pas dans le Chouf car votre responsabilité est dorénavant engagée.

    Zovighian Michel

    06 h 09, le 11 mai 2020

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