Les potions magiques du « Docteur Trump »

Il a beau répéter qu’il n’est « pas médecin », le président américain aime à jouer régulièrement au « docteur Trump », distillant avis, voire conseils pour le moins… surprenants. Après avoir invité les gens à essayer la « chloroquine » à laquelle on peut ajouter « l’hydroxy », leur avoir conseillé de « prendre du zinc », il s’est insurgé contre le temps nécessaire au développement d’un vaccin (en moyenne un an et demi). Dernier dérapage présidentiel en date : alors qu’un responsable de son administration venait de déclarer que les recherches montrent que l’eau de javel peut détruire, sur les surfaces, le virus en quelques minutes, Donald Trump se demandait, en conférence de presse, s’il n’y aurait « pas moyen de faire quelque chose comme ça par injection à l’intérieur » du corps, un « nettoyage » interne à la javel en somme.

Un peu plus tôt, quand le même responsable avait indiqué que des recherches préliminaires montraient que « la lumière du soleil, les rayons UV étaient une faiblesse » dans la chaîne de transmission du virus, le président avait déclaré : « Imaginez que l’on envoie une lumière très puissante vers le corps, il faudrait faire entrer la lumière dans le corps. »

Injections de désinfectant, exposition massive aux UV… Les pistes évoquées par le président de la première puissance mondiale font bondir les spécialistes.

Alain Tanios, urgentiste au Centre médical de l’université libano-américaine (LAU) – hôpital Rizk et directeur du programme de médecine d’urgence à la LAU, affirme à L’Orient-Le Jour que « tous les ouvrages de médecine renferment de longs chapitres consacrés aux intoxications domestiques qui surviennent après ingestion de détergents ou de désinfectants ». « Ces produits sont nocifs, même à petites doses, poursuit-il. C’est connu en médecine d’urgence, une discipline dans le cadre de laquelle nous avons affaire à beaucoup de cas d’empoisonnement domestique. »

Pire qu’une chimiothérapie

À l’échelle mondiale, la suggestion du président américain a été qualifiée d’« idiote », d’« absurde » et d’« irresponsable » et les médecins et experts de la santé, ainsi que des fabricants de désinfectants ménagers, ont multiplié les messages contre toute ingestion ou injection de désinfectants. « Ces produits sont nocifs, voire mortels, même en petites quantités », martèle le Dr Tanios. « Un verre de 200 cc peut entraîner d’importants dégâts », poursuit-il. « Les désinfectants et produits caustiques ne sont pas neutres », explique-t-il, la plupart d’entre eux étant « basiques » et donc corrosifs. Ce qui est suffisant pour tuer les cellules. D’ailleurs, ceux qui les utilisent régulièrement notent leur impact sur les mains, « et ce alors même que la peau est fortifiée par beaucoup plus de couches que les cellules ». On imagine donc l’effet de ces produits corrosifs sur les tissus vivants.

Le simple fait de boire par mégarde ces produits avant de les recracher immédiatement suffit à « provoquer des ulcères dans la bouche », « détruire la muqueuse », voire la perforer. Les avaler est plus dangereux encore puisqu’ils vont instantanément perforer l’œsophage, le tube digestif, l’intestin ou l’estomac, entraînant de surcroît des lésions sévères à long terme.

Sur les surfaces, les détergents tuent le virus par destruction de la membrane. La même chose se passe dans l’organisme, à la différence que dans l’organisme, le virus se loge dans les cellules. « Pour pouvoir atteindre les virus, le détergent doit détruire les cellules, note le Dr Tanios. C’est pire qu’une chimiothérapie qui reste plus sélective, malgré le fait qu’elle tue des cellules saines en plus de celles cancéreuses. »

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En ce qui concerne les UV, leurs effets néfastes ne sont plus à démontrer. Des doses massives d’UV vont causer des brûlures de la peau et engendrer des mélanomes, des tumeurs, « sans pour autant atteindre le virus à l’intérieur de l’organisme ».

Pour conclure, le Dr Tanios rappelle que « le coronavirus ne tue pas toutes les personnes contaminées », puisque dans 85 % des cas, le Covid-19 est bénin. Il est possible toutefois de se protéger en adoptant des mesures saines comme le fait de rester actif et de ne pas fumer, mais surtout en respectant la distanciation et en adoptant les mesures d’hygiène et gestes barrières préconisés dans le cadre de toute infection respiratoire : porter un masque lorsqu’on est dans des endroits confinés ou en présence d’une tierce personne, se laver fréquemment les mains, ne pas se toucher le visage, éternuer et tousser dans son coude.

Ce contenu s'inscrit dans le projet Qarib qui vise à renforcer la cohésion sociale et à rapprocher médias et citoyens au Proche-Orient. Il a été produit avec le soutien de CFI, Agence de développement média, et de l’AFD, Agence Française de Développement.