Le Conseil des ministres a adopté jeudi dernier le plan de redressement du pays sur lequel il planchait depuis plusieurs semaines et qui doit lui permettre de négocier une certaine marge de manœuvre avec ses créanciers pour restructurer la dette publique. Le Liban, rappelle-t-on, a fait défaut sur ses obligations en dollar en mars. Le lendemain, le Premier ministre Hassane Diab et le ministre des Finances Ghazi Wazni signaient la requête officielle qui sera envoyée au Fonds monétaire international (FMI) pour solliciter une assistance financière. La prochaine étape, que le Premier ministre a annoncée la semaine dernière, va consister à consulter les différentes « parties concernées » pour préparer la mise en œuvre du plan. Si le président Michel Aoun a déjà prévu de rencontrer les différents groupes parlementaires, le ministre des Finances Ghazi Wazni et celui de l’Économie et du Commerce Raoul Nehmé ont prévu de répondre aux questions des députés à l’occasion d’une séance organisée sous la houlette de la commission des Finances et du Budget. Selon une source au Parlement, plusieurs dizaines de députés qui ne font pas partie de cette commission doivent également participer à la réunion.
Réunion avec les organismes économiques
« Le plan est critiqué par certains élus comme par des représentants du secteur privé. Les membres de la commission des Finances ont donc estimé utile d’interroger les deux ministres particulièrement impliqués dans son élaboration pour avoir toutes les données du problème avant d’aller plus loin », a indiqué la source. « Une seconde réunion charnière sera ensuite assez rapidement programmée, cette fois entre la commission et les organismes économiques », a-t-elle ajouté. Dirigée par l’homme d’affaires et ancien ministre des Télécoms Mohammad Choucair, cette organisation patronale rassemble plusieurs autres instances représentatives du secteur privée, dont l’Association des banques. Cette dernière a manifesté vendredi dans un communiqué sa franche hostilité au plan de redressement, qui consacre un important volet à la restructuration du secteur bancaire. L’association a en outre estimé que des « alternatives crédibles » existaient, sans préciser lesquelles, et appelé l’exécutif à coopérer afin de parvenir à « une solution consensuelle qui serve les intérêts de tous les Libanais ».
Sans encore constituer à lui seul une stratégie détaillée de sortie de crise, le plan du gouvernement pose les bases d’une feuille de route qui ambitionne de remettre le pays sur la bonne voie d’ici à cinq ans... du moins concernant la première phase. Au-delà des projets de réforme maintes et maintes fois brandis par les responsables politiques par le passé – électricité, lutte contre la corruption, numérisation des services publics, etc. –, le plan se distingue notamment par son état des lieux assez détaillé des pertes accumulées par la Banque du Liban et les établissement bancaires du pays au fil des années et dont les montants sont gigantesques par rapport à la taille de son économie. Des pertes liées à la combinaison de plusieurs facteurs – coût de la politique monétaire privilégiée par la Banque du Liban (BDL), l’exposition trop importante des banques à la dette publique ou encore l’incapacité de l’État à réduire ses déficits – qui ont fini par achever une économie à bout de souffle et en manque d’alternatives.
C’est donc sans surprise que deux des principaux chantiers du plan prévoient de restructurer la BDL, dont les réserves nettes sont négatives et celles disponibles ont atteint « un niveau inquiétant », ainsi que le secteur bancaire, qui a mis en place ces derniers mois d’importantes restrictions illégales sur les services bancaires normalement accessibles aux déposants. Or, s’agissant du secteur bancaire, les rédacteurs du plan ont catégoriquement exclu tout scénario de renflouement par l’État et ont prévu de protéger autant que possible « la majorité des déposants ».
« La principale charge du redressement se fera donc sur le compte des actionnaires et dirigeants de banques; des gros déposants (via un bail-in); des personnes politiquement exposées et autres auteurs présumés de délits d’initié qui auraient fait sortir leur argent du pays en connaissance de cause et dont l’État espère récupérer 10 milliards de dollars en cinq ans », explique un expert. « L’ABL ne l’entend pas de cette oreille et fait valoir de son côté qu’il n’est pas normal que l’État ne prenne pas un peu plus sur lui, notamment en privatisant ses actifs pour couvrir une partie des pertes », ajoute-t-il.
De fait, les rédacteurs du plan ont explicitement exclu la liquidation des actifs de l’État comme moyen potentiel de rembourser une partie de la dette, mais ont néanmoins prévu de faire passer une loi créant une société qui sera chargée de les gérer pendant dix ans, sur le modèle de celle imaginée par un plan alternatif publié courant avril par l’ex-secrétaire général du Haut Conseil pour la privatisation, Ziad Hayek, et un ancien dirigeant de banque, Gérard Charvet.
Mais la voix de l’ABL n’est pas la seule à s’être élevée contre les orientations du plan du gouvernement. Le député et président de la commission des Finances Ibrahim Kanaan a estimé hier que le plan de relance présenté cette semaine par le gouvernement comportait « plusieurs points d’interrogation », notamment au niveau des sources de financement de certains projets. Également membre du Courant patriotique libre, le député Alain Aoun a, lui, appelé à mettre en place des mesures « plus souples ». L’expert précité estime de son côté que la situation du Liban s’est tellement aggravée ces deux dernières années que les options sur la table sont désormais très limitées.
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Pourquoi tourner autour du pot alors que la solution est toute trouvée. Arrêter tous les voleurs et récupérer tout l’argent volé tout de suite avant d’élaborer des projets de redressements à long terme. Terme que les libanais n’ont jamais apprécié puisque tous les jours il y des mauvaises surprise pour stopper net tout projet et noyer le poisson pour continuer de ruiner ce pays et affaiblir son économie. Vous voyez de quoi je parle? Tant pis. Nous n’aurons besoin d’aucune aide extérieure ni de plans sur la comète si l’argent retrouvait le chemin originel. Vous passez très vite sur beaucoup de problèmes tels que EDL, DROITS DE DOUANES ÉVASION FISCALE ET BEAUCOUP D’AUTRES. Si vous n’êtes pas complices ça y ressemble.
Sissi zayyat
13 h 27, le 04 mai 2020