C’est après l’approbation en Conseil des ministres du plan de redressement économique du gouvernement que le président de la République, Michel Aoun, a décidé de convoquer les chefs de file politiques à une rencontre élargie prévue mercredi à Baabda. Une façon d’assurer au plan une couverture politique à même de faciliter sa mise en application. Même si les milieux proches de la présidence de la République assurent que le but premier est d’informer les partis politiques des grandes lignes du plan et de se faire une idée de leurs remarques à ce sujet.
Au vu de la composition du cabinet Diab jugé « monochrome », nombreux sont ceux qui s’attendaient à ce que le projet de redressement économique passe comme une lettre à la poste. D’autant que l’écrasante majorité des protagonistes en présence se disent conscients de la gravité de la crise économique qui secoue le pays. Mais il semble que la couverture politique au plan, voire à l’ensemble des décisions à prendre dans la prochaine phase, est nécessaire, comme le confie une source aouniste à L’Orient-Le Jour. D’autant que plusieurs partis, pourtant considérés comme les parrains de l’équipe Diab, n’ont pas manqué de formuler des réserves au plan gouvernemental. Il s’agit surtout du mouvement Amal du président de la Chambre Nabih Berry et du Courant patriotique libre.
Dans le prolongement des récentes critiques de M. Berry aux choix du cabinet en matière de redressement économique, Kassem Hachem, député de Marjeyoun, a critiqué le plan de relance, notamment en ce qui concerne le recours à une éventuelle ponction (haircut) qui porterait atteinte aux avoirs des épargnants.
À leur tour, Alain Aoun et Ibrahim Kanaan, respectivement députés aounistes de Baabda et du Metn, ont critiqué le plan gouvernemental dans certains de ses points. Mais le Courant patriotique libre devrait naturellement faire acte de présence à Baabda, mercredi. Il devrait être représenté par le chef du groupe parlementaire du Liban fort Gebran Bassil. Une décision que le groupe devra trancher dans les prochaines 48 heures. En attendant, une source parlementaire aouniste explique à L’OLJ qu’il est « naturel » que le CPL formule des remarques à propos du plan du cabinet. Et il profitera de la rencontre de mercredi pour présenter les alternatives qu’il juge adéquates. Quant aux Marada, ils entendent participer à la rencontre, de même que Fayçal Karamé qui représentera la Rencontre consultative.
Duel Futur-présidence
A contrario, et dans une volonté manifeste de consacrer le divorce politique avec le chef de l’État et son camp, le groupe parlementaire du Futur a décidé de boycotter le dialogue élargi de Baabda, y voyant une entorse à la Constitution.
Le groupe haririen a publié hier un communiqué expliquant les motifs de sa décision, tout en décochant des flèches en direction de Baabda et son locataire. « La bonne place pour informer les blocs parlementaires de la teneur du plan est la Chambre », souligne le texte. Il met en garde en outre contre « des pratiques et des décisions politiques qui vont à l’encontre de la Constitution » et qui « sont à même de consacrer un régime présidentiel aux dépens du système démocratique et parlementaire ».
Cette position haririenne éminemment politique a suscité une violente réaction de la part du bureau de presse de Baabda. Celui-ci a rendu public un communiqué dans lequel il s’en est pris au courant du Futur. « Si le groupe parlementaire du Futur a le droit de ne pas participer à la rencontre de mercredi, il n’est pas en droit de parler de «pratiques et décisions qui vont à l’encontre de la Constitution », souligne le texte, rappelant que ce n’est pas la première fois que le président convoque à ce genre de rencontres et que le Futur y avait pris part par le passé. « Le but de la rencontre est clair : il s’agit d’exposer le plan et de se faire une idée des remarques des chefs de file à ce sujet, et non pas de confisquer le rôle de la Chambre. Cela n’est ni l’objectif du président ni celui des participants à la rencontre. Il faut assurer l’unité nationale autour du plan avant le vote de certaines lois à même d’en faciliter l’application », peut-on encore lire dans le communiqué qui dénonce le fait que le président soit critiqué parce qu’il fait usage de ses prérogatives. « L’initiative du président est une application du principe de séparation des pouvoirs, prévu dans la Constitution », ajoute le communiqué. Réagissant au communiqué de Baabda, le courant du Futur a rappelé qu’il ne remet aucunement en question le droit du chef de l’État de convier les leaders politiques à une rencontre élargie, mais a estimé dans un communiqué que la réaction du bureau de presse suscite des doutes autour du meeting de mercredi. Et de se poser la question de savoir quel est l’intérêt de la tenue d’une rencontre après l’approbation du plan pour l’expliquer, alors que cela relève de la compétence du cabinet. « Le Futur ne se rappelle pas avoir participé à des réunions antérieures, mais ne doute pas de la (bonne) mémoire du président », ajoute le communiqué. Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur, s’est pour sa part montré clair. « Nos rapports avec le pouvoir sont totalement coupés », déclare-t-il à L’OLJ, ne voyant pas d’intérêt à la tenue de la rencontre. De même, les protagonistes de l’opposition, notamment les Kataëb et les FL, étudient l’importance de participer à un dialogue tenu après l’approbation du plan. Les deux partis n’ont pas besoin d’explications, mais attendent les actes et les réformes comme l’avait promis le Premier ministre, soulignent leurs sources. Les deux partis devront prendre leur décision à l’issue de réunions et concertations internes. Quant au Parti socialiste progressiste, il a tenu hier une réunion à l’issue de laquelle il a décidé de prendre part à la réunion, mais sans en préciser le représentant.
Pharaon met en garde contre des agendas secrets empêchant des réformes réelles
Dans une déclaration, hier, l’ancien ministre Michel Pharaon s’est dit en faveur d’un appui à toute mesure gouvernementale pouvant sauver le pays mais a mis en garde contre « des agendas secrets qui risquent encore une fois d’empêcher un compromis politique, des réformes réelles représentant la voie vers une sortie de crise et un rapprochement entre le Liban et ses amis arabes et européens ». Dans le même ordre d’idées, il a averti contre les dangers et impacts des crises régionales sur le Liban. « Que celui qui veut s’y impliquer se rende en Syrie. Le Liban bénéficie de nombreuses résolutions internationales sur lesquelles il est possible de bâtir pour améliorer sa stabilité, son avenir et régler sa crise », a-t-il ajouté en plaidant en particulier pour l’application des résolutions de la conférence nationale du dialogue et pour une entente autour d’une stratégie de défense.
Très critique à l’égard du secteur bancaire et de « certains responsables politico-financiers », il leur a reproché de ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme face à une politique à risques qui disposait des avoirs des déposants pour financer l’État. Selon lui, « leur cri d’alarme est aujourd’hui tardif ». Quant à la Banque du Liban, elle était prise à ses yeux « entre l’enclume du financement de l’État, en dépit de la corruption, et le marteau du maintien de la confiance des déposants pour empêcher une fuite des capitaux ». « Quoi qu’il en soit, a poursuivi M. Pharaon, c’est le peuple qui paie aujourd’hui le prix de ces politiques, parce qu’une partie connue a fait échec à des occasions qui se sont présentées pour le pays, en empêchent l’application des réformes envisagées lors de la conférence de Paris 3, le maintien de la stabilité politique après le retournement contre l’accord de Doha, la réforme du secteur de l’électricité, au profit de certains, l’autonomie de la justice et en faisant fuir les investisseurs ». Selon lui, il est « normal de douter aujourd’hui de la capacité du gouvernement à entreprendre des réformes et à demander des comptes, au moment où ses parrains assument une grande part de responsabilité par rapport à l’état dans lequel le pays se trouve depuis quinze ans ».
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Comment ne pas comprendre le boycott de certains lorsque qu’ils savent par expérience qu’ils ne sont pas à leur premier tour d’entourloupe et de magouille. Tous leurs projets tournent autour d’une chose. Sauvez la mise de HB qui se trouve dans de mauvais draps pour assurer sa pérennité et obtenir en contre partie le fauteuil présidentiel qui se jouera entre Bassil et Frangieh avec la bénédiction de la Syrie et leur élu sera leur marionette. Ceux qui se présentent à la réunion de mercredi pour voir ce qu’il en est, facilitent les projets en cours qui se décident en coulisse et non rien compris à la politique depuis le temps. Ils veulent les mêler malgré leur nez à leurs projets de la main mise sur le pays pour s’en sortir et pour mieux leur rejeter la faute plus tard. Vous y étiez et vous n’avez rien dit...
Sissi zayyat
11 h 55, le 04 mai 2020