La communauté internationale n’y va plus par quatre chemins. Elle ne cache plus sa déception de voir les débats futiles relevant de la politique politicienne prendre le dessus, alors que la crise économique et financière, ainsi que celle suscitée par le coronavirus battent leur plein.
Cette « déception », l’ambassadeur de France Bruno Foucher l’a exprimée sur son compte Twitter, à l’issue d’un entretien avec le Premier ministre Hassane Diab au Sérail. « Nouvel entretien avec le Premier ministre. Le plan économique et financier (du cabinet) sera bientôt prêt. Le FMI doit y être associé et les premières mesures prises d’urgence. Déception sur le renvoi en commissions d’un projet visant à stimuler l’économie et à aider les plus démunis », a écrit le diplomate. Il faisait ainsi allusion à un projet de loi présenté par le cabinet Diab, mais que le Parlement, réuni mardi et mercredi derniers à l’Unesco, n’a pas adopté faute de quorum. Le texte en question autorise l’ouverture d’un crédit de 1 200 milliards de livres libanaises pour soutenir les secteurs agricole et industriel.
Cette flèche décochée par l’ambassadeur de France en direction du Parlement ne saurait être isolée du contexte dans lequel elle est intervenue. Le diplomate a lancé cette pique à l’heure où le pouvoir en place continue d’atermoyer concernant la mise en application des réformes économiques structurelles exigées par la communauté internationale afin de débloquer les fonds promis au Liban depuis la conférence de Paris dite CEDRE (avril 2018).
Une source diplomatique confie dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que la communauté internationale s’attendait à ce que le Parlement vote certains projets et propositions de lois portant sur les réformes tant attendues, au lieu de se noyer dans des disputes à caractère politique en temps de crise. Elle se montre soucieuse de préciser que la déception évoquée par Bruno Foucher ne porte pas sur l’action du cabinet de Hassane Diab, mais plutôt sur celle de la Chambre, à l’heure où le Liban devrait mettre en place les réformes économiques dans les plus brefs délais.
Le retard dans l’approbation des mesures de redressement économique n’est naturellement pas sans susciter des craintes quant à la pérennité des aides prévues dans le cadre du programme avalisé lors de la conférence de Paris. Mais la source diplomatique se veut rassurante : le programme CEDRE est toujours sur la table. Toutefois, il y a du travail à faire du côté du Liban dans les plus brefs délais, insiste-t-elle, rappelant que les réformes exigées sont connues, à commencer par l’électricité.
C’est ce point de vue que Bruno Foucher a transmis à Hassane Diab lors de leur entretien hier, exhortant le Liban à définir ses priorités dans le cadre des projets financés par les aides internationales. Et c’est à ce stade que la communauté internationale s’attendait à ce que le Parlement adopte les réformes structurelles, confie encore la source.
En dépit de ces assurances internationales, les milieux proches du Grand Sérail accusent à travers L’OLJ certains groupes parlementaires, principalement ceux qui sont hostiles au gouvernement, de ne pas aider l’équipe ministérielle à mettre sur les rails le processus de réformes. Les milieux gouvernementaux assurent toutefois que le cabinet entend présenter le plan de redressement économique la semaine prochaine comme prévu, espérant que les nominations des quatre vice-gouverneurs de la Banque du Liban verront le jour prochainement.
(Lire aussi : Au Parlement, des renvois en commission à la pelle et une fin en queue de poisson)
Shea chez Frangié
Entre-temps, l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea, accusée par le Hezbollah de s’ingérer dans l’affaire des nominations financières, a poursuivi sa tournée auprès des leaders politiques. Après avoir rencontré les leaders du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et des Forces libanaises Samir Geagea, la diplomate s’est entretenue hier à Bnechii avec le chef des Marada, Sleiman Frangié. De source proche de ce dernier, on apprend que la rencontre a constitué une opportunité d’inaugurer une nouvelle page de communication entre les deux parties.
De son côté, Casey Bonfield, porte-parole de l’ambassade des États-Unis à Beyrouth, se contente de déclarer à L’OLJ que lors de ses entretiens avec les chefs de file libanais, Mme Shea a évoqué la question des aides américaines au Liban, ainsi que le dossier du Covid-19 et la crise économique dans le pays.
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19 h 40, le 24 avril 2020