Des Libanais ont investi jeudi en début de soirée les rues à Beyrouth et dans plusieurs régions du pays pour protester contre la chute vertigineuse de la livre libanaise face au dollar qui s'est poursuivie aujourd'hui, conséquence de la plus grave crise économique et financière que traverse le pays depuis 30 ans.
Des contestataires se sont ainsi rassemblés devant le siège de la Banque du Liban dans le quartier de Hamra, à Beyrouth, pour protester contre "le pouvoir des banques", appelant à la démission du gouverneur Riad Salamé.
Selon les médias locaux, des devantures de banques et distributeurs de billets ont été saccagés dans plusieurs rues de la capitale.
Dans le centre-ville, un autre groupe à bord de mobylettes a saccagé des affiches ainsi que le sphinx de la contestation avant de se retirer après l’intervention des Forces de sécurité intérieure. La sculpture devait être remplacée tout de suite après. Ces individus ont également détruit une structure fabriquée à la main par Pierre Abboud, a rapporté la chaîne de télévision locale MTV. Pierre Abboud est un architecte et un artiste qui a récupéré des tonnes de canettes de soda et de bouteilles d’eau pour réaliser des œuvres célébrant le mouvement de contestation au Liban et sensibilisant sur la préservation de l’environnement.
Photo prise dans le centre-ville de Beyrouth, le 23 avril 2020. Photo João Sousa.
Et selon notre correspondant à Saïda, Mountasser Abdallah, ce sont une cinquantaine de contestataires qui se sont réunis devant le siège de la BDL à Saïda. Ils scandaient des slogans contre les mesures mises en place par les banques qui, selon eux, aggravent la crise économique du pays laquelle pèse de plus en plus lourd sur les épaule des Libanais. Par la suite, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs rues de la ville. Une dispute entre les manifestants a fait deux blessés, ajoute notre correspondant. L'armée a de son côté arrêté sept contestataires avant de les relâcher plus tard dans la soirée.
Une manifestation devant le siège de la BDL à Tripoli, au Liban-Nord, a également eu lieu.
Dans la Békaa, de violents affrontements ont opposé à Taalabaya des manifestants à l'armée qui tentait de les disperser, faisant des blessés, selon notre correspondante Sarah Abdallah. Des manifestations ont également eu lieu a Baalbeck (Békaa) et à Nabatiyé, au Liban-Sud, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
En régions, des manifestants ont brièvement coupé l'autoroute côtière à hauteur de Dbayé, dans le Metn, ainsi qu'à Jiyé, dans le caza du Chouf.
L'autoroute au niveau de Dbayé coupée par des manifestants. Photo fournie par le groupe WhatsApp SawratCom.
Certaines sources ont confié à L'Orient-Le Jour que le dollar s'échangeait jeudi entre 3.650 et 3.800 L.L. juste avant la fermeture des bureaux de change. Ce taux est plus du double du taux officiel de change, la monnaie nationale étant indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1.507 livres. Une circulaire de la Banque centrale en mars avait pourtant plafonné le taux de change sur le marché parallèle à 30% de plus que le taux officiel. La barre symbolique des 3.000 L.L. pour un dollar avait été franchie la semaine dernière.
Le Liban traverse depuis l'an dernier sa pire crise économique en 30 ans, amplifiée par le coronavirus et les mesures draconiennes de confinement ayant mis le pays à l'arrêt. Les banques ont totalement suspendu les retraits d’espèces en devises depuis le début de l’état d’urgence sanitaire décrété le 15 mars. Le secteur bancaire avait d’ailleurs fortement restreint les plafonds de ce type d’opérations des mois plus tôt, pour tenter – sans succès – de limiter les effets de la grave crise que traverse le pays, et qui s’est transformée en crise de liquidités.
Le gouvernement est sur le point d'annoncer un plan de sauvetage économique devant déboucher sur un début de restructuration de la dette et une éventuelle aide externe. Le plan évoque des besoins de financement de plus de 80 milliards de dollars, dont 10 à 15 milliards d'aides étrangères sur cinq ans. Le pays croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du PIB, l'un des taux les plus élevés mondialement.
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commentaires (4)
La crise économique ne s'est pas dégradée depuis 2019 Mais depuis bien avant. Pire quand le Président de la république en avait parlé en 2016 et que des experts faisaient le bon diagnostic, tous s'indignaient car on ne peut pas ternir l'image du pays et des responsables de la politique monétaire . Le pays est quasi Sous sanctions depuis des années : des banques sujettes à fermeture , des libanais pourchassés et sanctionnés, les réfugiés imposés , Pas d'aide permise au pays et nos moyens ne permettent plus depuis juillet 2019 , d'importer que de la farine , les médicaments et le pétrole . Il aurait fallu depuis 2017 au moins demander à restructurer la dette des Eurobonds, mettre un plan de relance et on aurait epargne au pays cette situation catastrophique. Espérons quand même qu'ils ne cherchent pas à nous imposer le come back de 1992 .
Lecteurs OLJ 2 / BLF
05 h 12, le 24 avril 2020