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Politique - Gouvernement

Entre Aïn el-Tiné et le Sérail, le fossé se creuse davantage

Nabih Berry exprime son opposition à tout haircut.

Zeina Acar et Nabih Berry à Aïn el-Tiné, hier. Photo ANI

Le président de la Chambre Nabih Berry, pourtant perçu comme l’un des principaux parrains du gouvernement Diab, continue de vertement critiquer certains choix opérés par l’équipe ministérielle, notamment sur le double plan économique et financier.

Après avoir manifesté sa farouche opposition à tout projet de loi instituant un contrôle des capitaux dans le cadre d’un règlement de la crise financière grave qui secoue le pays, le chef du législatif a exprimé hier son rejet de toute éventuelle ponction d’une partie des avoirs des déposants dans les banques (haircut) que le cabinet pourrait envisager dans le cadre de son plan de sauvetage de l’économie libanaise. S’exprimant hier devant ses visiteurs, Nabih Berry n’y est pas allé de main morte : « Priez pour le repos de l’âme du haircut, tout comme vous l’aviez déjà fait pour le contrôle des capitaux », a-t-il lancé. Insistant sur l’importance de remédier aux causes de la crise actuelle, M. Berry, aux commandes du Parlement depuis 1992, a réitéré son appel à la mise en place d’une série de réformes dans les plus brefs délais. Le chef d’Amal a en outre précisé que ces mesures de redressement devraient commencer par la mise en application des lois portant sur la lutte contre le gaspillage et la corruption, et ne pas toucher à l’argent des épargnants, celui-ci étant « sacré ».

Assurant qu’il entretient de bons rapports avec le Premier ministre Hassane Diab, il a rappelé que le Parlement exerce principalement un pouvoir de contrôle, plaidant une fois de plus pour le recouvrement des fonds transférés à l’étranger après le 17 octobre 2019, début de la révolte populaire contre toute la classe politique libanaise, accusée de corruption.

Début février, Nabih Berry avait relancé la polémique des fonds transférés par de riches déposants, dont cinq directeurs de banque. Un peu plus tard, une décision du juge financier Ali Ibrahim, proche du président de la Chambre, de geler les avoirs de 21 banques devait mettre le pays en émoi. La décision a été cassée quelques heures plus tard par le procureur de la République Ghassan Oueidate, en raison des conséquences désastreuses qu’elle risquait d’avoir sur le secteur bancaire.

Est-ce une façon pour M. Berry de se laver les mains de toute une époque politique durant laquelle il était omniprésent aux côtés de l’exécutif, sous prétexte de l’entente générale et de la démocratie consensuelle ? Non, répondent sans surprise des proches du président de la Chambre qui affirment que ce dernier s’exprimait en tant que président de l’institution qui exerce un contrôle sur l’action de l’exécutif. Les propos de Nabih Berry (qui a reçu hier la ministre de la Défense, Zeina Acar) interviennent à l’heure où le gouvernement s’apprête à se lancer dans l’examen d’un programme de sauvetage économique dont quelques points ont fuité en fin de semaine. Un passage du texte affirmant la volonté du cabinet de « ne pas porter atteinte aux économies de 90 % des déposants », qui, selon des sources gouvernementales, constituent l’essentiel des clients de banques possédant des comptes inférieurs à 200 000 dollars, a suscité des craintes d’un haircut.

L’éventualité d’un recours au haircut a suscité un tollé dans certains milieux politiques et professionnels durant le week-end écoulé. Hassane Diab y a réagi hier en Conseil des ministres, mais ses propos semblaient aussi s’adresser implicitement au président de la Chambre. Prenant la parole durant la réunion du gouvernement au Sérail, il a estimé que son équipe est « clairement visée par une campagne politique » et s’est dit « surpris » de cette levée de boucliers alors que le cabinet avait assuré, selon ses propos, que les dépôts de 90 % des épargnants sont en sécurité. « Cette campagne vise à nous entraîner dans une polémique, mais nous ne nous laisserons pas emporter par une telle polémique pour l’instant. Nous répondrons prochainement de manière scientifique, sans attiser les antagonismes », a encore dit M. Diab.

Vers l’opposition ?

Ce n’est pas la première fois qu’une mésentente entre Aïn el-Tiné et le gouvernement Diab se manifeste. Il y a quelques semaines déjà, Nabih Berry avait violemment critiqué le gouvernement et menacé de retirer ses ministres si celui-ci ne rapatriait pas les Libanais bloqués en Afrique. Se rapproche-t-il, dès lors, de l’opposition ? La question se pose dans certains milieux politiques, dans la mesure où ses positions convergent avec plusieurs protagonistes hostiles au cabinet, notamment les Forces libanaises, le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste.

Dans les milieux de Aïn el-Tiné, on met en garde contre les « conclusions hâtives », pour reprendre les termes d’un proche de M. Berry contacté par L’Orient-Le Jour. Selon lui, « le président de la Chambre s’oppose à toute mesure qui porterait préjudice à la population ». Et s’il exprime cet avis, ce n’est pas pour mettre des bâtons dans les roues du cabinet, mais pour protéger les gens et leurs droits. « Il est inconcevable de puiser dans les poches des citoyens avant de songer à lutter sérieusement contre la corruption et le gaspillage », ajoute ce proche de Nabih Berry, avant d’assurer que les positions du président de la Chambre ne « mettent pas le gouvernement en péril, parce que nous continuerons à soutenir cette équipe ministérielle qui est la nôtre et que tout le monde est conscient que ce n’est pas le moment de torpiller le cabinet ».

Le président de la Chambre Nabih Berry, pourtant perçu comme l’un des principaux parrains du gouvernement Diab, continue de vertement critiquer certains choix opérés par l’équipe ministérielle, notamment sur le double plan économique et financier. Après avoir manifesté sa farouche opposition à tout projet de loi instituant un contrôle des capitaux dans le cadre d’un règlement de...

commentaires (7)

On s'en tape.

LE FRANCOPHONE

14 h 59, le 15 avril 2020

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Commentaires (7)

  • On s'en tape.

    LE FRANCOPHONE

    14 h 59, le 15 avril 2020

  • Ça va sûrement affecté le prix des figues aux habitants du sérail. Pt'etre qu'il se limiteront aux dattes pour leurs sucreries! Je me demande

    Wlek Sanferlou

    14 h 16, le 15 avril 2020

  • C'est un peu drôle que personne ne propose de reprendre une grande partie des intérêts indécents que les banques ont payé aux riches déposants depuis 10 ou 15 ans. Rien qu'avec une telle mesure ils peuvent récupérer 20 ou 30 milliards. beaucoup Mieux qu'un haircut et plus logique. Le client qui a bénéficié des intérêts élevés pendant 10 ou 15 ans doit contribuer plus que celui qui a déposé en 2017 ou en 2018 par exemple.

    Shou fi

    11 h 15, le 15 avril 2020

  • SUR CE POINT JE LUI DONNE RAISON. IL Y A DES MILLIARDAIRES, DES MULTIMILLIONNAIRES, DES CORROMPUS ET DES VOLEURS ET DES TRAFIQUANTS BIEN CONNUS DU PLUS HAUT DE L,ECHELLE ET JUSQU,A SA BASE, DES PREDATEURS BANQUIERS, DES FONCTIONNAIRES DES SECTEURS PUBLICS QU,ILS SOIENT DES CHEFS D,ETAT OU DE SIMPLES EMPLOYES. APPLIQUEZ A TOUT CE MONDE LE MEN AYNA LAKA HAZA ET CONFISQUEZ PROPRIETES ET AVOIRS QUI DEPASSENT LE SALAIRE DE CHACUN. FAITES PAYER LES ACCAPAREURS DU LITTORAL. IL Y A DES MILLIARDS A ENCAISSER. BAS LES MAINS DES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 42, le 15 avril 2020

  • Une des réformes les plus urgentes à appliquer devrait consister à renvoyer chez eux les arrière-grand-pères qui continuent à s'accrocher à leur siège, et se croient permis de tout contrôler, même ce qui ne concerne pas leur fonction ! Et de leur faire comprendre que les temps ont changé...depuis 1992 ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 05, le 15 avril 2020

  • Ne vous fiez pas aux apparences. Le plan du gouvernement est insuffisant car il ne comprend pas les réformes nécessaires pour fermer le trou budgétaire. Alors que l'opposition de Berri au haircut serait pour préserver sa fortune et celles des autres aussi. Le gouvernement ne fait aucun effort pour gagner la confiance des déposants, et surtout des protestataires qui méritent un meilleur Liban. Par contre, ceux qui pratiquent toujours le "culte de la personnalité" méritent tous ce qu'ils subissent. Il nous faut quatre millions de protestataires dans les rues une fois que le phénomène "Corona" est résorbé. Le gouvernement doit commencer par entamer la réforme des ministères, diminuer les effectifs de l'état, étouffer le trafic frontalier illégal, récupérer les bien publics maritimes, identifier les avoirs en immobilier de l'État qui pourraient être vendus. Il devra aussi appliquer un haircut de 90 % à tous ceux qui ont volés l'argent de l'État et de 50 % à ceux qui ont investis dans les eurobonds (en faisant un swap avec de nouveaux bonds de valeur moitié). Ensuite on verra ce qui reste à faire.

    Zovighian Michel

    06 h 39, le 15 avril 2020

  • Celui-la faut faire ce qu'il dit, sinon il vous envoie ses gueux soit dans la rue, soit dans votre immeuble comme nouveaux voisins. A la carte... Maintenant, dans son vieil age, il nous donne des cours de droit constitutionnel. On croit rêver.

    Mago1

    01 h 49, le 15 avril 2020

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