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Économie - Réglementation

Pandémie : l’Aldic souligne les lacunes du droit du travail en cas de circonstances exceptionnelles

L’association a soumis plusieurs propositions d’aménagement à la législation actuelle au ministère concerné.

Le code du travail n’appréhende pas les mesures pouvant être convenues entre les employeurs et leurs salariés en temps de crise. Photo P.H.B.

L’économie libanaise, qui enchaîne les revers depuis l’année dernière, serre les dents en attendant la levée des mesures de confinement décrétées le 15 mars pour lutter contre le coronavirus (Covid-19) et dont l’application a été prolongée jusqu’à la fin du mois. Une situation critique pour de nombreuses entreprises qui, dans le meilleur des cas, continuent de fonctionner au ralenti, et sont de plus en plus nombreuses à envisager de mettre la clef sous la porte ou de licencier tout ou une partie de leur personnel.

Et celles qui tentent malgré tout de préserver leurs salariés, en réduisant temporairement leurs horaires de travail ou leurs rémunérations, s’exposent à des poursuites, dans la mesure ou la législation locale en matière du droit du travail est lacunaire concernant ce type d’aménagements justifié par des circonstances exceptionnelles. Une situation dénoncée par l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) qui a récemment préparé une étude sur le sujet.

L’association souligne de plus que les décisions pouvant être prises pendant cette crise en l’absence de cadre légal précis menacent également les droits et les acquis sociaux des travailleurs. Le code du travail ne prévoit en effet pas non plus de dispositif, en dehors du cas du licenciement économique, permettant de garantir que leur employeur recommencera à les solliciter aux mêmes conditions – salaires, horaires, couverture sociale, ancienneté, etc. – une fois la crise passée. Cela sous réserve cependant du droit de contester les licenciements abusifs en justice.


(Lire aussi : Le secteur privé propose un plan de sauvetage chiffré à 6,4 milliards de dollars)


Difficultés pas prises en compte 
Ces difficultés n’ont enfin pas été prises en compte par le gouvernement au moment de décréter l’état d’urgence sanitaire, ce qui a convaincu trois avocats membres d’Aldic – son président, Karim Daher, ainsi que Nasri Diab et Carine Tohmé – d’émettre des propositions d’aménagement des relations employeurs/employés pendant cette période de pandémie mondiale exceptionnelle et de confinement qualifiée par de nombreux autres pays (dont la France) de force majeure. Ces aménagements pourront ensuite être régularisés par la suite avec ou sans amendements au code du travail, comme cela a été le cas dans l’histoire du pays. « Cela évitera d’attendre que le Parlement réagisse », justifie l’Aldic.

Les trois juristes appellent en outre les autorités à s’inspirer de ce qui a été récemment fait à l’étranger, notamment en France, où l’exécutif a légiféré par ordonnances pour assouplir le droit du travail, en étendant notamment le dispositif existant pour le chômage partiel. Les mesures proposées visent également à permettre de minimiser les dommages causés par le confinement qui est survenu à un moment où le Liban traverse la pire crise économique et financière de son histoire, laissant à un État failli (qui a fait défaut sur la dette en devises début mars) avec peu de moyens soutenir financièrement le secteur privé.

Aujourd’hui, seul l’article 50 (f) du code du travail appréhende les situations exceptionnelles similaires à celle actuellement traversée en autorisant les employeurs à mettre fin à certains ou tous les contrats de travail en cas de force majeure, ou si «des circonstances économiques ou (techniques)»  l’y obligent. La réduction de la taille de l’entreprise, le changement d’organisation ou l’arrêt d’activité sont cités comme motifs recevables, et le texte contraint simplement les employeurs à notifier le ministère du travail de leur décision un mois à l’avance en fournissant toutes les données nécessaires pour assurer un suivi.

De plus, le code des obligations et des contrats (article 624) consacre un principe qui dispense une personne de rémunérer son cocontractant si ce dernier ne fournit aucune prestation. Le principe de « pas de travail, pas de salaire » a notamment été privilégié par le conseil arbitral du travail pour trancher un litige en 1967 (né des événements de 1958) en faveur de l’employeur reconfirmé par une décision de la Cour de cassation en 2011. « Néanmoins, d’autres jurisprudences contraires peuvent lui être opposées, sans oublier les engagements conventionnels du Liban, dont l’article 7 de la Convention arabe de 1983 pour la protection des salaires à laquelle le Liban a adhéré », rappellent encore les auteurs des propositions.


(Pour mémoire : Licenciements : le ministre du Travail veut adapter la loi aux circonstances actuelles)



Salaire minimal
« C’est en raison de ces discordances précisément et de leurs risques que des aménagements consensuels urgents sous l’égide du ministère du Travail sont nécessaires », juge l’Aldic, avant de lister ses alternatives qui peuvent être modulées selon les circonstances propres à chaque secteur et à chaque entreprise. L’objectif étant de protéger les salariés tout en permettant à leurs employeurs de survivre pendant cette période.

La première mesure suggère de fixer à chaque secteur, filière ou type d’activité un « salaire minimal » pendant la durée du confinement, même en cas de baisse drastique d’horaires. Dans le cas où il serait impossible de travailler et que l’employeur souhaiterait « suspendre » le contrat de travail, le collectif exhorte à fixer un montant minimum qui serait inférieur à celui fixé pour le premier cas de figure et qui diminuerait graduellement jusqu’à être suspendu si la situation de l’entreprise se dégrade. Concernant ce dernier point, l’employeur doit pouvoir prouver qu’il se trouve dans l’incapacité de travailler, dû à des « problèmes économiques et techniques », pour justifier la suspension.

Durant cette période, le paiement de certaines ou plusieurs charges habituellement dues par l’employeur (indemnités de transport, de fin de service, cotisations maladie-maternité, allocations familiales ou pour l’enseignement) serait suspendu, et leur financement assuré par une entité tierce locale (la Caisse nationale de Sécurité sociale) ou internationale (une organisation prête à soutenir le Liban pendant cette crise), ou encore un fonds créé à cette fin.

La deuxième proposition permettrait d’utiliser plusieurs mesures successives comme variables d’ajustement le temps de la crise, à commencer par les congés payés si l’employé possède au minimum un an d’ancienneté. Son employeur pourrait aussi décider d’accorder des congés supplémentaires équivalant à la moitié d’un mois de salaire pour passer par la suite successivement, en cas de prolongement du confinement, à un congé sans salaire puis à une suspension juqu’à la résiliation. Pour les employés confinés au télétravail, l’employeur pourrait réduire le salaire d’un tiers ou de moitié, en fonction du type de travail, du nombre d’heures travaillées, de sa situation familiale et de son ancienneté ; voire éventuellement suspendre le contrat de travail en cas d’absence de contrepartie.

Ces mesures ne dispenseront pas toutefois le droit pour l’employeur de mettre fin aux contrats de travail de ses employés dans les conditions prévues par la loi (notamment concernant les indemnités dues et le préavis). Mais elles accorderont toutefois une certaine marge de manœuvre aux deux parties.

Une troisième proposition consiste enfin à permettre aux employeurs et aux employés de bonne foi qui négocient des aménagements temporaires de leur activité, de faire valoir leur convention par rapport à la loi, ce qui contraindra les deux parties à en respecter les termes pendant toute la durée de la période exceptionnelle et à rétablir les termes du contrat initial lorsque cette dernière se terminera.

Ces propositions sont conditionnées au fait que les employeurs doivent suivre le plan décidé (ou une des alternatives proposées) par le ministère du Travail et se trouvent également dans l’obligation de payer les cotisations des deux branches maladie/maternité et allocations familiales à la CNSS. Les auteurs de cette proposition rappellent pour conclure que ces mesures ont pour but d’assurer la survie des entreprises et celle de leurs salariés, et c’est pour cette raison qu’ils suggèrent l’adoption de mesures d’accompagnement nécessaires, comme l’abaissement du coût de la vie, des frais médicaux ou d’enseignement, ou le report sans intérêts d’autres engagements financiers.

L’économie libanaise, qui enchaîne les revers depuis l’année dernière, serre les dents en attendant la levée des mesures de confinement décrétées le 15 mars pour lutter contre le coronavirus (Covid-19) et dont l’application a été prolongée jusqu’à la fin du mois. Une situation critique pour de nombreuses entreprises qui, dans le meilleur des cas, continuent de fonctionner au...

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