Réagissant à deux mandats d’arrêt syriens dressés à son encontre et à l’encontre du journaliste Farès Khachane pour « atteinte aux relations entre la Syrie et le Liban », parvenus aux ministères des Affaires étrangères et de la Justice, le député Marwan Hamadé a affirmé hier sur le ton de l’ironie : « On m’a déjà fait l’honneur de tenter de m’assassiner (en octobre 2004) et, ultérieurement, de décerner à mon encontre des mandats d’arrêt successifs que le Parlement libanais a rejetés. Tout ce que peut publier un régime déchu, accusé internationalement de massacres, d’avoir utilisé des gaz toxiques (contre la population civile), ne nous concerne pas. »
La Syrie reproche au député Marwan Hamadé et au journaliste Farès Khachane de l’avoir injustement accusée de complicité dans l’affaire de l’assassinat le 14 février 2005 de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, tué dans l’explosion d’un camion piégé. Les principaux accusés dans cette affaire, que le Tribunal spécial pour le Liban (TSL, siégeant à La Haye) examine depuis 2009, sont cinq membres présumés du Hezbollah.
Commentant pour L’Orient-Le Jour ce récent épisode de poursuites judiciaires qui remonte à 2006, Marwan Hamadé a déclaré hier : « Cette affaire est ridicule, d’autant plus que tous les mandats précédents ont fini dans la poubelle des juges d’instruction, du Parlement, des parquets internationaux et d’Interpol car, aux yeux de tous, le régime syrien, qui a assassiné Rafic Hariri avec l’aide de forces locales bien connues, poursuit sa campagne d’intimidation contre tous ceux qui continuent de le critiquer. Il est bien mal placé, après avoir tué un demi-million de Syriens, gazé quelques milliers d’entre eux et détruit son propre pays, aujourd’hui divisé et écartelé, pour s’en prendre à notre liberté de parole, que nous continuerons d’exercer quelles que soit la menace et les invectives. » « Ce n’est pas simple coïncidence, a poursuivi M. Hamadé, que ces mandats soient relancés après la publication de l’acte d’accusation par La Haye dans les affaires Murr, Haoui et Hamadé, ni à un mois environ du verdict prévu en mai dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Plutôt que de s’adresser à la justice libanaise contre des députés et des journalistes, ce qu’on appelle “justice syrienne” ferait mieux de nous livrer le sinistre Ali Mamlouk, fournisseur de cadeaux explosifs. »
Lien de connexité
Le TSL, rappelle-t-on, a rendu public en septembre 2019 un acte d’accusation contre un membre du Hezbollah, Salim Ayache, qui serait impliqué dans l’attentat du 1er octobre 2004 contre Marwan Hamadé, celui du 21 juin 2005 contre Georges Haoui et celui du 12 juillet 2005 contre Élias Murr. Ces attentats présentaient un « lien de connexité » avec celui du 14 février 2005 au cours duquel l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et 18 autres personnes ont été tués, estime le tribunal.
Dans cette dernière affaire, le TSL a délivré six mandats d’arrêt depuis 2011 contre des membres du Hezbollah, qui a rejeté toute paternité de l’attentat et exclu la remise des suspects. Les deux principaux accusés sont Moustapha Badreddine, 52 ans, décrit comme le « cerveau » de l’attentat par les enquêteurs, mort depuis et qui ne sera donc pas jugé, et Salim Ayache, 50 ans, accusé d’avoir été à la tête de l’équipe qui a mené l’attaque.
Dans l’affaire de l’officier syrien Ali Mamlouk, le premier juge d’instruction militaire, Riad Abou Ghida, avait requis en 2013 la peine de mort contre l’ancien ministre Michel Samaha et l’officier, alors chef des services de renseignements syriens, aujourd’hui vice-président à la Sécurité nationale, les accusant d’avoir voulu commettre des attentats terroristes au Liban et provoquer une discorde communautaire.
Indépendance de la justice et lutte contre la corruption
Sur un plan plus général, le député a annoncé que le bureau de la Chambre dont il fait partie se réunit mardi prochain à Aïn el-Tiné pour préparer une séance législative, dont la forme n’a pas encore été décidée. Il a été question d’en tenir une par vidéoconférence, apprend-on, mais la séance en question pourrait se tenir le 26 avril, après la date de levée de l’état de mobilisation et de confinement de la population.
M. Hamadé, qui juge l’ordre du jour de cette séance législative « assez maigre », considère qu’il faut y ajouter de toute nécessité le projet de loi sur l’indépendance de la magistrature, ainsi que le projet de création de l’organe chargé de la lutte contre la corruption, qui doit être débattu en seconde lecture après avoir été rejeté par le président Michel Aoun.
Le Parlement souhaite dans sa majorité que le texte initial qui accorde au Conseil supérieur de la magistrature la prérogative de nommer les juges qui seront membres de cette Cour suprême soit maintenu, alors que le président de la République veut confier cette prérogative au ministre de la Justice.
Sur un autre plan, Marwan Hamadé a jugé sévèrement le plan de sauvetage économique en cours d’examen par le gouvernement, estimant qu’il risque de conduire « à l’explosion du gouvernement ou du pays ». Pour lui, « ce soi-disant plan n’est rien d’autre en définitive que la négation du système économique libanais, de ses libertés et de son pouvoir futur de se rallier les appuis des Libanais d’outremer ».
commentaires (5)
Où sont les assassins du président Béchir Gemayel, du président Rafic Hariri ? de Kamal Joumblatt ? Etc. Etc. Etc.
Un Libanais
18 h 06, le 10 avril 2020