À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Les experts et analystes aux quatre coins de la planète s’accordent à souligner que les multiples retombées sociales et économiques de la pandémie impliqueront une profonde modification dans notre façon de penser, de percevoir les choses de la vie, d’aborder les grands problèmes auxquels le monde est aujourd’hui confronté. Des mégaprojets de soutien aux entreprises et aux salariés sont déjà sur le tapis dans nombre de pays afin d’éviter des faillites en masse et, par le fait même, des taux surélevés de chômage. Le récent sommet du G20 a prévu une enveloppe de 5 000 milliards de dollars à cette fin.
À Washington – fait significatif qui devrait donner à réfléchir à certains de nos politiques –, républicains et démocrates ont mis une sourdine à leur rivalité ancestrale pour s’entendre sur le plus grand projet de soutien socio-économique de l’histoire des États-Unis, le CARES Act (Coronavirus Aid, Relief & Economic Security) permettant à l’administration Trump de débloquer 2 200 milliards de dollars pour venir en aide aux familles, aux salariés et aux entreprises US. Cette loi a été votée par le Sénat et la Chambre des représentants sans que le Parti démocrate ne songe à se livrer à des manœuvres politiciennes pour tenter de la bloquer afin de ne pas en accorder le crédit au chef de la Maison-Blanche. À bon entendeur…
Il ne s’agit évidemment pas de faire une quelconque comparaison sur ce plan avec le cas spécifique du Liban et de se lancer à ce sujet dans de stériles leçons de morale. Mais loin de tout angélisme, force est de souligner que l’épreuve actuelle devrait inciter certains de nos décideurs à s’accorder un temps de réflexion pour se convaincre eux-mêmes des vertus de ce que nombre de Libanais dédaignent trop souvent, à savoir l’esprit civique, dans sa dimension la plus noble.
Face aux diverses conséquences de la propagation du coronavirus, deux types d’actions devraient être mis en place. Les initiatives de solidarité sociale d’abord, afin de surmonter les problèmes qui surgissent au quotidien à plus d’un niveau, aussi bien social que médical. La décentralisation, tant attendue, est à cet égard un passage obligé, le rôle des municipalités dans ce contexte étant primordial pour une approche de proximité avec la population.
Au cours des derniers jours, le pays a été le théâtre de diverses démarches louables et fort utiles entreprises par une poignée de députés ainsi que par des particuliers, des partis et des associations de la société civile. L’esprit civique sur ce plan consiste cependant à s’abstenir de toute tentative vile de récupération, comme ce fut le cas avec cet ancien ministre qui a affiché sur les antennes d’une chaîne locale sa prétendue générosité débordante en annonçant solennellement qu’il octroyait un don d’un million de dollars à une ONG locale ; sauf qu’il s’est avéré que cette ONG lui appartenait !
Mais c’est pour le plus long terme qu’un second type d’actions s’impose. Déjà gravement ébranlée par la crise financière qui secoue le pays depuis plusieurs mois, l’économie nationale a aujourd’hui plus que jamais besoin d’un sérieux traitement de choc après l’épreuve du coronavirus. C’est à ce niveau que devrait intervenir le rôle, ou plutôt l’esprit civique, des quelques dizaines de détenteurs de très grosses fortunes, dont nombre de milliardaires. Ceux-ci ont engrangé ces dernières décennies des bénéfices substantiels. Soit… Nous sommes après tout dans une économie libérale. Mais à l’ombre de la présente crise, il serait normal qu’ils donnent maintenant au pays quelque chose en retour, non pas tant pour des considérations morales, mais parce qu’en définitive, il y va aussi de leur propre intérêt que l’économie libanaise soit redressée et que le secteur bancaire soit renfloué.
Dans cette perspective, au lieu que l’État perde son temps à se lancer dans des investigations sans fin à l’étranger pour dévoiler et récupérer l’argent public détourné, il serait peut-être plus pragmatique d’inviter discrètement, voire « d’inciter fortement », certains détenteurs de très grosses fortunes à rapatrier ne fût-ce qu’une partie de leurs capitaux pour investir dans les entreprises locales et des projets productifs ou aussi dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Afin de défricher le terrain sur ce plan, il revient certes au gouvernement de lancer enfin le chantier des réformes promises lors de la conférence d’avril 2018 de Paris (CEDRE), de manière à rétablir la confiance dans l’État. Cela suppose, cependant, que certains des acteurs locaux admettent que l’heure ne saurait être désormais aux caprices politiques. Le pays et la population libanaise ne sont plus en mesure de tolérer la voracité partisane, facteur d’inhibition d’une action efficace de l’exécutif. Le gouvernement compte, il faut le reconnaître, nombre de ministres actifs et dévoués à la chose publique, comme le montre l’initiative du ministre de l’Économie de soumettre au débat public son projet de renforcement du service de protection du consommateur.
Nul ne peut encore prédire si la conjoncture économique internationale de la phase post-pandémie sera ou non favorable au Liban. Dans l’attente de lendemains meilleurs à l’échelle mondiale, les détenteurs de gros capitaux devraient être incités à relancer les investissements; et pour ce faire, un climat de confiance est un prérequis, et les charognards de la vie politique se doivent donc de tourner la page de leur voracité sans bornes qui menace de couler le navire avec tous les passagers à bord.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Les experts et analystes aux quatre coins de la planète s’accordent à souligner que les multiples retombées sociales et économiques de la pandémie impliqueront une profonde modification dans notre façon de penser, de percevoir les choses de la vie, d’aborder les grands problèmes auxquels le monde est aujourd’hui confronté. Des...
commentaires (6)
Si on doit compter sur des " faut que.....y a qu'à..." le Liban se serait sorti de la cata depuis longtemps . Le Liban doit être plus prévoyant que ça, les promesses de milliards de usd ou euros ,ici et là de partout pour soutenir les économies après Corona ne presegent rien de bon pour le monde , à part une guerre mondiale des devises étrangères. Les billets de banque injectés ne seront que des papiers de monnaie de singe . Seule la Suisse a bien réagi en accrochant à l'or et en rejetant le dollar et l'euro.
FRIK-A-FRAK
16 h 28, le 31 mars 2020