On aurait cru qu’aucun autre sujet ne pouvait prévaloir sur celui de l’urgence de faire face à la menace du coronavirus. Or l’effervescence que vient de créer l’affaire de l’exfiltration aux États-Unis de l’ancien responsable de la milice pro-israélienne de l’Armée du Liban-Sud (ALS), Amer Fakhoury, accusé de crimes de torture commis à l’encontre de détenus dans la prison de Khiam, semble avoir inversé les priorités.
Depuis quelques jours, cette affaire qui a enflammé les milieux populaires proches du Hezbollah a fini par éclabousser une large partie de la classe politique et embarrasser au plus haut point le parti chiite accusé d’avoir « laissé faire ». Depuis, les accusations visant des responsables qui auraient orchestré ce « marché » avec l’administration Trump fusent de toutes parts. À tour de rôle, les parties incriminées – en tête le Courant patriotique libre, mais aussi les juges au sein du tribunal militaire à l’origine de la décision de la libération de Fakhoury et de manière indirecte le Hezbollah – cherchent à se rejeter la balle, personne ne voulant assumer la responsabilité d’une affaire aussi sensible et impopulaire.
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Le président du tribunal militaire, première victime
La déclaration du président Donald Trump qui a remercié jeudi le gouvernement libanais « pour sa coopération » à ce sujet, alors que Amer Fakhoury était en route vers les États-Unis, est venue alimenter un peu plus la tension.
Première victime de ce lynchage public, le président du tribunal militaire, le juge Hussein Abdallah, qui a présenté hier sa démission au commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun.
« Conformément à mon serment et à ma dignité militaire, je quitte mes fonctions à la présidence du tribunal militaire, qui a manqué à son devoir de faire appliquer la loi en accordant l’impunité à un collaborateur de l’ennemi et au sein duquel un juge a été intimidé », a déclaré M. Abdallah. On comprend de ces propos que c’est principalement lui qui aurait été la cible d’intimidations.
L’affaire a pris une telle ampleur que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est sorti de son mutisme hier pour calmer le jeu et apaiser sa base populaire survoltée par une décision perçue comme un acte de haute trahison. Son intervention était notamment destinée à s’en laver les mains, les informations relayées ayant fait état de négociations qui avaient eu lieu en coulisses sur fond de pressions politiques exercées par les Américains.C’est ce qu’affirme notamment le cheikh Maher Hammoud, un dignitaire sunnite proche du Hezb qui, dans une conférence de presse tonitruante jeudi, s’est lâché contre le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil qu’il tient pour responsable dans cette affaire. Le cheikh Hammoud a invité le Hezbollah à couper les ponts avec M. Bassil, lui accordant « trois jours pour le faire ». Le dignitaire sunnite a adressé des blâmes à peine voilés à Hassan Nasrallah également, à qui il reproche indirectement d’avoir « failli à sa fidélité à la cause » de la résistance, lui demandant des explications « auxquelles a droit la base populaire qui soutient la résistance ». « Il s’agit d’une position extrêmement surprenante et inédite » de la part de Hammoud, commente un journaliste du site Janoubiya. Interrogé par L’OLJ, le cheikh Hammoud affirme avoir été contacté le soir même par le secrétaire général du parti chiite. Ce dernier l’aurait mis au courant des pressions exercées sur le chef du CPL par l’administration Trump « qui a brandi des menaces de sanctions contre des membres du courant aouniste et contre son chef en particulier », aurait indiqué Hassan Nasrallah à son interlocuteur. « Le sayyed m’a également fait savoir qu’il n’était pas d’accord avec l’idée de faire assumer à Gebran Bassil la seule responsabilité de cette affaire qui n’a pu être manigancée sans l’intervention d’autres hauts responsables », a-t-il dit.
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« Certificat de patriotisme »
Plusieurs sources informées, principalement issues du camp opposé au Hezbollah, ont confirmé la contribution, « partielle » selon certains, du CPL au règlement de ce dossier. La formation de Gebran Bassil s’est, elle, défendue hier des « calomnies » visant son chef dans l’affaire Fakhoury. « Ceux qui accusent M. Bassil d’avoir facilité le départ de M. Fakhoury sur demande américaine sont les mêmes qui l’avaient accusé d’avoir facilité son entrée au Liban sur demande iranienne », indique un communiqué publié par le bureau de presse du CPL, qui dénonce les « surenchères qui ne se limitent pas à un seul camp mais aussi à certains, plus royalistes que le roi, qui disent défendre la résistance », une allusion aux propos durs tenus la veille par le cheikh Hammoud. « M. Bassil n’a pas besoin qu’on lui donne un certificat de patriotisme et d’indépendance », poursuit ce texte.
Contacté, un député membre du bloc du Liban fort, dont le CPL est la principale composante, a refusé de commenter, affirmant vouloir s’en tenir au communiqué officiel du parti.
« C’est la première fois que je ressens de la compassion pour M. Bassil », affirme un analyste du camp politique opposé aux aounistes et au Hezbollah. « M. Bassil n’est que le dernier maillon de la chaîne. Quel que soit le rôle qu’il a pu jouer, il reste minime dans cette affaire qui a été orchestrée à très haut niveau. » L’analyste fait référence à un deal global conclu avec Téhéran qui aurait inclus, outre la relaxe de Fakhoury, celle concomitante de l’ex-militaire américain Michael White, détenu en Iran depuis 2018 et libéré jeudi, alors que les tensions américano-iraniennes sont au plus haut.
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commentaires (21)
Saad nous t’avions confié notre honneur que tu as su brader pour le Hezbollah rends nous le en faisant libérer les innocents de Roumié sinon les élections anticipées qui arrivent te renverront en Arabie Saoudite d’ailleurs qui ne veut plus de toi non plus Rachète toi petit il y a des gens en haut qui t’observe!
PROFIL BAS
17 h 49, le 22 mars 2020