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Société - Tribunaux

Une justice au ralenti pour éviter d’éventuelles contaminations

Les audiences sont suspendues jusqu’au 29 mars. Les demandes urgentes continuent théoriquement d’être traitées, même si en pratique elles sont à ce jour quasi paralysées.

La ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, et le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, ainsi que les Conseils de l’ordre des avocats de Beyrouth et de Tripoli, présidés respectivement par Melhem Khalaf et Mohammad Mrad, n’ont pas attendu la mobilisation générale décrétée dimanche par le Conseil des ministres pour prendre des mesures visant à éviter la propagation du coronavirus dans les Palais de justice, sujets à une forte concentration de personnes. Depuis le 3 mars et à coup de prolongations décidées jusqu’à pas plus tard qu’hier, Mme Najm et le CSM ont ordonné la suspension des audiences auprès de l’ensemble des juridictions civiles et pénales jusqu’au 29 mars inclus. Seront toutefois maintenues les procédures judiciaires pénales liées aux demandes de mise en liberté des personnes arrêtées, ainsi que l’adoption par les tribunaux civils de mesures jugées urgentes.

Parmi les démarches non incluses dans l’interruption des activités judiciaires, figurent aussi de nouvelles demandes de procédures d’exécution et de saisies conservatoires, ainsi que l’exécution de décisions des tribunaux religieux liées à l’interdiction ou l’autorisation de voyager, aux pensions alimentaires et au droit de visite des enfants, dans les affaires de divorce ou de séparation de conjoints. Hier, après l’annonce de la mobilisation générale, la ministre de la Justice a publié une circulaire demandant aux notaires de fermer leurs études jusqu’au 29 mars, sur l’ensemble du territoire. Mme Najm les a appelés à mettre une ligne verte à la disposition des clients, pour leur permettre de déposer leurs demandes de formalités urgentes.


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Un service minimum

De leur côté, MM. Khalaf et Mrad ont annoncé hier la prolongation de l’arrêt des audiences jusqu’à la même date, rappelant dans un communiqué que les formalités légales pour suspendre les délais de forclusion ainsi que celles liées aux arrestations continueront à être reçues.

Joint par L’Orient-Le Jour au sujet de l’application concrète de ces mesures, Melhem Khalaf affirme que la justice fonctionne a minima, soulignant qu’« un service minimum est mis en place pour garantir notamment les droits liés aux délais de forclusion, afin que les justiciables ne perdent pas leur droit d’interjeter appel et de se pourvoir en cassation, ou encore de faire opposition ». « Ces recours sont soumis à des délais », explique le bâtonnier de l’ordre des avocats, notant que « lorsqu’un délai vient à expirer, l’assignation de l’adversaire au procès sera rejetée ». « La ministre de la Justice compte se pencher sur la préparation d’un projet de loi visant à suspendre ces délais ou à les prolonger », révèle-t-il dans ce cadre, notant qu’« un tel projet devra être adopté par le Parlement ». Ce qui laisse penser que l’élaboration de la loi n’est pas pour bientôt, les réunions et rassemblements étant dangereux actuellement.

Également contacté par L’OLJ hier, Saadeddine Khatib, membre du conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth, a dressé un sombre état des lieux de la journée judiciaire qui vient de s’écouler. « Je me trouvais au Palais de justice et je peux vous dire que la décision de la ministre de la Justice d’affecter un fonctionnaire à chaque greffe n’a pas été appliquée », souligne-t-il, indiquant que « seuls trois fonctionnaires travaillant auprès de la Cour de cassation ont fait acte de présence ». « Le bureau d’exécution, le registre de commerce, les tribunaux commerciaux et ceux statuant en matière de loyer étaient par exemple fermés », ajoute-t-il. Me Khatib souligne que la Ligue des fonctionnaires de l’administration publique, dont font partie ceux du Palais de justice, a demandé hier, dans un communiqué, à l’ensemble de ses membres de rester à leur domicile, en raison de l’absence de mesures de protection prises par le gouvernement. Relevant que les Palais de justice de Baabda et de Zahlé étaient simplement fermés hier, l’avocat appelle à « mieux s’organiser et à assurer des rotations pour faciliter les choses aux citoyens ».

Tout en affirmant qu’en matière de justice pénale, « les requêtes de remise en liberté de détenus restent admises », Me Melhem Khalam s’interroge de savoir « comment les audiences liées à ces dossiers pourraient se poursuivre » dans ces circonstances exceptionnelles. « Il ne s’agit pas d’une situation facile », estime-t-il, indiquant que les décisions rendues sont tributaires notamment de la formation du tribunal. « Un juge unique peut émettre un jugement plus rapidement qu’une juridiction composée de trois membres qui, eux, doivent se réunir pour émettre leur décision. »


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Messages et appels téléphoniques

Pour pallier ces difficultés, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, a accepté hier dans un communiqué que les demandes de mise en liberté de personnes placées en détention puissent être effectuées au moyen de messages ou via des appels téléphoniques, soulignant que ces demandes seront considérées comme écrites. Les décisions de mise en liberté pourront être émises en vertu du même procédé, a ajouté le magistrat.

Ces mesures, qui visent à éviter au maximum la fréquentation des Palais de justice, ont été accompagnées par des recommandations du bâtonnier des avocats de Beyrouth, notamment celles de « ne se rendre aux Palais de justice qu’en cas d’extrême urgence, munis de gants et de masques, et (d’) effectuer les formalités judiciaires à une vitesse record ».


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