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Économie - Crise

Pas de dévaluation de la livre dans un « proche avenir », assure Ghazi Wazni

Le Fonds monétaire international exhorte le Liban à rapidement élaborer son plan pour redresser le pays.

Le Premier ministre, Hassane Diab (au centre), lors du Conseil des ministres d’hier. Photo Dalati et Nohra

Le ministre des Finances, Ghazi Wazni, a déclaré hier à l’agence Reuters que le gouvernement n’envisageait pas de dévaluer la livre libanaise dans un « proche avenir » et que son plan pour faire face à la grave crise économique et financière que traverse le pays sera prêt dans « quelques semaines. »

Des déclarations qui interviennent dans le sillage de l’annonce par le Premier ministre Hassane Diab de la décision du gouvernement de ne pas rembourser l’émission de 1,2 milliard de dollars d’eurobonds (titres de dette en devises) arrivés à échéance lundi dernier et qu’il négocierait une restructuration de sa dette avec ses créanciers. C’est la première fois que le pays fait défaut dans son histoire. Le gouvernement a en outre fait appel à deux cabinets internationaux pour l’épauler dans les négociations.




Pas avant un redressement

Au sujet de la livre, le ministre a précisé que son maintien au taux auquel la Banque du Liban l’a stabilisé depuis 1997, en intervenant sur le marché (1 507,5 livres pour un dollar), permettra entre autres de contrôler l’inflation, sans toutefois écarter la possibilité que le pays adopte une « politique plus flexible plus tard », sans pour autant s’engager sur un calendrier, même approximatif. « Cela dépendra de la capacité du Liban à améliorer la situation de ses finances publiques (réduire, voire supprimer ses déficits budgétaires), de son endettement, ou encore la situation du secteur bancaire (qui a besoin d’être recapitalisé) et le niveau de ses entrées de capitaux », a encore développé Ghazi Wazni.

Contacté par L’Orient-Le Jour, l’économiste en chef de l’Institut de la finance internationale (IFI) pour la zone MENA, Garbis Iradian, a lui aussi estimé que le Liban n’avait pas intérêt à laisser flotter la livre avant la mise en œuvre d’un programme d’ajustement et que le pays ait « sécurisé des financements » pour amorcer son redressement. L’IFI est une organisation qui regroupe près de 500 banques et institutions financières à travers le monde et qui commente régulièrement l’évolution de la situation financière au Liban.

Si le taux officiel reste toujours en vigueur pour les transactions bancaires, celui pratiqué par les changeurs n’a pas cessé de grimper depuis fin août pour atteindre un niveau environ 60 % plus élevé ces dernières semaines. Une tendance liée aux mesures informelles de contrôle de capitaux mises en place par les banques et qui ont dopé la demande de dollars chez les changeurs, provoquant par ricochet une hausse des prix de nombreux produits.

La BDL a tenté à deux reprises de plafonner le taux du marché secondaire à environ 2 000, la première fois en janvier via un accord avec le syndicat des changeurs, et une seconde fois il y a une semaine en publiant une circulaire contraignante pour la profession, qui limite le taux livre/dollar à l’achat à un niveau qui ne doit pas être supérieur à 30 % de celui que la BDL « utilise avec les banques ». Le syndicat des changeurs, qui a assuré en début de semaine qu’il appliquerait la circulaire, a pour sa part demandé à l’État de « prendre ses responsabilités » en poursuivant les changeurs exerçant sans licence, sur lesquels la BDL n’a pas de prise. Une réunion a d’ailleurs eu lieu hier entre des ministres du gouvernement et des responsables des forces de sécurité pour aborder cette question. Beaucoup de changeurs considèrent néanmoins qu’il sera difficile pour la BDL de stabiliser le taux de change sans injecter davantage de liquidités en dollars sur le marché, ce que le niveau de ses réserves de devises, en baisse quasi constante depuis 2017, ne lui permettent plus de faire.


(Lire aussi : Le Liban doit agir "rapidement" pour contrer le marasme économique, prévient le FMI)


Des propos nuancés

S’agissant du plan de redressement et de réformes préparé par le gouvernement – qui s’est réuni hier et a notamment approuvé la mise en place d’un prix plancher pour l’essence (voir encadré) – Ghazi Wazni a indiqué que l’exécutif comptait globalement suivre les recommandations du Fonds monétaire international (FMI). À la demande de l’État, une mission d’urgence composée d’experts du FMI a été dépêchée le mois dernier à Beyrouth pour établir un diagnostic complet de la situation du pays sur le plan « macro-économique ». Pour l’heure, aucune décision concernant le type d’aide que le Liban compte solliciter auprès de l’organisation internationale (assistance technique ou programme de soutien financier) n’a été arrêtée. Mardi, le gouvernement de Hassane Diab s’était entretenu avec une équipe de conseillers internationaux à propos du plan de réformes devant permettre la relance économique et financière du pays. Selon les informations de notre correspondante Hoda Chédid, le plan de sauvetage sera prêt d’ici à deux mois, et sa mise en application prendra 10 mois au maximum.Le ministre avait toutefois nuancé ses propos. « Le Liban accueille toute aide internationale sans exception (...) mais l’accord avec le FMI ne doit pas impacter négativement la situation politique au Liban et les conditions ne doivent pas affecter la situation sociale », a-t-il énuméré. Il a de plus considéré que les « conditions traditionnelles » imposées par le Fonds pouvaient difficilement s’appliquer au cas du Liban, citant notamment l’augmentation de la fiscalité ou les privatisations. Le ministre a enfin indiqué que le pays avait « besoin de 25 à 30 milliards de dollars d’aide sur les cinq prochaines années afin de sortir de la crise », une estimation proche de celles avancées par plusieurs études (dont une de l’IFI) et les experts qui se sont exprimés sur le sujet ces derniers mois.

Le FMI a, lui, exhorté Beyrouth hier à mettre les bouchées doubles. « Compte tenu de la gravité des conditions économiques au Liban, il est important que le gouvernement conçoive et mette rapidement en œuvre un ensemble complet de réformes pour relever efficacement les défis économiques et améliorer ses perspectives économiques », a déclaré hier le porte-parole de l’organisation Gerry Rice. Ce dernier a en outre indiqué que la délégation d’experts dépêchés par le FMI était de retour à Washington et que l’organisation attendait désormais de « recevoir des autorités libanaises leur plan sur la manière de relever les défis économiques auxquels elles sont confrontées ».


Des chantiers majeurs

L’empressement du FMI est compréhensible au regard de la situation critique dans laquelle se trouve le pays, dont la dette publique flirte depuis fin 2019 avec la barre des 92 milliards de dollars (pour un des pires ratios dette/PIB du monde, à plus de 150 %). Une ardoise que le pays, que plus aucune des principales agences de notation souveraine ne considère comme solvable (lire par ailleurs), ne peut plus rembourser à des coûts raisonnables (les taux d’emprunts sur les marchés augmentent avec le risque pays). Parmi les nombreux problèmes structurels figurent notamment le secteur de l’électricité, qui coûte plus ou moins 1,5 milliard de dollars par an en avances du Trésor (en fonction des cours du brut) pour des capacités insuffisantes à assurer les besoins de tout le pays. Pour y remédier, le Liban envisage de troquer ces centrales au fioul pour de nouvelles fonctionnant au gaz. Ghazi Wazni a d’ailleurs souligné que le gouvernement avait donné son feu vert à ce projet, sans plus de détails.

Un autre chantier majeur devrait être celui de la réforme du secteur bancaire, longtemps considéré comme le pilier de l’économie mais qui s’est effondré en quelques mois suite à une conjonction de plusieurs facteurs, dont son exposition au risque souverain. Dans une interview accordée à Reuters, le PDG de l’établissement libanais FFA Private Bank, Jean Riachi, a par exemple jugé que « presque toutes les banques du pays avaient besoin d’être recapitalisées », anticipant une forte baisse des dépôts dans le sillage de la crise. Le cadre dirigeant a également considéré que le pays avait « trop de banques » (l’Association des banques du Liban compte une soixantaine de membres, dont plusieurs filiales appartenant aux mêmes groupes) et a préconisé de réduire leur nombre, soit via des fusions, soit en liquidant les établissements les plus modestes, faisant le parallèle avec le cas chypriote lors de la crise de 2012-2013.


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commentaires (3)

SUBLIME CONFIRMATION DE DEVALUATION. PAS DANS UN PROCHE AVENIR. ET LA DEVALUATION DE FAIT RECONNUE PAR LA BDL CHEZ LES CHANGEURS ?

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 01, le 13 mars 2020

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Commentaires (3)

  • SUBLIME CONFIRMATION DE DEVALUATION. PAS DANS UN PROCHE AVENIR. ET LA DEVALUATION DE FAIT RECONNUE PAR LA BDL CHEZ LES CHANGEURS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 01, le 13 mars 2020

  • "... Au sujet de la livre, le ministre a précisé que son maintien au taux auquel la Banque du Liban l’a stabilisé depuis 1997, en intervenant sur le marché (1 507,5 livres pour un dollar), permettra entre autres de contrôler l’inflation ..." Permettra entre autres... C’est quoi "entre autres"? C’est forcer les détenteurs de comptes en dollars, par les restrictions bancaires illégales, à les convertir en livres libanaises au taux officiel, ce qui n’est qu’une forme sournoise de "haircut" qui ne dit pas son nom... Bande de voyous!

    Gros Gnon

    04 h 55, le 13 mars 2020

  • On vous connaît bien.Et l'on devine ce que vous devinez. Pas de confiance.

    Esber

    04 h 51, le 13 mars 2020

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